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Etat de crise et crise de l’Etat (I)

Publié le 21 juin 2009 par Cabinetal

Ouragan.jpg.bmpLa cause est entendue. La crise est imputable aux banques et rien qu’aux banques ! Comme toujours, la réalité n’est pas si simple. Loin du mythe de la dérèglementation ou des fantasmes sur l’eschatologie du capitalisme, cette crise trouve son origine dans la conjonction de 3 faits : un fait générateur, les politiques de relance conduites par les Etats dans la première moitié des années 2000 ; un fait déclencheur, la hausse des matières premières imputable à la croissance mondiale, et un fait aggravant, les modalités de refinancement interbancaire au travers la titrisation. J’écrivais sur ce blog, en mai 2006, qu’une « qu'une politique de croissance fondée sur l'endettement des ménages reste une politique de court terme, à utiliser avec prudence ». La démonstration en est faite et les Etats feraient bien de s’en souvenir. Voici le premier des 2 billets récapitulant ce sujet.

Le fait générateur : remontons jusqu’au 11 septembre ! Cette date est aujourd’hui aussi connue que le 14 juillet ! Il n’est plus besoin de préciser que c’était en 2001. Ce jour-là, l’hyper-puissance américaine, trop sure d’elle-même, a été frappée à son talon d’Achille par une poignée de criminels fanatiques. Ce choc a révélé une faiblesse, instillant un doute brutal sur sa solidité réelle et impulsant du même coup, un nouveau ralentissement économique après la sortie quelques mois plus tôt de la bulle « internet ». Bref ! Pour soutenir l’économie, la Banque Centrale américaine, la « Fed », profitant de la faible inflation, va pratiquer une relance par les taux d’intérêt, qui vont passer de 6% au début de janvier 2001 à ... 1,75 % en décembre. Ces taux atteindront même 1 % en juin 2003 et ce n’est qu’à la fin de l’année 2004 qu’ils remonteront au dessus des 2 %. C’est un formidable appel à s’endetter et les Américains ne vont pas se faire prier. S’engage alors un cycle de croissance : la dette nourrit la demande qui nourrit la croissance, y compris mondiale.

La zone euro va devoir aligner ses taux. En effet, pas question de conserver un différentiel trop élevé qui pèserait par trop sur le change, pénalisant les exportations européennes. De plus, l’inflation est maîtrisée. Cet encouragement à l’endettement arrive au bon moment pour la France qui connaît de fortes tendances paupérisantes. Ainsi, le nombre de fonctionnaires continue d’augmenter plus vite que la population active alors que le périmètre de la sphère publique n’a pas changé. Les systèmes de retraite coûtent de plus en plus cher : le nombre de cotisants par retraité a été divisé par 2 depuis 25 ans. Et, cerise sur le gâteau, la semaine des 35 heures a déjà disposé des gains de productivité des années à venir. Ce malthusianisme ambiant aboutit à tirer un trait sur l’augmentation du pouvoir d’achat. De fait, sur la période 2000 à 2007, la croissance française par habitant est inferieure de près d’un quart à celle de l’Europe des 15. Autant dire que l’encouragement à l’endettement pour soutenir la demande est pain béni, pour l’Etat comme pour les ménages. Ainsi, la dette des ménages a cru chaque année de 3 ou 4 % à la fin des années 90, de 5 ou 6 % au milieu des années 2000 et plus de 10 % depuis 2004 ! Et la dette publique ne cesse de croître, malgré la croissance de la fin des années 90 qui n’a marqué aucune inversion de tendance, se nourrissant des déficits récurrents depuis le milieu des années 70. De fait, elle a plus que doublé entre 1990 et 2000 (de l’ordre de 8% l’an en moyenne) et s’est poursuivi sur un rythme de l’ordre de 6 % l’an (ce qui s’appelle encore et toujours une croissance exponentielle). Elle atteint désormais 1320 milliards d’euro au 31 décembre 2008. C’est bon an mal an entre 100 et 150 milliards empruntés chaque année par le seul Etat. Seul point positif au début des années 2000 : il y a bien la LOLF mais dont la mise en oeuvre va devoir attendre quelques années.

On comprend donc à quel point des taux d’intérêt bas ont pu être un encouragement au statut quo en France. Imaginons un instant que les Français n’aient pas emprunté, que le secteur public ait couvert l’intégralité de ses dépenses – ou même seulement celles de fonctionnement – par l’impôt. Alors, le niveau de vie se serait effondré et les conséquences sociales en auraient été particulièrement douloureuses.

Et dans ce contexte, tout le monde s’endette ! Aux USA, des courtiers prêtent aussi à des ménages fragiles en raison de leurs faibles revenus ou d’un endettement déjà fort ou d’une situation précaire ... C’est le marché appelé « subprime ». Ces ménages le peuvent, car souscrivant des crédits à taux variable donc faibles, les intérêts apparaissent dérisoires. En outre, l’idée dominante est que dans un marché immobilier en hausse, il sera toujours possible de revendre et même avec une plus value. C'est-à-dire que les crédits changent de nature : de crédits d’investissement appelés à être remboursés par ponction sur la capacité d’épargne, ils peuvent devenir des crédits de trésorerie, remboursés par la vente des biens qu’ils financent. Ce type de changement n’est jamais sain !

L’Etat US d’ailleurs pousse à cette situation en bonifiant les taux au travers des sociétés spécialisées semi-publiques : Fannie Mae et Freddie Mac, qui sont des organismes de refinancement interbancaire. Créés à l'initiative de l'Etat américain (respectivement en 1938 et en 1970), ils ont une quasi-mission de service public. En achetant les crédits immobiliers des banques, ils leur permettent d'accorder de nouveaux crédits. Au total, leurs encours ont dépassé les 5000 milliards d'euros. Eux-mêmes se refinancent par une « ligne » de trésorerie à taux réduit garantie par l'Etat.

Alors, oui ! Cette politique va générer une vague de croissance qui permet à des populations entières d’accéder à un niveau de vie supérieur. Mais c’est une croissance fragile qui induit les mécanismes qui vont la réduire. En effet, sa traduction économique, c’est une demande accrue de matières premières dont les prix commencent à grimper, et ce, dès 2004.

(à suivre) A.B. Galiani.


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