Jeudi 7 octobre 1948 §5

LE jour

Oui, bonjour, déjà 7 heures ? merci, wouahou ça y est la fête commence!
Toilette et petit déjeuner expédié de chez expédié, non pas chez De Bouillon ni chez  mac two, mc2 de je ne sais où ou quand ... mais en terrasse jardin de G.V.
G.V tiens justement Gabriel Voisin sera de la fête, comme vu dans le programme du Salon lu dans une revue, page que je déchire discrètement et range dans mon portefeuille.

Je croise Albert qui m' avoue revenir du Grand-Palais, je ne le savais pas amateur d' automobiles à ce point, les insomnies me justifie t-il, profitez de mon taxi qui est en attente devant l' hôtel il vous conduira directement où il m' a pris à " l' entrée des artistes ", avez vous bien votre billet d' entrée? A plus tard !

des véhicules obsolètes vus sur ses façades seront peut-être un jour échangés par des ... 2CV attelées ?

Personne pour s' enquérir de ce billet même pas le képi à grande cape salué comme il se doit avec le sourire condescendant, sésame universel.

Quel choc, il reste des voitures sous bâche, voitures de rechange des grands constructeurs pour animer leurs stands dans les jours à venir, nous sommes jeudi il faut tenir jusque dimanche et montrer plein de choses à la presse.
Je presse justement  le pas, serre des mains, la mémoire de mon rétidoc doit chauffer !
et me voilà sous la grande nef, en vrai.

Que de véhicules croisés dans ces allées majestueuses, il n' est pas très grand ce Grand Palais, les noms peints en lettres géantes suspendues sont impressionnants. Nous sommes dans l' après guerre, 1er salon automobile depuis longtemps, beaucoup de voitures sont sous bâche, top-secret, mais je reconnais des nouveautés bientôt dévoilées  telles le Land-Rover ou la 203.

tiens une femme dans les allées encore vides, elle veut jouer la vedette ...

Je trouve un escalier pour aller à la mezzanine, j' y aurai une vue d' ensemble idéale. De nombreux photographes y ont installé leur matériel et attendent patiemment bien assis à discuter ... de foot-ball !

Un gars sympa m' adresse la parole, un petit chaudronnier constructeur de gazogènes, ce n' est plus l' époque me confie t-il , je n' ai pas les moyens de prendre un stand mais j' en ai plein en stock et cela peut intéresser des forestiers ayant des GMC américains qui consomment tant ! Bof, moi j' ai mon stock d' essence pour bien des années ... et sur une 2CV ce serait lourd.

Un quidam l' accompagnant me tend un papier imprimé, son prospectus "tenez, une fois". A mon accent forcé il doit rêver d'inonder l'Amérique du sud de ses productions à la belle allure ! Customisation avant l' heure.

Chez Citroën c' est l' effervescence, PJB est resté formel "il n'y aura pas de TPV cette année" , reste qu' avec les restrictions de matériaux il n' est pas gâté mais ses propos sont crédibles, ses tractions sont de nouveau en production, le H avec la même mécanique arrive, mais pas de FordT à la française son bijou secret. Tiens le voici qui passe, il vérifie la fixation des bâches, je reconnais bien les 2CV  le mien était bâchée aussi ! Le 2CV une voiture qui emballe ! Oui, pour moi c'est au masculin, je dis LE 2CV, viril .

Le temps passe à une vitesse folle, je rejoins l' extérieur, cherche une cabine de téléphone, j' avais un jeton ! Je confirme et en profite pour avancer mon rendez vous avec mes amis Nicolaïda et Christopher (je ne connais ni leur nom, ni leurs fonctions)

Nous nous retrouvons saluons et plutôt que de visiter ensemble nous prenons décision qu' ils me rejoignent  dans la soirée pour dîner et faire ensuite le grand Paris ...
Une bousculade? non un invité," c' est LUI, LE Général " s'exclame ravie une belle jeune femme, il est grand en uniforme et suivi de toute une foule exaltée ...

PJB l'aperçoit, il a débâché les 2CV (et voilà j'ai raté ça!) jovial il lui fait la visite de son stand sous les quolibets célèbres de journalistes s'interrogeant sur cette TPV arlésienne à l'esthétique si déconcertante. Et la tête que j'avais quand j'ai découvert la mienne !  Le militaire donne le prospectus transmis par PJB à son second qui lui même le tend à ... perdu, je l'ai intercepté ! Quel collector ! Il faut que j'arrête mes bêtises, le Président Auriol ne saurait tarder !

non ce n' est pas moi!


Une foule compacte s' approche du TPV, excusez le 2CV :

Le fameux lanceur de démarrage, oh le même volant que sur les prototypes d'avant guerre.

Quelle excitation !

LE VOILÀ, LE PRÉSIDENT ARRIVE !
il était chez Peugeot à parler de la nouvelle 203, il ne va pas chez Renault mais bifurque sur le stand Citroën, la tête des officiels de chez Renault !

PJB connaît bien Vincent Auriol, le Président.

Auriol ne semble pas très surpris de l' engin exposé, PJB lui en aurait déjà exposé sa genèse, ou ses prévisions de production dans un grand marchandage d' attribution d' acier, de caoutchouc pour les pneus de Michelin ? Là c' est de la politique, nous n' en saurons jamais rien.

Je tente de m' approcher discrètement, j'ai la frousse d'être démasqué, me voici devant le Président, certainement un garde-corps, gorille en civil, me retient du coude.
Auriol dit, pense à haute voix: "pas de fil électrique, comment cela fonctionne? Oh en appuyant sur le bec de la poignée cela libère le verrou, astucieux!"

Vous le comprendrez j'en suis bluffé !

Il rajoute à ma totale stupéfaction: " PJB vous n' en faites pas de trop avec cet Historjama, vous avez vu la densité de foule présente atteinte autour d' une telle tôlerie ? Soyez discret Pierre-Jules!  Je compte sur vous pour calmer vos commerciaux ! "

Au même instant une voix me souffle "  Le sieur Monsieur Vincent Auriol retraité unité d' habitat Jarland, secteur zie7, historien. " je me tourne sur la gauche, je balbutie " Monsieur..." et la personne à grandes lunettes que l' on voit juste  de profil sur la photo à gauche me tend la main en disant " Monsieur Chirac de Rodez".

Bon sang, c'est mon rétinodio qui a reconnu Auriol ! ... il est de mon quartier, de mon époque, ... éh bien ça alors !   ça alors !

Un peu de calme, je remonte m' asseoir à l'étage au perchoir, admirer les belles.

Et je ne peux m' empêcher de penser et me répéter: Auriol, le Président avec PJB mélés à Historjama et les voyages temporels, ça alors.

Il se fait tard, les portes du Salon vont fermer, on me propose d'essayer un nouveau cycle à moteur, Sao Paulo nous intéresse, nous irons le récupérer à votre hôtel, por favor, hombre !  Solex comment démarres-tu ton petit moteur ?

la suite au prochain numéro, le mois prochain!