A mesure que je blogue -et donc que je me documente pour éviter de dire n'importe quoi comme certains blogueurs d'extrême-gauche-, mais aussi que je m'approche de la fin de mes études et que j'accumule les expériences journalistiques, je réalise, en relisant mes premiers billets, qu'ils fleurent bon la prétention intellectuelle. Cet accès de modestie, sincère, m'honore et c'est le moyen que j'ai trouvé aujourd'hui pour flatter mon narcissisme à peu de frais. Une fois n'est pas coutume, je ne vais pas vous infliger mon opinion sur un sujet où l'expertise est la condition d'un débat construit.
Aujourd'hui, à mon initiative mais avec une semaine de retard sur Le Chafouin, je voudrais donc proposer à celles et ceux qui liront ces lignes un débat, dans lequel j'avoue ne pas avoir d'opinion tranchée : l'avortement. J'ai eu l'idée de ce débat après avoir vu la Palme d'or roumaine du Festival de Cannes, Quatre mois, trois semaines et deux jours, film qui m'a profondément bouleversé. La crudité de la représentation de l'avortement, certes potentialisée par la barbarie de l'avorteur -qui n'hésite pas à abuser de l'amie de la jeune femme enceinte pour faire baisser le prix de son forfait- m'a conduit à penser qu'un débat était toujours nécessaire.
Moins sur la légitimité de la légalisation de l'avortement -le film montre bien que sa mise hors-la-loi dans la Roumanie de Ceaucescu amène les deux jeunes filles aux pires humiliations, alors qu'une prise en charge par un hôpital serait nettement plus saine- que sur le refus d'admettre qu'un foetus est déjà un être humain et que, nécessaire ou pas, l'avortement s'apparente bel et bien à un "moindre meurtre".
Pour me replacer dans les débats passionnés qui avaient agité l'Assemblée nationale en 1974-1975 lorsque Simone Veil avait défendu, contre une partie de sa majorité et avec l'appui de la gauche, la loi sur l'IVG, j'ai eu la confirmation en relisant les compte-rendu -malheureusement plus disponibles en ligne- que l'IVG était conçu au départ comme le moyen d'encadrer une pratique qui devait demeurer exceptionnelle, ce que rappelle Le Chafouin dans son billet documenté. Trente ans après, on est donc en droit de se demander, avec un peu plus de 200000 avortements par an en France -soit plus du quart des naissances vivantes-, si cette intention de départ n'a pas été démentie par les faits. Ou plutôt, si la volonté de rendre l'avortement exceptionnel a été réelle.
On moque souvent les anti-avortements, qui défilent régulièrement devant les hôpitaux pour réclamer la fin du massacre. Il est vrai que je n'ai jamais trop compris ces campagnes de promotion, à l'entrée des églises notamment, qui professent que l'avortement est toujours la pire des solutions. Même quand il y a eu viol. Un séminariste de mon entourage, dont je tiens à préserver l'anonymat, a récemment manifesté un infléchissement remarquable de sa position à ce sujet. Alors qu'il était hostile à toute interruption de grossesse il y a peu, le voilà qui défend à présent une opinion proche de la mienne : "l'IVG, oui, l'avortement de masse, non". Pas très courageux, ni très original. Mais alors que les jeunes sont très bien avertis -ce qui ne signifie pas informés- des risques représentés par les MST, ils le sont peu, j'en puis témoigner, des traumatismes que peut causer l'avortement. Peut-être parce qu'un début de remise en cause de cette pratique s'apparenterait, pour ses laudateurs, à rejoindre le camp des "anti".
C'est par ce terme, aussi commode et réducteur que "réac" ou "facho", que j'ai été qualifié par des gauchistes pavloviens, lorsque je leur ai exposé les mêmes conceptions, il y a cinq ans -j'ai changé de fréquentations depuis. Mon point de vue a en revanche peu évolué, et plutôt que de continuer à camper sur mes positions, médianes et donc forcément précaires, je vous invite, comme l'a fait Le Chafouin, à laisser vos commentaires pour parvenir, sinon à tomber d'accord, du moins à mieux se comprendre. La notion de "moindre meurtre" que j'utilise ici peut choquer, et si c'est le cas, je m'en excuse auprès de celles qui, éventuellement, tomberaient sur cet article et se verraient accusées bien malgré moi d'homicide. Ce n'est pas le but.
Roman B.