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Le remaniement ministériel tourne au ballet gouvernemental

Publié le 27 juin 2009 par Jefka

Il convient dans un premier temps de rappeler le contexte du remaniement ministériel. Il s’agissait officiellement de combler les départs de Rachida Dati et Michel Barnier compte tenu de leur élection au parlement européen. Sauf que pour l’ex-Garde des Sceaux, l’occasion était trop belle pour Nicolas Sarkozy de se séparer d’elle. Elle était contestée de toute part, notamment en raison d’un déficit d’image lié à ses goûts ostentatoires pour le luxe. Elle a cru bien faire en pratiquant une communication proche de celle qu’adopta le Président en début de mandat, lequel se plaisait ouvertement dans la médiatisation people de la politique. Sauf que le chef de l’Etat s’est ravisé bien vite face à la montée de la critique, ce que ne fît pas Mme Dati. Le remaniement était donc censé être l’application du principe de non-cumul des mandats. Ce qui a particulièrement gêné Nicolas Sarkozy suite à l’élection de Brice Hortefeux au poste de député européen. Il est vrai que le succès de ce dernier était inattendu. Il n’empêche que M. Hortefeux reste dans le gouvernement Fillon, en y étant en quelque sorte promu car c’est en tant que ministre de l’Intérieur que dorénavant il y officiera. C’est un ministère dont il rêvait et son vœu a été exaucé. Il ne siègera donc pas à Strasbourg alors que l’UMP avait pris lors de la campagne européenne l’engagement suivant : « les candidats de la Majorité Présidentielle s’engagent à être présents au parlement européen à Strasbourg ». L’UMP avait peut-être oublié de préciser que Brice Hortefeux, ami de plus de trente ans du Président, n’était pas concerné par cet engagement. Concernant la nouvelle équipe gouvernementale, il est évident que l’ouverture est terminée au sujet des nouveaux entrants. On note en effet l’arrivée de Christian Estrosi, fidèle parmi les fidèles de Sarkozy, au poste de ministre de l’industrie. Ce monsieur est tout à fait en phase avec le Président car il s’est souvent illustré sur le thème de la sécurité, thème cher à l’Elysée lorsqu’une campagne électorale s’annonce. Estrosi, en tant que maire de Nice, avait notamment proposé l’installation de portiques de sécurité à l’entrée des écoles primaires. Il est également à l’origine du projet de loi pénal sur les bandes organisés, soit la reconnaissance d’une responsabilité collective du seul fait de l’appartenance à un groupe. Il surfe donc tout à fait sur la vague présidentielle du tout répressif, et en conséquence il obtient son billet d’entrée au gouvernement. Vient ensuite Pierre Lellouche, également proche de Sarkozy, choisi pour être secrétaire d’Etat aux affaires européennes. Lellouche s’est surtout dernièrement illustré en tant qu’ardent défenseur du retour de la France dans l’OTAN. Il avait également vivement soutenu l’intervention américaine en Irak en 2003. Sa nomination aux affaires européennes confirme donc la dimension atlantiste, caractérisée par l’influence plus qu'importante de l’état-major américain, que souhaite donner Nicolas Sarkozy à la politique de défense en Europe. Puis vient de Michelle Alliot Marie qui bénéficie d’un avancement en devenant ministre d’Etat. A ce titre, qu’est-ce qu’un ministre d’Etat et surtout à quoi cela sert-il ? Dans les faits à presque rien. En effet, le titre de “ministre d’Etat” est purement honorifique, destiné à une personnalité politique qui se démarque. Il s’agit essentiellement d’honorer un ministre qui dirige un grand parti, ou qui est au-dessus de tout clivage politique (comme André Malraux par exemple qui fût ministre d’Etat). En termes de protocole, le ministre d’Etat vient s’insérer entre le premier ministre et les autres ministres. Alors, pourquoi autant d’honneurs attribués à Mme Alliot-Marie pourtant guère appréciée par le Président ? S’agit-il d’un mystère politique ? Ou encore d’un calcul ayant pour horizon les élections