Magazine

Une chorégraphie parfaite

Publié le 07 juillet 2009 par Mtislav
  Je ne suis guère sensible à la danse, plus intéressé par la culture lorsque elle est sous-culture et ne prétend pas intimider comme des gros bras qui viendraient exercer leur racket dans votre modeste mercerie. En 1981, les Francas proposaient un séjour au festival d'Avignon. Je ne sais pas comment j'avais saisi cette opportunité. J'avais pris le train avec ma bicyclette, fait le projet de revenir en pédalant. En réalité, la première étape du retour, longue d'une cinquantaine de kilomètres m'a été fatale. Je me souviens des camions qui me frôlaient tandis que j'escaladais une côte, de la chaleur. A Nîmes, j'ai déclaré forfait et pris le train...
Je ne regrette pas d'être venu à Avignon avec ma bicyclette. Nous étions logés dans une école au centre ville. Des jeunes de toutes les nationalités se trouvaient là. Des places pour un certain nombre de spectacles nous étaient proposées. C'est ainsi que j'ai vu un Richard III en georgien dans la Cour d'honneur du Palais des Papes. A la fin du premier acte, la moitié des spectateurs sont partis. A la fin du deuxième acte, idem avec la moitié de ceux qui étaient restés. J'ai vu Philippe Caubère qui lançait "La Danse du Diable" dans un lieu nommé la Condition des Soies. J'étais loin d'imaginer qu'il allait poursuivre plus de 20 ans cette veine. Et puis cela a été le spectacle "1980. Ein stuck von Pina Baush". C'était extrêmement séduisant. Je me souviens de la fascination produite par ces longs corps de femmes dans un spectacle qui faisait exploser les genres. J'étais un peu inquiet de ce que j'allais voir avec un tel titre. Sans compter que cela se déroulait au théâtre municipal, adjectif redoutable alors que triomphait dans les rues de la ville la rumeur du mariage imminent entre Lady Diana Spencer et le Prince Charles, que les sonos des magasins passaient sans répit "New Years Day" de U2.
Il y avait un festival de cinéma dans les murs, c'était ce qui m'intéressait le plus... Je me souviens d'un film allemand qui racontait la vie d'une femme enceinte qui se prostituait avec des immigrés turcs et vivait cela comme une expérience christique. C'était horrible. Là aussi, tous les spectateurs se barraient... Là, je suis parti avant la fin, une des rares fois de ma vie.
Pour revenir à Pina Bausch, j'en garde le souvenir identique à celui d'une révélation amoureuse, un moment unique.
Quelques années après, à peu près à la même période au début de l'été, je travaillais quelques semaines dans un supermarché, à l'étiquetage. La musak diffusée dans le supermarché l'était aussi dans les ateliers. La nuit, je voyais des étiquettes oranges fluorescentes. J'entendais En Rouge et Noir et La Toute Première Fois de Jeanne Mas en boucle, toute la journée. Et la nuit, lorsque réapparaissaient les étiquettes oranges. Nous disposions de 3 minutes de pause par heure c'est-à-dire 21 minutes pour une journée de 7 heures ou 24 les journées de 8 heures. Il fallait choisir entre la cigarette où le dessert. Le chef d'atelier était un ancien militaire avec une mentalité de caporal. Il faisait respecter avec zèle l'interdiction de s'appuyer contre la chaîne sur tout le personnel de l'atelier. Uniquement des femmes. Une chorégraphie parfaite demande de la discipline.
 
  

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Mtislav 79 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte