Magazine Humeur

Travail du dimanche : du volontariat au STO !

Publié le 09 juillet 2009 par Kamizole

sto.1247111895.jpgPour les jeunes générations, je préciserais que le STO (Service du travail obligatoire) consista, lors de l’Occupation allemande, à envoyer de force en Allemagne des travailleurs français pour qu’ils y remplacent les Allemands enrôlés dans l’armée. Nombre de réfractaires rejoignirent alors les rangs de la Résistance.

Je vous le jure : je n’étais nullement d’humeur atrabilaire avant-hier soir ! Bien au contraire, nous prenions l’apéritif chez ma voisine et avant de passer à table nous avons suivi les infos sur France 2… Or, qu’entends-je ? Que le refus de travailler le dimanche serait sanctionné ! Considéré comme une faute grave… donc : même pas droit à des indemnités de licenciement…

C’est d’ailleurs confirmé par un article de Libération Le retour en force du travail dominical : «tous les commerces de détail des «communes touristiques» pourraient, de droit, sans plus avoir à demander d’autorisation individuelle, obliger leurs salariés à travailler le dimanche dans les mêmes conditions que les autres jours de la semaine, sous peine de sanction pouvant aller jusqu’au licenciement»

Alors que jusqu’à présent, et sous l’empire de la loi de 2006 sur le tourisme, une telle dérogation – dont peu bénéficier uniquement un commerce lié au tourisme, précision très importante ! - «peut être» décidée mais n’est pas «de droit»

Le moins que l’on en puisse dire est que la proposition de loi du député UMP Richard Mallié est loin de faire l’unanimité y compris au sein de son propre parti. Ce fut d’ailleurs une des raisons pour laquelle l’examen d’une précédente mouture de ce texte avait été reporté le 17 décembre 2008, à la grande fureur de Nicolas Sarkozy selon Libération L’affront de l’UMP à Sarkozy : «Il faut qu’ils travaillent», s’est-il énervé… Bien entendu, le Troll de l’Elysée ne pouvant jamais être responsable d’un échec, il avait reporté la faute sur la gauche : «Les injures, le blocage systématique, empêcher des réformes pour le seul plaisir d’empêcher des réformes, inquiéter des jeunes pour le seul plaisir d’inquiéter des jeunes, ce n’est pas la démocratie, ça, c’est la pagaille (…) Une manière pour lui de ne pas perdre la face vis-à-vis de ses troupes, mais aussi de tenter de resserrer les liens avec elles»

Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy essaie de «mobiliser ses troupes» selon Libération. Petit doigt sur la couture du pantalon. «Si c’est si mal de travailler le dimanche, il faut que ceux qui défendent cette idée aillent jusqu’au bout de leur logique» (…) Ils doivent alors demander l’interdiction totale de l’ouverture des magasins le dimanche à Paris»… c’est paraît-il rapporté par Frédéric Lefebvre ! Celui-là, du moment qu’il peut passer un message dans les médias, n’est jamais à une sarkonnerie près !

Le clou de la manœuvre sarkoïdale est lâché par Richard Maillé lui-même, grâce à un savoureux lapsus : «Nous étions déjà convoqués… conviés pardon, en fin de session la semaine dernière (…) et ça a été repoussé». Que l’UMP ne soit pas exactement à l’unisson sur ce texte ne fait pas de doute. Jean-François Copé peut bien affirmer que cette réception était prévue de longue date et devait représenter «un moment de partage et de dialogue avec le Président de la République sur tous les chantiers en cours» et que «Le consensus au sein du groupe UMP serait aujourd’hui «quasiment total» et les craintes dépassées»

D’abord, l’on ne connaît que trop le sens du dialogue et de l’écoute de Nicolas Sarkozy ! Ensuite, il est contredit par Hervé Mariton (pourtant UMP) : «Il faut s’assurer que les dérogations au repos du dimanche restent limitées. Le diable peut se loger dans les détails d’un texte, il faut faire très attention à ce que l’on vote. Je ne veux absolument pas que cela devienne notre nouveau modèle social»..

