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"Riches Heures", de Jean-Louis Kuffer

Publié le 07 juillet 2009 par Francisrichard @francisrichard
Il y a un peu plus de quatre ans maintenant que Jean-Louis Kuffer, journaliste et écrivain suisse, publie sur la Toile Les Carnets de JLK (ici) - traduisez Le Blog de Jean-Louis Kuffer

Ce sont des textes d'une longueur inégale, que l'auteur qualifie de notes pour souligner sans doute leur caractère inachevé et, peut-être, solliciter l'indulgence de l'internaute, dont l'auteur n'a pas besoin... L'éditeur n'a pas résisté à la tentation de sous-titrer son livre en jouant sur les mots... de blog et de notes.

JLK écrit aussi bien des notes sur ses lectures, sur le cinéma - il y a une note magnifique sur La vie des autres - ou la peinture, que des notes personnelles sur la vie, tout bonnement ; aussi bien des notes sur le paysage changeant sous ses yeux à La Désirade - où il a installé ses pénates, et qui est située sur les hauteurs de la Rivera vaudoise, d'où il peut deviner Saint-Gingolph - que des ébauches d'ouvrages qui paraîtront ultérieurement en volume.

Riches Heures est le genre de livres qui peuvent se lire d'au moins deux façons : à la hussarde comme je l'ai fait, c'est-à-dire avec gourmandise et sans respirer, presque haletant, ou à la manière d'un gourmet des lettres, comme mon aîné sait le faire, en se l'administrant par doses homéopathiques et appliquées et en dégustant.

La première façon a l'avantage de déboucher sur une vue synthétique de l'ouvrage, mais se traduit seulement par quelques impressions et par la mémorisation de quelques passages, qui, par la vertu de cette sélection intuitive, deviennent essentiels pour celui qui procède ainsi. La seconde façon permet sans doute de goûter davantage à la substantifique moelle de l'ouvrage et d'en savourer l'excellence dans ses moindres détails. Elle conduit à des relectures immédiates pour mieux s'imprégner du sens et de la sonorité des mots, tandis que la première façon induit l'obligation de relectures ultérieures, qui ne se feront peut-être jamais.

Les Riches Heures sont un recueil non exhaustif de textes mis en ligne depuis le 5 juin 2005, début de l'expérience réussie par JLK, jusqu'au 1er janvier 2008, ce qui veut - j'espère - dire qu'il y aura un jour une suite, puisque l'aventure continue et que j'ai, comme à regret, refermer le livre après avoir lu la dernière page et les derniers mots. A la demande de Jean-Michel Olivier, directeur du Poche Suisse (ici), édité par L'Age d'Homme (ici), JLK a, pour ce premier tome, sélectionné quelques 2000 textes, pas moinsse...

Lecteur régulier des Carnets, je suis ravi que des notes chosies de JLK aient été rassemblées en recueil. Rien de tel que de se heurter à l'objet qu'est le livre, de le tenir dans ses mains, d'en tourner les pages. Ce n'est pas la même chose que de lire en ligne, la souris à la main...

Que cette réflexion n'empêche pas le lecteur de se muer en internaute pour en lire des morceaux plus récents. Il verra d'ailleurs que JLK régulièrement remet en ligne sur son blog des textes qui y ont déjà fait une ou plusieurs apparitions, comme autant de flash-backs, ou de refrains de sa musique personnelle. Il faut croire qu'il accorde à ces textes une plus grande importance qu'à d'autres. Ce n'est pas insignifiant.

Cette forme de livre est propice aux humeurs et pensées vagabondes du lecteur puisqu'il n'est pas retenu très longtemps par un sujet, ou que ce sujet lui ouvre des horizons insoupçonnés. Comme je suis déjà enclin à m'échapper sur des chemins de traverse quand j'habite un livre...

Ainsi Oblomov, lu et relu sous toutes les lumières, m'a fait-il songer involontairement à cet épisode où lisant le livre éponyme, assis sur un banc de la gare de Lausanne, j'étais tellement englué dans l'indolence paresseuse du héros de Gontcharov que j'ai laissé passer deux trains, que j'aurais dû prendre pour me rendre à Genève, où j'étais attendu...

L'entretien de JLK avec Lucien Rebatet en mars 1972 m'a évoqué bien évidemment l'antre de la rue Le Marois où je l'avais précédé d'une quizaine de mois, jeune homme vert tendre de moins de vingt ans. Le nombre d'années qui m'en sépare me laisse penser que je suis bien devenu, comme JLK, un vieil iguane, ce qui est paradoxal puisque, comme lui, j'étais alors plus vieux, me semble-t-il, que je ne suis aujourd'hui.

JLK a beaucoup lu, beaucoup plus certainement que je ne pourrai lire jamais. Comme j'apprécie sa façon de parler d'un certain nombre d'auteurs que je connais un peu, tels qu'Aymé, Simenon, Chappaz, Chessex, Gripari, Mishima, Soljénitsyne ou Thibon, je suis prêt à le considérer comme un éclaireur dans ma quête d'autres lectures. JLK a d'ailleurs eu la riche idée de dresser en fin de volume une liste de livres... pour lire dans la foulée.

Sans doute est-ce parce que ses jugements littéraires ne sont pas fonction de ses propres adhésions, ni de celles des auteurs qu'il aime, que JLK est crédible :

J'ai et continue d'avoir autant de plaisir à lire et relire Le Traité du style d'Aragon, Les Mots de Sartre ou Matinales de Jacques Chardonne, Nord de Céline.

Comment ne pas suivre l'éclaireur JLK quand il dit en quelque sorte qu'il faut : 

[Ramener] finalement le lecteur à l'essentiel : le sens d'un texte, sa beauté, sa polysémie, sa musique, ses échos à n'en plus finir ?

Pour en revenir aux carnets de JLK, je suis touché quand il écrit :

Ces carnets m'aident à me retrouver, chaque jour après l'autre, c'est le bout de bois flotté à quoi je m'accroche pour ne pas sombrer.

Jacques Laurent, qui m'a beaucoup marqué, parlait lui de béquille de l'écriture...

Francis Richard

PS

JLK qui aime lire Cingria, l'auteur des Impressions d'un passant à Lausanne, a intitulé un de ses livres Impressions d'un lecteur à Lausanne...

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