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Indonésie. La culture de l'impunité et les violences policières doivent cesser

Publié le 30 juin 2009 par Fouchardphotographe @fouchardphoto

Les violences policières à l'encontre des personnes soupçonnées d'infractions de droit commun ou appartenant aux couches pauvres et marginalisées, tels que les délinquants récidivistes, les utilisateurs de drogue ou les travailleurs du sexe, sont monnaie courante en Indonésie, selon les conclusions d'un rapport d'Amnesty International rendu public ce mercredi 24 juin.

Le rapport Unfinished Business : Police Accountability in Indonesia révèle une pratique établie de recours à la torture et aux mauvais traitements lors des arrestations, des interrogatoires et de la détention de suspects. Le rapport fournit aussi de nombreux exemples de recours à une force excessive contre des suspects, avec parfois des tirs mortels. Ces violences trouvent leurs racines dans la culture de l'impunité qui prévaut dans le pays et leurs auteurs sont rarement traduits en justice.

« Le rapport d'Amnesty International montre que la culture de la violence est largement répandue au sein des forces de police indonésiennes. Le rôle premier de la police est de faire respecter la loi et de protéger les droits humains, pourtant, trop souvent, de nombreux policiers se comportent comme s'ils étaient au-dessus des lois », selon Donna Guest, directrice adjointe du programme Asie Pacifique d'Amnesty International.

Le rapport d'Amnesty International prend en compte les changements que le gouvernement indonésien a apporté en vue de réglementer la conduite des policiers et d'introduire une plus grande responsabilisation dans les codes et pratiques de la police, mais ces changements n'ont pas suffi à éliminer les violences physiques et actes d'intimidation.

Au cours de ces deux dernières années, Amnesty International s'est entretenue avec de très nombreuses victimes de violences ainsi qu'avec d'autres personnes, notamment de hauts responsables de la police, des avocats et des groupes de défense des droits humains en Indonésie. L'organisation s'est rendue compte que les utilisateurs de drogue, les délinquants récidivistes et les femmes, notamment les travailleuses du sexe, étaient particulièrement à la merci de violences. Parmi les personnes interrogées, beaucoup ont déclaré que les policiers avaient tenté de leur soutirer de l'argent en échange d'un meilleur traitement ou d'une réduction de peine.

Le rapport montre que les mécanismes disciplinaires internes mis en place au sein de la police ne permettent pas de traiter efficacement les plaintes pour violences policières. Les victimes ne savent habituellement pas où dénoncer les violences subies et s'exposent à de nouveaux abus si elles portent plainte directement auprès de la police. La rapport montre aussi que les organismes externes de surveillance de la police ne disposent pas du pouvoir de poursuivre en justice les responsables présumés de violences.

« Alors que le gouvernement indonésien et des personnalités policières de haut rang se sont engagés à améliorer la confiance entre la police et la population, le message ne s'est traduit par aucune mesure concrète sur le terrain. De trop nombreuses victimes n'ont pas la possibilité de se tourner vers la justice pour obtenir des réparations,ce qui entretient un climat de méfiance vis-à-vis de la police », a déclaré Donna Guest.

Le rapport d'Amnesty International appelle le gouvernement indonésien à reconnaître publiquement que les violences policières sont une pratique répandue et lui demande d'ouvrir dans les meilleurs délais des enquêtes impartiales et effectives sur tout fait signalé crédible. Les personnes présumées responsables doivent être traduites en justice et des réparations doivent être accordées aux victimes. Afin de procéder à ces changements, le gouvernement doit revoir son système interne de dépôt et de traitement des plaintes pour violences policières afin de s'assurer que des enquêtes sur les fautes commises dans l'exercice de leurs fonctions par des policiers soient menées dans les meilleurs délais, de manière impartiale et indépendante. En outre, il serait nécessaire de mettre en place un mécanisme indépendant de plaintes contre la police, habilité à recevoir et traiter les plaintes venant du public.

Note aux rédactions

Le rapport contient les témoignages détaillés de personnes ayant subi des violences aux mains de la police. Quelques exemples :

Sofyan, dix-huit ans, arrêté pour meurtre en janvier 2007, a déclaré à Amnesty International : « Nous sommes arrivés à deux heures du matin au poste de Polres [poste de police du district]. J'ai été emmené devant le chef de l'unité pour être interrogé. Là, dix hommes m'ont battu pendant une heure à coups de matraque. « Où est ton copain ? » demandaient-ils. Trois de mes dents de devant se sont cassées et je saignais. J'étais épuisé... Chaque fois que je disais quelque chose, ils me frappaient. J'étais menotté au treillis au-dessus de ma tête, debout, et je n'ai pas pu dormir de la nuit. Pendant les quatre premiers jours, ils n'ont fait que me battre encore et encore... Une fois, l'assistant de l'officier de police judiciaire m'a demandé, « Comment c'est ici ? », et j'ai répondu, « J'ai peur des coups ». Il m'a répondu, « On devrait te tuer, pas juste te frapper... ».

Denni, vingt-huit ans, héroïnomane, a été arrêté dans le centre de Djakarta en décembre 2005 alors qu'il achetait une dose à son dealer sur la place du marché. Les policiers l'ont attaché et frappé à coups de batte en bois sur les tibias. Denni a raconté à Amnesty International comment s'était passée son arrestation : « Avoue ! disaient-ils [les policiers] Avoue ! Mais l'assistant de l'officier de police judiciaire, qui semblait avoir un grade supérieur, a dit « ça suffit, ramenez-le au poste ». Ils m'ont emmené sur la route. Mais on n'est pas monté dans la voiture de police. On est monté dans un taxi. Quand le taxi a démarré, ils ont commencé à marchander avec moi. « Hé, tu peux nous avoir 40 millions [environ 3000 euro] pour ce soir ? Si tu peux faire ça, on te laisse partir », j'ai dit « je n'ai pas d'argent, je n'ai pas une telle somme ». Le policier a dit, « D'accord, tu nous donnes le nom d'un copain qui en prend aussi, mais t'en choisis un qu'a un peu d'argent, capable de nous fournir un peu de liquide. Tu connais quelqu'un ? » J'ai dit « Il est minuit, comment voulez-vous que je fasse ? Je ne connais personne. » Ils ont dit, « Bon, d'accord. » Et ils ont commencé à me frapper. « Alors tu vas mourir », a gueulé le policier. « Tu vas mourir ».

Dita, travailleuse du sexe de vingt-et-un ans, a été arrêtée en décembre 2006. Dita a raconté à Amnesty International qu'elle avait été menacée de violences sexuelles et avait été victime d'actes d'intimidation au moment de son arrestation : « J'ai été arrêtée en même temps que cinq ou six autres prostituées. En route pour Polres [poste de police du district], dans l'est de Djakarta, ils ont commencé à me toucher en disant tu es si jeune, pourquoi n'es-tu pas à l'école, vous voyez, ce genre de trucs. Quand nous sommes arrivés au poste de police, ils nous ont donné le choix. Ils ont dit qu'on pouvait partir à condition de payer un million de roupies [environ 75 euro] ou de coucher avec eux. J'ai refusé tout net. Nos souteneurs les ont déjà assez grassement payés. »

www.amnestyinternational.be - Photo : Philippe FOUCHARD


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