Or, ce sont bien les «détails» du texte qui posent problème ou plutôt ce que Libération pointe comme le «télescopage» des deux textes : d’une part la définition des «communes et zones touristiques» telle que retenue par l’article R133-33 du Code du Travail qui recense 500 villes touristiques et celle du Code du Tourisme qui en compte environ 1.500… selon la définition précise de ladite «commune touristique» adoptée par la loi du 14 avril 2006 sur le tourisme. Voire 5 000 à 6 000 communes, parmi les plus peuplées qui peuvent y prétendre suivant l’estimation du Conseil national du tourisme, émanation de Bercy…

Il y a donc tout lieu de redouter que ce texte ne conduise directement à la généralisation du travail dominical. Quid en cas de litige ? Même si théoriquement la justice prud’homale arbitre en fonction du Code du travail, de même que les chambres sociales des Cours d’appel ou de la Cour de Cassation…

Par ailleurs, comment régler les conflits qui ne manqueront pas en raison de la concurrence entre certaines communes ? Ce que souligne «20 minutes» dans deux articles Le travail dominical sème le trouble chez les parlementaires ; Les commerces ouverts le dimanche craignent la concurrence «Dans les communes qui ouvrent déjà le dimanche, on n’a pas envie de partager le gâteau…» et plus véhémentement encore L’Humanité : Travail du dimanche, un projet encore plus régressif…

Même si Henri Guaino – que vient-il faire une fois de plus dans le débat politique ? il n’est rien d’autre que le Secrétaire général de l’Elysée… donc sans aucune fonction officielle dans l’Etat… mais j’oubliais : l’Elysée est un «Etat dans l’Etat» en Sarkoland où l’on a aucun égard pour l’ordre institutionnel – jure qu’il ne faut pas «laisser croire que l’on va faire travailler tout le monde le dimanche (…) reprenant la litanie de ceux qui expliquent que le texte présenté cette fois-ci aurait une portée “limitée”, ce que toute la gauche et les syndicats, ce que toute la gauche conteste»

Même son de cloche chez Richard Maillé, «il ne s’agit pas de remettre en cause le principe du repos le dimanche, ni de l’étendre à l’ensemble du territoire nationale», l’auteur de la proposition de loi dont l’Huma nous rappelle fort opportunément que, député des Bouches du Rhône, il défend bien évidemment la zone commerciale de Plan de campagne, bien connue pour être la championne des ouvertures dominicales illégales !

Peut-être quelque juriste devrait-il rappeler à celui qui est censé écrire les lois qu’en France - depuis la Révo-lution ! - le «mandat impératif» - représentant les intérêts particuliers d’une partie des électeurs ou d’une corporation – est interdit aux parlementaires, censés représenter l’intérêt général et celui de la totalité des citoyens…

Outre ce que Libé nomme le «télescopage» entre les dispositions du texte soumis à l’approbation des parlemen-taires – en «procédure accélérée» et donc après une seule lecture… - et les dispositions du Code du Tourisme relatives à l’ouverture dominicale des commerces qui ont été adoptées le 14 avril 2006, on voit apparaître un bien curieux «OLNI» - objet légal non identifié - dans la nouvelle mouture de la proposition de loi Maillé : les PUCE… autrement dits «Périmètre d’usage de consommation exceptionnelle» qui permettront des dérogations collectives ou individuelles et temporaires, valables 5 ans.

Ces dispositions ne devraient concerner que les agglomérations de plus d’un million d’habitants et en principe être limitées à la région de Marseille-Aix-en Provence et Lille – en tant que frontalière avec la Belgique – et la Région parisienne où selon Libération Travail dominical: les principaux points du texte Mallié «le Préfet de région peut autoriser les établissements de vente au détail à déroger au repos dominical dans une zone caractérisée par des habitudes de consommation de fin de semaine»… C’est – autrement dit – légaliser les pratiques illégales !

Le régime devrait y être toutefois nettement plus favorable que celui prévu par la proposition Maillé pour les villes dites «touristiques» en général : obligation d’un accord entre les partenaires sociaux pour déterminer les compensations accordées aux salariés - chaque salarié travaillant le dimanche, sur la base du volontariat devant bénéficier d’un repos compensateur et d’une rémunération au moins égale au double de celle d’un jour de semaine. L’accord devra être écrit et aucune sanction ne pourra être exercée en cas de refus de travailler le dimanche non plus qu’une discrimination à l’embauche… en l’absence d’un tel accord, une mesure unilatérale de l’employeur devra être approuvée par référendum des personnels concernés…

Toutefois, il faut souligner que les salariés qui auront accepté de travailler le dimanche devront par la suite justifier de «l’évolution de leur situation»… Et s’ils en ont simplement marre ?

Le régime commun prévu pour les salariés des «communes et zones touristiques» est très nettement régressif (j’ai déjà souligné que le refus sera considéré comme une faute grave susceptible d’entraîner un licenciement) et surtout, il ne donnera droit à aucune compensation : ni salaire double ou la moindre indem-nité, ni repos compensateur. Autrement dit, c’est la logique sarkoïdale du «travailler plus pour gagner moins» dans toute sa splendeur !

Cette question est en effet d’importance. Pierre Méhaignerie, président UMP de la commission des affaires sociales, – et opposé à la généralisation du travail dominical - considère que «faire croire que tous les salariés qui travailleront le dimanche seront payés double est une grosse bourde…»… C’était pourtant ce que promettaient naguère Nicolas Sarkozy, les ministres et les députés UMP favorables au travail dominical. Mais l’on sait ce que valent les promesses de Sarko : du pipeau !

La véritable raison ? La logique est purement écono-mique selon ce que je lis sur Libération Volontariat : les promesses non tenues de la loi «certaines communes touristiques (les stations de ski par exemple) avaient déjà le droit de ne pas payer double le dimanche. Pour la majorité, il n’était pas question de leur imposer désormais de le faire».

J’appellerais cela : le régime de l’exploitation maximum et aurais garde de m’étonner de «la question qui tue» posée par Jean-Philippe Cotis dans son fameux rapport : «comment se fait-il que les salaires aient si peu augmenté depuis 25 ans ?»

Un sacré traquenard juridique… dont l’UMP aura bien du mal à se dépatouiller. Maillé aurait paraît-il conscience du hiatus entre les deux définitions des «villes ou zones touristiques» selon les textes «Il avait bien vu le truc, mais soit il multipliait les dérogations, soit il alignait tout le monde sur le droit commun, il a choisi d’aligner tout le monde», confie un ministre…

Ben, non ! puisque précisément sa proposition de loi multiplie les régimes différents…

On aura beau assurer à l’UMP que «Le classement d’une commune en commune touristique au sens du code du tourisme n’emporte aucune conséquence sur le régime d’ouverture dominicale des commerces», c’est aussitôt démenti par l’essence même du texte de Maillé : «Sauf initiative des conseils municipaux et décision au cas par cas du préfet, les commerces d’une commune touristique au sens du code du tourisme sont soumis à la règle du repos dominical». Poker menteur, donc ! Les conseils municipaux des communes concernées multiplieront à l’évidence les demandes de dérogation.

Libération pointe une épineuse question sur le plan juridique : «un préfet peut-il accorder à une ville la dénomination de «commune touristique» au sens de la loi d’avril 2006 et refuser l’ouverture dominicale des commerces liée à cette même dénomination ? (…) On imagine mal, devant les tribunaux administratifs, la possibilité pour un préfet de défendre deux analyses divergentes en cas de recours d’une enseigne poursuivie pour avoir ouvert le dimanche», relève l’opposition».

Ils peuvent multiplier les arguties, j’attends avec impatience le sort que fera le Conseil constitutionnel à ce texte qui révèle bien des ruptures au principe d’égalité entre les salariés. Affaire à suivre…

Lire la suite :
Travail du dimanche : quelles justifications ?


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