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Nouvelles découvertes. Pourquoi on a donné un visage de philosophe à saint Paul

Publié le 02 juillet 2009 par Walterman

La plus ancienne représentation de l'apôtre a été retrouvée non loin de sa tombe, qui fait elle aussi l'objet de nouvelles vérifications. L'Eglise avait voulu le représenter comme le Platon chrétien. Une décision audacieuse. Et très actuelle encore aujourd'hui

par Sandro Magister



  Nouvelles découvertes. Pourquoi on a donné un visage de philosophe à saint Paul

ROME, le 30 juin 2009 – L'année consacrée à saint Paul, deux mille ans après sa naissance, s’achève sur deux importantes découvertes annoncées le même jour, la veille de sa fête.
La première a été révélée par Benoît XVI lui-même dans son homélie des vêpres du 28 juin, à la basilique romaine de Saint-Paul-hors-les-Murs:
"Nous sommes réunis près de la tombe de l’apôtre dont le sarcophage, conservé sous l’autel pontifical, a fait récemment l’objet d’une analyse scientifique rigoureuse. Un tout petit trou a été percé dans le sarcophage, qui n’a jamais été ouvert en tant de siècles, pour y introduire une sonde spéciale. Elle a permis de relever des traces d’un précieux tissu de lin coloré de pourpre, lamé d’or pur, et d’un tissu bleu à filaments de lin. On a aussi noté la présence de grains d’encens rouge et aussi de substances protéiques et calcaires. Par ailleurs, de minuscules fragments d’os, soumis par des experts qui en ignoraient la provenance à un examen au carbone 14, ont été identifiés comme appartenant à un être humain ayant vécu entre le Ier et le IIe siècle. Cela paraît confirmer la tradition unanime et incontestée selon laquelle il s’agirait des restes de l’apôtre Paul".
On a donc pour Paul – comme pour l'apôtre Pierre dont la tombe est désormais localisée avec certitude sous le maître-autel de la basilique Saint-Pierre au Vatican – l'importante confirmation qu’il est enterré précisément là où il a toujours été vénéré: sous le maître-autel de la basilique romaine qui lui est consacrée.

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La seconde découverte, elle, a été annoncée par "L'Osservatore Romano" dans son édition du 28 juin.
C’est la découverte de la plus ancienne représentation connue de l’apôtre Paul, remontant à la fin du IVe siècle : elle est reproduite en haut de cette page.
Cette image de Paul est apparue le 19 juin dernier à l’occasion des fouilles en cours dans une catacombe qui porte le nom de sainte Thècle, au bord de la via Ostiense qui va de Rome à la mer, non loin de la basilique de l'apôtre.
En nettoyant aux rayons laser la voûte d’une alcôve, les archéologues ont vu réapparaître à la lumière un riche décor de fresques. Au centre de la voûte, l'image du Bon Pasteur, entourée de quatre médaillons représentant les visages de Paul, le mieux conservé, de Pierre et probablement de deux autres apôtres.
Les archéologues Fabrizio Bisconti et Barbara Mazzei ont donné, en deux longs comptes-rendus au journal du Saint-Siège, tous les détails relatifs à la découverte. Mais un point retient plus l’attention que les autres: les raisons qui ont incité à représenter l'apôtre Paul tel que nous le voyons sur cette fresque et sur tant d’autres par la suite, comme un philosophe pensif, au regard vif, au front haut, à la calvitie naissante et à la barbe en pointe.
En effet, une exposition artistique sur saint Paul, inaugurée il y a quelques jours dans une aile des Musées du Vatican, présente deux sculptures de l’époque romaine, des têtes de philosophes – l’un d’eux est probablement Plotin – qui présentent de fortes ressemblances avec les représentations anciennes de Paul, à partir de celle qui vient d’être découverte.
La même question se pose pour l'apôtre Pierre, traditionnellement représenté avec des cheveux courts, abondants et blancs, un visage large et un regard décidé, une barbe également courte et fournie. Et de même pour d’autres personnages de l’histoire sainte.
Le portrait était très répandu dans l'art grec et romain. Mais dans la culture juive les images humaines étaient interdites; il était donc impensable que Paul et les autres fassent faire leur portrait. Ce n’est que plus tard que l’Eglise a accepté de faire représenter les personnages de la foi chrétienne.
Mais comment? Voici l’explication évocatrice qu’a donnée le professeur Antonio Paolucci, directeur des Musées du Vatican et grand historien d’art, en présentant l’exposition sur saint Paul:
"Le problème s’est posé entre le IIIe et le IVe siècle, quand une Eglise désormais répandue et structurée a pris le grand et génial risque qui est à la base de toute notre histoire artistique. Elle a accepté et fait sien le monde des images et elle l’a accepté sous les formes élaborées par la tradition stylistique et iconographique hellénistico-romaine. C’est ainsi que le Christ Bon Pasteur prit le visage de Phébus Apollon ou d’Orphée, et que Daniel dans la fosse aux lions ressembla à Hercule, l'athlète nu et victorieux.
"Mais comment représenter Pierre et Paul, princes des apôtres, colonnes portantes de l’Eglise, bases de la hiérarchie et de la doctrine? Quelqu’un a eu la bonne idée de donner aux proto-apôtres l’aspect des proto-philosophes. C’est ainsi que Paul, chauve, barbu, l’air grave et absorbé de l'intellectuel, a eu le visage de Platon ou peut-être de Plotin, tandis que celui d’Aristote était donné au pragmatique et terrestre Pierre, chargé de guider dans les embûches du monde l’Eglise pratiquante et combattante".

***

Si les choses se sont passées ainsi, l’Eglise des premiers siècles n’a donc pas hésité à attribuer la qualité de philosophe aux apôtres, à Paul en particulier, ni à transmettre, étudier et proclamer toute sa pensée, qui n’est certainement pas facile à comprendre et à accepter.
On peut en dire autant des Pères de l’Eglise. Dans une phase où le christianisme était en expansion, où la transmission de la foi chrétienne aux peuples était en plein développement, l’Eglise n’a jamais envisagé d’édulcorer ou de maquiller son message pour le rendre plus acceptable par les hommes de cette époque.
Le portrait de Paul philosophe est un avertissement éloquent à ceux qui, aujourd’hui, jugent obsolète un pape théologien comme Benoît XVI, moderne Père de l’Eglise.


L'homélie de Benoît XVI aux vêpres de la vigile de la fête des saints Pierre et Paul:
> Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, 28 juin 2009
Et l'homélie de la messe du jour de la fête:
> Basilique Saint-Pierre, 30 juin 2009
L’article de www.chiesa consacré à la nécropole romaine située sous la basilique Saint-Pierre, avec la tombe de l’apôtre:
> Pèlerins sur la tombe de Pierre. Comme au temps de la Rome antique (3.6.2008)
Traduction française par Charles de Pechpeyrou.
www.chiesa

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