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Errances de l'ergonomie : le prix de la nouveauté

Publié le 27 septembre 2007 par Pierre Mounier

Dans le domaine de l'ergonomie et des interfaces, il y a sans doute un avant et un après Mac OS X. Révolutionnaire dans son architecture (enfin un Unix dédié au grand public), Mac OS X introduisait de nombreuses nouveautés ergonomiques et de nouveaux effets visuels, qui furent appelés "Aqua". Cette interface graphique se caractérise, selon Wikipedia, par "l'utilisation de la transparence des fenêtres et des menus, l'anticrénelage du texte et des images, et la réaction aux actions de l'utilisateur par des animations." Autant dire qu'Aqua fait joli, animé et, au fond, fait grossir les icônes afin de s'adapter à tous les types de non-voyance, y compris intellectuelle. Chez Apple, cette approche de type gros Legos ou, comme le dit un camarade au verbe piquant, Fisher Price, a le mérite de simplifier, s'il en était besoin, l'ergonomie des Macintosh. Bien sûr, cela ne va pas sans réduire les possibilités d'une telle interface. Mais, avec la patte Apple, il y a une belle cohérence et une vraie maturité ergonomique.

Chez Microsoft, la riposte consiste en général à copier le concurrent. Chez un éditeur de logiciel qui n'a toujours pas compris ce que signifie ergonomie et interface, le pire était à craindre. Il est arrivé. Avec Internet explorer 7, Windows Vista et -chef d'oeuvre sans doute inégalé- Word 2007, Microsoft a réussi un petit miracle de destruction de principes d'ergonomie, notamment en abolissant la notion de menu déroulant au profit de boutons et d'effets visuels singeant maladroitement Aqua. Cette interface porte le nom d'Aero, sans doute pour signifier le côté aérien, épuré et simplifié de cette interface. En utilisant un mélange de vocabulaire relevant du marketing et de la secte religieuse, les têtes pensantes de Microsoft ont en fait essayé de donner un sens à ce nom et affirmant qu'il signifiait "Authentic, Energetic, Reflective and Open" (Authentique, Energétique, Réfléchi et Ouvert). Excusez du peu !

Authentique, Energétique, Réfléchi et Ouvert. Excusez du peu !

Certes, le bouton "Démarrer" ne s'appelle plus ainsi. On ne pourra plus demander à nos collègues de cliquer sur le menu démarrer pour... éteindre l'ordinateur. Une occasion de moquerie qui se perd...

Certes, certains effets visuels flattent l'oeil assoupi. Mais, surtout, Microsoft a décidé de rompre avec l'utilisateur. Le principe de base d'une ergonomie bien pensée est la continuité. Il ne faut changer que ce qui était objectivement mal pensé, ou inadapté aux évolutions majeures de l'environnement. En l'état, les choix de pastilles-pustules, onglets et autres boutons (non contagieux, on l'espère) qui prolifèrent dans la nouvelle ergonomie composée par Microsoft relèvent du cockpit d'Airbus A380 pour enfants, en aucun cas d'un logiciel qui cherche à optimiser le travail de l'utilisateur. Citons également la fonctionnalité inutile et stupide proposée par Windows Vista avec Dreamscene : vous pouvez désormais visionner un film entier en fond d'écran. Un vrai progrès de civilisation. Voilà un bel exemple de fonctionnalité consommatrice de ressources et totalement vaine. Ca ne vous rappelle pas la possibilité d'avoir des pages web en fond d'écran ?

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Avec Dreamscene : vous pouvez désormais visionner un film entier en fond d'écran. Un vrai progrès de civilisation

On me répondra que je fais partie de la troupe habituelle des usagers refusant d'évoluer, rétifs à la nouveautés et, pour tout dire, vieillissants... Je répondrai que des cohortes de secrétariats vont devoir apprendre une ergonomie profondément remaniée, rapprochant terriblement Word du logiciel Publisher, c'est-à-dire d'un prêt-à-porter ergonomique, dédié à la conception de cartons d'invitation pour l'anniversaire du petit dernier de la famille... En formations et en pertes d'efficacité, quel sera le coût de ces migrations et quel en sera le gain ? Sans doute quelques fonctions très souvent utilisées sont-elles plus rapidement accessibles, et donc provoquent-elles un petit gain de productivité. Mais pour quelques fonctions mises en avant, combien ont été repoussées dans les tréfonds d'un logiciel devenant, de fait, de plus en plus touffu et insondable ?

Au fond, Microsoft démontre par l'exemple qu'une migration rapide de centaines de milliers de postes de secrétaires vers Linux peut être envisagée, puisqu'il est possible de leur demander des efforts d'adaptation à un environnement totalement nouveau. Le gain, ici, serait réel. Ce n'est pas Linux qui s'en plaindra.


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