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Lecture : "La danseuse de Mao" de Qiu Xiaolong (Chine).

Par Ananda
"La danseuse de Mao", Qiu Xiaolong, Points-policier, 2008.

Qiu Xiaolong est maintenant salué comme "le Maître du polar chinois".
J'ai appris à l'apprécier en lisant un de ses précédents livres, "De soie et de sang" (2007), auquel j'ai consacré un article sur ce blog.
Avec "La danseuse de Mao", nous renouons avec le personnage central de l'inspecteur principal Chen, enquêteur et héros idéal selon les conceptions chinoises à savoir  intègre, consciencieux, chevaleresque, humble, lettré mais aussi subtil, rusé et diplomate.
Ce livre, tout comme "De soie et de sang", nous confirme dans l'idée que "la Chine sera toujours la Chine". Il continue à nous brosser le tableau d'un pays à l'identité très forte (ancrée dans des millénaires qui, on le sens bien, "pèsent leur poids"), mais également, en ce moment même, un peu à la croisée des chemins.
Mais, cette fois, cette hésitation, bien perceptible, entre deux modes de vie (communisme et capitalisme) se cristallise autour de la figure énorme, devenue légendaire, du président Mao.
Le rapport de la Chine à son ex dirigeant est fort complexe : on sent très bien, en lisant ce livre, que les Chinois se demandent encore ce qu'ils doivent penser de lui : le révérer ou le détester ? Voir en lui celui qui a su rendre force et dignité à la Chine ou bien le responsable de la mort et de la souffrance de millions de Chinois (à l'occasion de la Révolution Culturelle) ?
Pour les Chinois, Mao est assimilé à une sorte d'empereur (on le redoute, et on continue à le redouter, même mort, en conséquence). Il est poète et grand amateur de "concubines jetables", au même titre que les anciens Fils du Ciel Song, Han, Ming, Qin ou Tang. Comme eux aussi, il est cruel et extrêmement manipulateur. Et le Parti communiste chinois continue de le ménager. Même si, par ailleurs, il laisse prospérer - par pragmatisme - les "Gros Sous" et la corruption intense (la corruption, plaie de l'Asie !).
Au travers de cette lecture, nous constatons aussi que la Chine est un pays où le non-dit est roi et où on a l'habitude de surveiller constamment ses paroles, le goût du secret (encouragé tant par la vieille tradition que par le régime communiste) étant profondément ancré dans les mentalités.
Les Chinois, au fond, demeurent profondément attachés au pouvoir impérial, au principe impérial, garant de l'unité - vitale - de la Chine. En cela, ils restent également, très fidèles à la tradition confucéenne.
Qiu Xiaolong nous offre ici un portrait fidèle et tout en finesses de son immense pays, lequel semble, à y bien regarder, concilier deux visages, deux goûts : celui de l'austérité et celui de la jouissance, de l'art de vivre.
Captivante Chine , où le sens poussé du raffinement gastronomique n'exclut en rien celui de la rigidité disciplinaire, voire du stoïcisme, où l'aspiration idéaliste égalitariste qui fut celle de Mao coexiste encore avec un sens aigu des positions sociales !
En Chine, les lettrés méprisent les "Gros Sous", qui eux-mêmes traîtent le petit peuple avec le plus souverain mépris, et les mariages "inter-castes" demeurent encore de l'ordre de la transgression.
Si vous voulez connaître vraiment la Chine (d'aujourd'hui ? éternelle ?), un petit conseil : allez-y...ou bien lisez Qiu Xiaolong.
L'aisance et l'élégance de son style, au surplus, vous séduiront.

P.Laranco.

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