régionales de 2010 ? Toujours pas en reste, Nicolas Sarkozy a nommé deux sénateurs au poste de ministre, avec la particularité que chacun soit président de groupe au sein du Sénat. Il s’agit d’Henri de Raincourt, président du groupe UMP, et Michel Mercier, président du groupe centriste. Ces nominations s'inscrivent tout à fait dans le schéma de présidentialisation du régime construit par le chef de l'Etat, en intégrant dans le pouvoir exécutif deux personnes d’influence du pouvoir législatif. Qu’en est-il du cumul des mandats, alors que le remaniement était présenté comme l’application du principe de non-cumul ? Et l’équilibre du pouvoir dans tout cela ? N’est-ce pas un moyen de mettre au pas une assemblée qui par le passé s’est montrée peut-être un peu trop vindicative à l'encontre du Président et de sa majorité ? Remarquons également que Michel Mercier est un proche de François Bayrou, lequel doit se retrouver encore un peu plus seul aujourd’hui. Mais qui s’en plaindra ! Pour continuer dans le ballet gouvernemental, notons principalement le transfert de Xavier Darcos de l’éducation nationale au ministère du travail. Lui qui eût tant de mal à discuter avec les syndicats lycéens, ce qu’il lui valut d’ailleurs d’être sacrifié lorsque l'Elysée lui demanda de remiser son projet de réforme des lycées, devra faire preuve de bien plus d'habileté qu'on ne lui prête lorsqu’il trouvera sur sa route les syndicats professionnels. A noter également la sortie de Christine Boutin, elle qui pourtant représente la droite catholique et conservatrice dont les voix sont si profitables à Sarkozy. Les futures présidentielles sont certainement trop éloignées pour se contraindre à la supporter encore un peu plus longtemps dans le gouvernement. Exit également Bernard Laporte, qui cette fois-ci prend celle de sortie. Sa participation au gouvernement fût totalement inexistante, entre présider des inaugurations de piscine et déclarer publiquement qu’il n’était pas le père de l’enfant de Rachida Dati. La nomination de Laporte ne fût simplement qu’un coup médiatique sans suite. En sera-t-il de même concernant la nomination de Frédéric Mitterrand en tant que ministre de la culture ? Ce dernier ne s’est d’ores et déjà pas embarrassé du protocole en annonçant lui-même sa nomination ministérielle. Nicolas Sarkozy réussit cependant l’exploit, il faut bien lui reconnaître, d’associer à sa politique un nom prestigieux de l’histoire socialiste. La comparaison s’arrête là car Frédéric Mitterrand ne s’est jamais déclaré ouvertement de gauche même s’il était, selon ses propos, en perpétuelle admiration devant son oncle président. Ce qui ne l'a pas empêché de soutenir Chirac lors des présidentielles de 1995. On attend avec impatience le moment où Frédéric Mitterrand devra rentrer dans les rangs sarkozyens, notamment en reprenant à son compte la loi sur le téléchargement illégal vidée de sa substance après l'avis du Conseil constitutionnel, ce qui insupporte particulièrement le chef de l'Etat. Sera-t-il toujours user de sa liberté de parole ? Pour conclure, le remaniement ministériel est un non-évènement. Comme d’ailleurs ceux à venir, dont le prochain sera certainement juste après les élections régionales de 2010. Non-évènement car que reste-t-il aujourd’hui comme prérogative aux membres du gouvernement, son chef en tête. Les ministres sont depuis 2007 devenus surtout des portes paroles de l’action élyséenne concernant leur secteur respectif. Le seul fait d'importance est la fin du secrétariat d’Etat aux droits de l’homme précédemment occupée par Rama Yade, laquelle se voit retoquée aux sports. Et pourtant, le candidat Sarkozy avait promis pendant la campagne présidentielle d’être le président des droits de l’homme. Deux années de présidence, une visite de Kadhafi reçu en grande pompe à Paris et les intérêts économiques représentés par la Chine auront eu raison de cette promesse de campagne.


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