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"Alcatraz numérique", de Sébastien Fanti

Publié le 30 juin 2009 par Francisrichard @francisrichard
Dans ce livre, publié aux éditions Xenia (ici), Sébastien Fanti, avocat valaisan, nous fait part de son expérience professionnelle dans la défense de personnes supçonnées de ne pas respecter les droits d'auteurs et traquées sur Internet par des sociétés privées.

Il faut dire que les sociétés privées dont il s'agit ne reculent pas devant tous les moyens, même illégaux, pour traquer les pirates du Net, employant finalement des méthodes similaires à celles de ceux qu'ils prétendent combattre, et des logiciels de surveillance, dont l'internaute ignore tout des possibilités techniques.

Sébastien Fanti nous apprend que les adresses IP peuvent être statiques ou dynamiques, mais que dans les deux cas il s'agit, juridiquement parlant, de données personnelles. Or les données personnelles ne peuvent figurer sur des fichiers informatiques qu'en respectant un certain nombre de règles, parmi lesquelles la règle d'or est que les données personnelles d'une personne ne peuvent être collectées à son insu et que celle-ci doit pouvoir y avoir accès pour corrections éventuelles. 

Les sociétés privées en question ne respectent pas ces règles qui permettent de protéger la sphère privée. La lutte contre la fraude n'est en fait qu'un prétexte pour s'enrichir en exerçant un chantage qui consiste à demander aux internautes, peu au fait de leurs droits, voire pas du tout, de payer pour avoir la paix, même s'ils n'ont pas commis d'infraction. Ces sociétés privées proposent leurs services à des organisations de défense de droits d'auteur, auxquelles elles ne versent qu'une petite part des sommes récoltées, la plus grande part leur revenant de droit et constituant leur gagne-pain.

L'auteur, il ne le cache pas, est partisan du téléchargement privé libre, ce qui, pour un défenseur de la propriété privée, est sujet à caution. Il n'en demeure pas moins que les méthodes et agissements des sociétés privées qu'il dénonce sont répréhensibles.

Dans un article, intitulé Pas de pitié pour les voleurs du net, paru le 6 juin dernier (ici), Philippe Barraud se fait le défenseur de telles sociétés privées. S'il a raison de vouloir faire passer à la caisse les voleurs du net, je m'étonne qu'il approuve les procédés employés par de telles sociétés sans passer forcément par la procédure pénale.

Je suis d'autant plus à l'aise pour le dire que je suis bien d'accord avec lui quand il écrit :

Toute production intellectuelle a un prix, et il est normal de payer pour en profiter, de la même manière qu'on paie, tout naturellement, pour les prestations du garagiste, du plâtrier-peintre ou du restaurateur. Au nom de quoi un cinéaste ou un chanteur devraient-ils travailler gratuitement ?

Quand la loi Hadopi a été votée en France, le droit de propriété a été justement invoqué. Il s'agissait de mettre un frein au piratage de masse effectué par les internautes, responsable de la baisse vertigineuse des ventes de disques et de films lors des cinq dernières années, et qui risquait, et risque toujours, de définitivement ruiner ces industries, qui refusent par ailleurs la concurrence et se réfugient piteusement derrière le bouclier de l'exception culturelle pour ne pas se battre.

La loi Hadopi  a été annulée en partie par le Conseil constitutionnel français. Pourquoi ? Parce que cette loi prévoyait la possibilité de couper l'accès à Internet, donc à la libre communication, par une simple décision administrative, émanant d'une autorité ad hoc, dont la France a le secret de création. Le Conseil constitutionnel a rappelé que seuls les tribunaux, dans un Etat de droit, peuvent prendre des sanctions.

A mon sens il serait encore plus simple de résoudre le problème du piratage à la source et de prévoir des abonnements contractuels, souscrits par l'intermédiaire des fournisseurs d'accès, par exemple, comme le suggère Jean Yves Naudet dans un article paru le 7 mai dernier, sur le site libres.org (ici). Tout litige survenant dans l'exécution des contrats relèverait bien entendu des tribunaux. 

Quoi qu'il en soit, même en admettant que cette surveillance opérée par des sociétés privées, pour la défense des droits d'auteur, puisse être légitimée, elle peut également très facilement déborder du cadre de cette défense légitime des droits d'auteur, sans aucun garde-fou. C'est inadmissible. Car la sphère privée, qui n'est qu'une forme du droit de propriété de chacun, doit être protégée. C'est le mérite de ce livre de le rappeler.

Il est d'autant plus dommage que ce livre ne soit pas toujours bien rédigé, qu'il y ait beaucoup de redites, que les passages en anglais et en allemand ne soient pas traduits pour les lecteurs qui ne maîtrisent pas ces deux langues. Mais, tel qu'il est, il nous rappelle que surfer sur Internet n'est pas sans danger et que, si des sociétés privées sont à l'oeuvre pour surveiller vos éventuels téléchargements illicites, il en est d'autres qui peuvent tout aussi bien recueillir impunément nombre d'informations que vous ne souhaitez pas forcément voir utiliser contre vous ou divulguer, sans que vous n'ayez quoi que ce soit à vous reprocher.

Francis Richard

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