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Michael Jackson

Par Dunia

Thriller schizophrène

Cauchemars post mortem

Quand Thriller est apparu dans les bacs, j’avais 19 ans. Auparavant, l’animal noctambule que j’étais, accro à la danse, aux discothèques et aux salles de concerts, avait déjà apprécié la plupart des morceaux de Off The Wall mais, à l’époque, dans le milieu punk-rock-new wawe que je fréquentais, affirmer qu’on affectionnait le son Michael Jackson s’avérait de mauvais goût. Comme si je souffrais d’une honteuse maladie, pendant longtemps j’ai caché mon attachement à sa musique qui souvent a embellit ma vie durant les moments difficiles, la parant de notes plus gaies, plus harmonieuses, plus dansantes que celles du rock.

Vendredi matin, lorsque j’ai appris la mort de Michael Jackson, j’ai reçu un choc. En quelques secondes, mon moral déjà sur la tangente a plongé dans un gouffre. Je n’ai pas eu de peine pour Michael. Pour rester un mythe, il devait mourir maintenant, sinon dans quelques semaines, malade, ravagé par les médicaments, affaiblit par les déboires de ces dernières années,  il se serait ridiculisé sur scène. La presse l’aurait lynché. Ce n’est pas seulement l’homme qu’on aurait attaqué, déchiré, vilipendé. On aurait assassiné l’artiste. Pour lui, parce que Peter Pan ne pouvait pas devenir vieux, parce qu’un génie se doit de rester génial jusqu’à la fin, il fallait qu’il meurt maintenant. Du moins, c’est ainsi que je le ressens.

En réalité, la douleur éprouvée tenait davantage au sentiment de la perte de mes repaires qu’à un éventuel chagrin causé par le décès d’un monstre de scène que j’appréciais, certes, mais sans idolâtrie. Vieillir, c’est perdre peu à peu tout ce qui a composé notre enfance. Notre jeunesse. Parents, tantes, oncles, amis, voisins, artistes qu’on a aimé -parfois même détesté, peu importe, ils font partie intégrante de notre vie- disparaissent les uns après les autres. Vieillir, du moins s’éloigner de la jeunesse -la vraie, celle qui nous permet de nous coucher à cinq heures du matin et de nous lever à six, d’attaque pour entreprendre une journée de travail, pas la jeunesse d’esprit qui généralement occulte des douleurs articulaires- c’est également s’apercevoir que notre neveu se révèle incapable d’imaginer le fonctionnement d’un téléphone à cadran ou se sentir dépassé quand du haut de ses dix ans il nous explique comment insérer une vidéo dans un blog après en avoir changé le son sur youtube.

Profitant des hommages rendus à Michael Jackson, j’ai -une fois de plus- repris “d’avancer” dans le deuil de mon passé. Durant deux jours, je suis restée la télévision en permanence allumée sur la chaîne MTV. Sans entraver mes tâches journalières, cela m’a également permis de suivre une biographie hors du commun, d’étudier un phénomène sociologique, voire ethnologique, tout en écoutant exceptionnellement des rythmes que j’aime à plein volume car, pour des raisons financières, je ne possède ni radio, ni mp3, ni aucune installation m’autorisant à savourer de la musique, hormis mon ordinateur dont les hauts-parleurs n’excellent pas de qualité.

Le résultat de ce consentit plongeon dans la Jacksonmania post mortem ne s’est pas laissé attendre. Depuis trois nuits, accompagné des sons de Thriller ou Billie Jean, Michael surgit à l’impromptu dans mes rêves. Il m’apparait, dans le physique avantageux d’avant ses opérations de chirurgie esthétique, vêtu de ses blousons rouges ou noirs. Il se contente de me regarder, traits affaissés, paupières cernées, sans parler ni sourire. De son visage, de ses yeux, émane une tristesse, un chagrin si profonds, que je me réveille vers 4h du matin, angoissée, le souffle court. Le stress causé par cette intrusion dans l’intimité de mes nuits, m’empêche de me rendormir. Crevée, je finis par me lever, rompue par l’insomnie.

Durs les au-revoirs au passé.

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