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Michel Garroté
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Mardi 7 juillet 2009 - 15 Tammuz 5769
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Rosh Hanikra, avril 1983 - Dans la matinée, Cedar et moi arrivâmes à la frontière israélo-libanaise, à Rosh Hanikra, où nous laissâmes la voiture pour franchir à pied la frontière, avant d’être pris en charge par une autre voiture côté israélien (voir les 6 épisodes précédents). En sa qualité de membre de la Ligue Arabe, le Liban ne reconnaît pas l’Etat d’Israël. Et il n’y donc, par conséquent, pas de douane. Quand j’écris que nous franchîmes à pied la frontière, cela signifie concrètement que nous traversâmes un Nomansland au Sud-Liban, contrôlé par l’Armée du Sud Liban (ASL) et, plus au sud encore, par Tsahal (Photo ci-dessus). Nous traversâmes à pied ce Nomansland jusqu’à un baraquement israélien de Tsahal dans lequel nous attendait un sabra d’une trentaine d’années, un certain Alex, du Mossad, question de nous identifier (sur la base des documents nous concernant transmis par l’ambassadeur Ovadia Soffer).
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Des filles scout fouillèrent nos petites affaires. Lorsque l’une d’elle ouvrît le boîtier de mon rasoir électrique, je ne pus retenir un petit rire. La fille scout, blessée par mon rire, me lança doucement, dans un français plutôt convenable : « Nous faisons notre devoir ». Alex souriait sans plus. Cedar était aux anges : une jeune utilisait le mot « devoir ». Aucun doute, nous entrions dans le pays de Menahem Begin. Un certain Yzak nous pris en voiture pour nous amener jusqu’à Jérusalem (Photo ci-dessus). Cedar et moi déjeunâmes au Jerusalem Hilton avec Shlomo Bino, directeur pour le Moyen Orient au ministère des Affaires étrangères et Asher Naïm, porte-parole du même ministère. Shlomo Bino, un homme corpulent, au teint buriné, était d’origine juive irakienne. Asher Naïm, petit blond maigre aux yeux bleus était d’origine juive libyenne.
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Shlomo Bino commanda une goulasch en marmonnant qu’il n’avait jamais goûté un truc pareil. Je décidais de poser mes cartes sur la table : pas de négociations avec Arafat ; une alliance avec les Forces Libanaises ; pas de concessions sur la Judée-Samarie ; et envisager à moyen terme un Etat palestinien en Jordanie. Asher Naïm, fin et réservé, ne pipa mot. Shlomo Bino, plus baroque, me répondit : « That’s what Begin says » ("C’est ce que dit Begin". - Begin : photo ci-dessus). Cedar, du Deuxième Bureau (service de renseignement) des Forces Libanaises était légèrement embarrassé par ma franchise. Car d’un côté, il partageait mon avis. Mais d’une autre côté, il ne savait trop dans quelle direction les Forces Libanaises allaient évoluer sur ces questions. Hélas, les interrogations de Cedar étaient pleinement justifiées : en effet, les Forces Libanaises prirent non pas une, mais plusieurs directions.
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Samir Geagea (Photo ci-dessus), à la rigueur, aurait peut-être accepté une alliance avec Israël. Mais Elie Hobeïka, en revanche, était pro-israélien par pur opportunisme. Par la suite il devint pro-syrien, encore par pur opportunisme. Puis pro-business, toujours par opportunisme. Avant de sauter dans les airs au passage d’une voiture piégée made in Syria. Après notre bref séjour en Israël, Cedar et moi nous fîmes le chemin en sens inverse, jusqu’à Beyrouth. Asher Naïm nous avait remis des photos et des documents accablants sur l’arsenal de Arafat planqué dans les sous-sol du « camps de réfugiés » de Sabra et Chatila.
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A l’époque, Cedar et moi étions jeunes. Nous ne réalisions pas qu’avec ces documents, nous étions des hommes morts, en cas de contrôle, sur notre route, par les milices palestiniennes, par les milices druzes libanaises ou par la milice chiite libanaise Amal (Photo ci-dessus). On peut croire ou ne pas croire en Dieu. Mais dans les deux cas, on ne peut pas dire qu’il n’y jamais de miracles…
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Chrétiennes du Liban en 2009. Encore un miracle...