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La femme sans tête, un film de Lucrecia Martel

Publié le 09 juillet 2009 par Slal
Paris,mai 2009
Lucrecia Martel a commencé par étudier l'animation à l'ENERC (École Nationale d'Expérimentation et de Réalisation Cinématographique) puis, quelques années après, elle part à Buenos Aires et s'inscrit dans un cursus de science de l'information et de la communication. Entre1988 et 1994, elle réalise quelques courts métrages dont Rey Muerto en 1995, qui fut récompensé dans des festivals internationaux. En 2001, elle réalise son premier long métrage La ciénaga, chronique d'un été torride vécu par deux familles en Argentine. Le film est primé à Berlin, à Sundance, aux 13ème Rencontres Cinéma d'Amérique Latine de Toulouse et est sélectionné dans de nombreux festivals à travers le monde. En 2004 Lucrecia Martel réalise un long-métrage dramatique : La Niña santa, en compétition au 57ème Festival de Cannes.

La Femme sans tête Bande annonce

Des enfants courent dans des chemins poussiéreux, s'arrêtent avant de traverser la route , laissent passer un bus puis continuent de se poursuivre. Le visage d'une femme se reflète dans la vitre d'une voiture. Une voix féminine lui recommande de recourber ses cils, une autre encore complimente celle-ci sur sa nouvelle –couleur de cheveux. Les uns s'inscrivent dans la poussière et le mouvement, les autres dans le paraître. L'opposition des classes s'insère dès le début de « La femme sans tête » , le troisième film de Lucrecia Martel.
La scène qui l'inaugure semblait pourtant appartenir à un autre film … Beaucoup de personnages surgissent pour commencer et pourtant très rapidement la caméra va suivre la fausse blonde Verónica (Maria Onetto) et ne plus la laisser en paix. De fait, le spectateur, loin d'être omniscient en ce début de film, suit le comportement de Verónica partageant avec elle ses désordres. En effet, loin des considérations sur une couleur de cheveu ou un recourbement de cil, Verónica, dès lors qu'elle a heurté violemment un obstacle avec sa voiture et a fui sans porter secours éventuellement à qui pourrait nécessiter une aide, bascule dans une autre dimension. Verónica devient un fantôme : a t elle oui ou non provoqué la mort d'un homme ? l'on assiste à l'évolution d'un personnage dont l'on ne sait rien hormis le fait que sa couleur de cheveu est fausse ! Il est notable de remarquer à quel point pendant toute cette traversée amnésique du personnage, elle va dépendre de ces autres qui la côtoient : mari, amis, domestiques… Systématiquement, s'instaure une prise en charge totale du rôle principal. Personne ne se soucie du silence des ses réponses, tout s'organise sans implication aucune du personnage. Celui-ci se laisse mener, abêti comme Charlot l'était dans « Les temps modernes » quand il lui fallait effectuer les mêmes gestes mécaniques abrutissants.
La force de Lucrecia Martel est de nous montrer cette aliénation non plus par soumission à la machine mais soumission à la condition même d'être humain. Cela constitue un premier degré de lecture mais pourtant très rapidement rejailli cette opposition du début du film. Opposition suggérée mais qui ne va cesser de prendre de l'amplitude.
En suivant les gestes quotidiens que répète Verónica, les différences de classe éclatent. Lucrecia Martel nous fait assister en direct pourrait t-on dire, à la prépondérance d'une classe sur une autre. Il n'y a aucune ostentation ici, aucune violence autre que le bruit sourd du choc mais relativisé par le fait qu'on ne sait ni ne voit jamais la victime. Pour le spectateur, la prise de conscience devient totale et c'est la grande force du film : cette révélation n'agit que pour le spectateur, à aucun moment les personnages agiront différement. Il n'y aura ni rébellion, ni geste de solidarité ou simple questionnement. Les choses sont telles quelles et la soumission se fait de façon insidieuse et d'autant plus écoeurante que les faits resteront les mêmes.
Citons pour exemple, cette scène terrible pendant laquelle Verónica cherche à tout prix à donner quelque chose à un jeune homme qui lui propose ses services. Comment racheter sa conscience ? veut-il un café ? un tee shirt ? que peut-elle bien lui offrir pour soulager sa conscience ? et cela suffira car si elle a tué un de ces enfants qui couraient au début du film et qui n'appartient pas à son monde à elle, tout a été mis en place pour que sa responsabilité soit effacée.
Verónica n'est pas une mauvaise personne, aucune ne l'est et c'est pire que tout car chacun reste figé dans son rôle.
Lola de Sucre
La femme sans tête, un film de Lucrecia Martel


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