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L'express de Paris

Publié le 22 juin 2009 par Doespirito @Doespirito

2876_73916788270_703353270_1715571_6739609_n Paris est tout au bout de la voie D. La main sur son col relevé, sac et pépin sous le bras, la femme seule croise à distance respectable de trois hommes pas discrets qui patientent en se racontant leurs histoires d’usine au parfum graisseux. Un peu de fraicheur descend avec le soir. Douceur d’un mai attendu sur les charpentes de ferraille. La mosaïque jaune pâle des escaliers éteint les fluos verdâtres du passage sous les voies.

La salle d’attente est mortelle. Attendre un train, le matin, le prochain jour, une autre vie, ça vaut-il qu’on reste ici une seule heure ? Pour tuer le temps, un dénommé “Peneu” a gravé son nom sur les murs en deux syllabes détachées, qui le proclament roi de ces lieux déserts. Les traces de “Peneu” sont fièrement gribouillées, au feutre, en gros, en petit, en capitales, en minuscule, sans plein et sans délié. L’homme de caoutchouc avait soif de reconnaissance. Il a raclé la peinture grise pour faire parler le plâtre. Il a gratté le vernis des sièges de bois avec sa clé de voiture. Il est incrusté pour un bon moment.

Craquements, deux souffles d’essai dans le micro, et l’annonce rituelle «Le train en provenance de Paris et à destination de Caen entre en gare…» enveloppe les quais. Deux yeux blancs s’extraient du bleu profond. La motrice fait gronder ses fers sur le ballast et  nous crache son air comprimé en passant. Les freins crissent à fendre la tête. Les haut-parleurs entonnent la ritournelle mécanique de la SNCF. La vie s'écoule des flancs du train. L’émotion déborde sur le quai.


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