C’est l’histoire d’une Fraise. Une Fraise.com pour être exact. Son créateur s’appelle Patrice Cassard et vit dans le chaudron stéphanois. Au début de tout une idée basée sur une longue réflexion.
Il veut monter un business, se renseigne, couche sur une feuille les pré-requis pour que cela marche, achète quelques bouquins pour voir ce qui existe en matière de statuts possibles, se décide et finalement se lance.
Si la création ne lui pose que peu de problème, trouver une banque se révèle plus compliqué car la vente sur internet est assez mal encadrée réglementairement, personne ne souhaitant au final prendre le risque (on mesurera l’ironie de la chose quand on connait le but original des banques dans une logique capitalistique), il se tourne vers un “porteur” qui lui sous-loue un contrat de VAD (vente à distance).
Le voilà implanté, solidement même, avec un CA en hausse constante et relativement important par rapport aux prévisions. Il atteint même 1 millions d’euros après 1 an 1/2 d’existence. Si le fournisseur de sérigraphie et de Tee shirt est belge, la société est localisée en France.
Devant ce beau succès, et par le profit alléché, un grand groupe, Spreadshirt, se rapproche de notre créateur.
Il faut dire que lafraise.com joue dans la même cour que Spreadshirt mais sur des volumes moins importants. La grosse société a donc l’avantage de connaître le métier, d’avoir des volumes qui lui permettent d’obtenir des meilleurs prix (et d’élever ainsi mécaniquement la VA de la production), le petit a les idées.
Car en plus d’être un site de vente de tee-shirts, lafraise.com a su créer une communauté. Les graphistes sont rémunérés (200 puis 500 et enfin 1.000 euros par visuel imprimé), le fait d’envoyer des photos de soi avec un tee-shirt lafraise finit par vous faire gagner des points synonymes de réductions et le blog fait partager un peu de la vie de la scoiété.
Arrive ensuite le moment décisif, la vente. Car devant les propositions le créateur va vendre. On parle de 2 millions d’euros, ce qui au vu du capital de départ (8.000 euros de tête) représente une sacrée culbute.
Désormais l’activité n’est plus localisée en France. Les tee-shirts sont expédiés d’Allemagne1 et la société s’appelle désormais Lafraise ltd. Elle est localisée en Irlande, à Cork pour bénéficier d’une fiscalité avantageuse.
Ce qui au final me fait penser plusieurs petites choses:
- Une small business administration est effectivement nécessaire mais je crois qu’on ne s’achemine pas vers une structure assez large. Si on veut véritablement UN guichet unique, il faut créer une structure qui se charge non seulement des aspects fiscaux et légaux mais aussi de tout le reste. Quitte à faire “porter” par cette SBA les risques inhérents à la création. Véritable agréateur de capital-risqueur (public et privé) elle doit permettre un accès à l’entreprenariat serein. Tourné uniquement vers l’aspect commercial des choses.
- Une idée vaut plus que toute la puissance du monde. Le capitalisme “cognitif” a de beaux jours devant lui.
- Les gens qui encensent l’Irlande devraient aussi se demander si le PIB/hab de cette petite île n’est pas artificiellement gonflé (l’Europe est d’ailleurs en train de mettre son nez dans ces localisations fiscales)
L’histoire de lafraise.com est assez typique de la vie d’une entreprise nouvelle génération. basée non plus sur les principes tayloro-fordiste d’une production de masse mais qui conjugue avec un certain brio une idée de base et une production très réduite.
Dans une société qui uniformise les comportements, les cultures et les sociétés, le pari de la différenciation (chaque tee-shirt est tiré à 500 exemplaires pas un de plus) paye.
Le règne de l’idée est en cours.
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