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La politique européenne en action 2: le Président

Publié le 08 juillet 2009 par Sauvonsleurope

  
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Après la recomposition des rapports de force au Parlement européen, venons-en à la question centrale qui passionne les foules, mais pas les journalistes : la désignation du Président de la Commission.

Une des questions chaudes de la précampagne fut la candidature Rasmussen à la tête de la Commission, en cas de victoire de la gauche. Daniel Cohn-Bendit pour Europe-Ecologie avait soutenu cette perspective, et François Bayrou pour le PDE également in fine. Faute d’accord en son sein (le Portugal, l’Espagne et les Anglais manquant à l’appel), le PSE avait fait silence sur la question, silence auquel le PS français avait fait un écho profond. Puis sont tombés les résultats des élections, et Sauvons l’Europe qui avait préparé une tribune en ce sens l’a rangée dans ses cartons.

Barroso, prédésigné par les chefs de gouvernement, avait donc le champ libre. Restait une question angoissante : devait-il être désigné tout de suite dans le cadre du Traité de Nice, avec un simple vote du Parlement le 15 juillet, ou devait-on laisser la Commission actuelle perdurer le temps que rentre en force le Traité de Lisbonne, et faire sanctionner dans un débat par le Parlement le renouvellement du maoiste portugais en octobre?  Barroso lui-même faisait campagne activement pour la première option, allant jusqu’à théoriser en essence de l’Union européenne la méthode du compromis, ce qui signifiait que les affrontements politiques devaient être cantonnés au Parlement mais ne pas déborder au sein de la Commission. La clarté du résultat électoral a pourtant sembler déblayé cette question, restreignant l’effet pratique attaché à la possibilité de choix du Parlement, et Barroso a pu se permettre de réitérer sa position lors de sa désignation, excluant l’affrontement politique de la Commission – c'est-à-dire de la conception de la politique européenne.

Une candidature Rasmussen demanderait en effet l’union de tous les socialistes et des forces de gauche, le soutien de tout l’ALDE et une neutralité des souverainistes. Autant dire que Barroso disposait d’une base très favorable pour constituer sa majorité. Il lui suffisait, comme dans tout dispositif parlementaire classique, de s’attacher les éléments les plus faibles de toute autre coalition potentielle. Les socialistes Espagnols, Portugais et Grands Bretons, après leur première prise de position en sa faveur, pouvaient difficilement se rétracter sans mettre en péril les relations de leurs pays avec la future commission. Rasmussen s’est donc de fait retiré de la course en publiant une tribune reconnaissant – et déplorant – la victoire de la droite.

Une candidature centriste devenait plus dangereuse. On se remettait à parler de Guy Verhofstadt, mais surtout le PDE avait sorti le nom de Mario Monti du chapeau. Celui-ci s’était alors fendu d’une longue interview dans le Monde, pour expliquer que bien sur il n’était candidat à rien, mais que son opinion détachée des choses de ce monde était que l’Europe devait rééquilibrer sa politique vers le social et que si le Président de la Commission doit refléter l’équilibre du Parlement (un centriste, par exemple ?), il n’en va pas de même des autres membres. Pour conjurer le danger, Barroso proposa informellement de nommer Graham Watson à la tête du Parlement européen, ce qui était de nature à enlever les hésitations de l’ALDE.

L’affaire étant pliée, Barroso s’est offert le luxe de s’essuyer les pieds sur le Parlement, de se faire prédésigner par les chefs d’Etat et d’oublier Graham Watson pour laisser le PPE et l’APSD(PE) conclure un accord technique sur une présidence tournante du Parlement (Jerzy Buzek pour les premiers, Martin Schulz pour les seconds).

Fin du film ? Pas nécessairement. Une reconduction de Barroso continue à apparaître très probable, mais deux éléments militent en sens contraire et ne doivent pas être ignorés.

D’abord, le modèle politique de l’Union a irrémédiablement changé. La question de la désignation du Président de la Commission a irrigué toute la campagne au niveau des responsables politiques (mais pas pour le bon peuple), et Barroso a été contraint de prendre avec les députés des contacts qui ressemblent à s’y méprendre à ceux d’un premier ministre potentiel cherchant à se constituer une majorité dans un parlement incertain. Lisbonne n’est pas encore entré en vigueur, mais dans l’esprit des politiques européens il est sans doute déjà dépassé par une réelle conscience de majorité parlementaire et de responsabilité ministérielle, même si celle-ci n’est pas encore explicitement énoncée. La prédésignation officieuse de Barroso n’est pas un diktat des gouvernements, c’est simplement la conséquence tirée de la situation sortie des urnes.

Ensuite, l’Europe est dans une crise économique grave et la Commission sortante s’est montrée particulièrement faible sur le sujet. Il n’est pas impossible qu’au bout d’une ou deux années, la situation politique au sein du Parlement se soit modifiée en faveur d’une Commission plus forte, voire beaucoup plus rapidement.

Car la nomination de Guy Verhofstadt à la tête du groupe ALDE, et à l’unanimité, change quelque peu la donne. Barroso lui avait été préféré en 2004 après un veto de Tony Blair, qui le jugeait trop fédéraliste. Le titre de son dernier livre est : « Sortir de la crise : comment l’Europe peut sauver le monde », tout un programme ! S’ensuit un fort débat au sein de l’ALDE, pour savoir si la nomination de Barroso doit être validée le 15 juillet, ou plutôt en octobre (les français poussent beaucoup pour la seconde solution). Faute d’accord, Guy Verhofstadt a obtenu l’unanimité sur le compromis suivant, pour sauver l’influence politique du Parlement : les gouvernements doivent désigner officiellement leur candidat, et plus seulement le prédésigner, un mémorandum de l’ALDE lui sera adressé sur une feuille de route pour sortir de la crise (on peut appeler ça un programme de gouvernement) et Barroso devra produire son propre mémorandum pour discussion au Parlement. A défaut, l’ALDE refusera une nomination le 15 juillet. Or répondre à ces conditions dans les quinze jours est bien évidemment impossible et la question se trouve ainsi tranchée en fait.

Une majorité négative ALDE / EE / APSD / GUE pour empêcher la désignation de Barroso en juillet est donc fortement envisageable, et repousserait l’issue fatale en octobre, avec un candidat affaibli par une première rebuffade et après un véritable débat au Parlement européen.

Guy Verhofstadt a-t-il de meilleures chances de cimenter sa coalition que Rasmussen ? Comment les Etats vont-ils réagir ? A minima, le Parlement peut-il imposer une feuille de route plus ambitieuse à Barroso, voire le pousser à des compromis dans l’aménagement de son équipe ? L'accord technique PPE / APSD sur la présidence du Parlement peut-il survivre à un affrontement en règle? Et dans ce cas qui pour ce poste? Graham Watson? Martin Schultz? Cohn-Bendit? Accord technique entre ces candidats?


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