Et de respecter les droits des Palestiniens
Dans un avis consultatif rendu le 9 juillet 2004, la Cour internationale de justice déclarait illégale l'édification par Israël du Mur dans le Territoire palestinien occupé et appelait à son démantèlement immédiat. Cinq ans plus tard, cet avis reste lettre morte : Israël poursuit la construction du Mur et la communauté internationale reste impassible. Une situation qu'Oxfam International tient à rappeler dans un recueil de témoignages paru aujourd'hui.
Dans une publication intitulée Cinq ans d'illégalité, Oxfam International donne la parole à une vingtaine de Palestiniens et de Palestiniennes confrontés chaque jour au Mur, à son « régime associé » (confiscations de terres, systèmes de permis, etc.) et à l'extension des colonies.
Des conséquences tragiques
Paysans séparés de leurs champs, ouvriers privés de permis de circuler, femmes enceintes ne pouvant se rendre à l'hôpital, villages souffrant d'un accès insuffisant à l'eau... Les problèmes sont nombreux. L'ONU estime par exemple que dans le Nord de la Cisjordanie, 80% des Palestiniens qui ont des terres de l'autre côté du Mur n'obtiennent pas de permis de la part des autorités israéliennes, et sont donc dans l'impossibilité de cultiver leurs champs. Une situation que l'on retrouve dans d'autres parties de la Cisjordanie.
« Avant la construction du Mur, ma coopérative récoltait 3.000 tonnes d'olives, explique Youssef Salim, oléiculteur de Beit Jala, au sud de Jérusalem. A présent, nous n'en avons plus qu'entre 500 et 1.000 tonnes selon les années. Moi même, j'ai 1,8 hectare d'oliviers isolés derrière le Mur. Cela fait des années que je ne peux m'en occuper car il est interdit de se rendre dans cette zone. »
Le droit doit triompher
« Chaque jour, Oxfam International et ses partenaires locaux font face aux conséquences tragiques du Mur, des permis et des check-points, explique Jeremy Hobbs, directeur exécutif d'Oxfam International. « Depuis la construction du Mur et la mise en place de son régime associé, la paupérisation des communautés et le 'dé-développement' sautent aux yeux en Cisjordanie. L'édification du Mur se poursuit, bien au-delà de la Ligne verte, et prive les Palestiniens de leurs moyens de subsistance et de leur accès aux services de base. Qu'Israël veuille assurer la sécurité de ses citoyens est légitime, mais cette sécurité ne peut en aucune façon s'obtenir au détriment du droit international humanitaire. En tant que puissance occupante, Israël a l'obligation de garantir les droits fondamentaux des Palestiniens. »
Oxfam International appelle donc la communauté internationale à mettre sur le tapis la question du Mur en territoire occupé et son régime associé, la colonisation, la confiscation et le contrôle des ressources naturelles (comme la terre et l'eau) qui modifient de facto la composition démographique des territoires occupés et violent le droit international humanitaire.
« Depuis cinq ans, la communauté internationale et les dirigeants israéliens restent sourds aux appels lancés par l'Assemblée générale des Nations Unies et refusent de se plier à l'avis de la Cour internationale de justice. Cette inaction envoie un bien mauvais signal : celui que le droit international peut être bafoué impunément. Pour le bien de tous, Palestiniens comme Israéliens, il est temps que le droit triomphe. Sans cela, il sera bien difficile d'avancer vers une paix juste, négociée et durable au Moyen-Orient », conclut Jeremy Hobbs.
Télécharger le rapport "Cinq ans d'illégalité" (PDF)
NOTES
Quelques chiffres
- La construction du Mur a débuté en 2002. Aujourd'hui, le Mur n'est encore qu'à mi-parcours mais il fragmente déjà la Cisjordanie en 3 entités et crée 22 petites enclaves isolées.
- Les plans du gouvernement israélien prévoient une longueur totale comprise entre 726 et 790 kilomètres, dont une écrasante majorité (86%) construite en territoire palestinien, et non sur la Ligne verte.
- En juin 2008, le Mur passait par 171 localités de Cisjordanie. Il avait entraîné le déplacement de près de 28.000 personnes, confisqué 5.000 hectares de terres et isolé plus de 27.000 hectares supplémentaires. Au total, plus de 700.000 Palestiniens de Cisjordanie ont été affectés par le Mur et son régime associé.
- Une fois le Mur achevé, Jérusalem-Est sera totalement coupée de la Cisjordanie, 125.000 Palestiniens seront encerclés de 3 côtés et 35.000 autres vivront dans des enclaves.
- Jusqu'à présent, le gouvernement israélien a mis en place 70 « portes agricoles » dans le Mur, destinées aux paysans séparés de leurs terres. En pratique, ces portes n'assurent pas l'accès aux champs : 28 sont fermées, 20 ne sont ouvertes que sur base hebdomadaire ou saisonnière. Seules 22 sont ouvertes quotidiennement.
- Plus de 10% des terres palestiniennes plantées d'oliviers se trouvent derrière le Mur.
Principales conclusions et recommandations de la Cour internationale de Justice (9/7/2004)
- La Cour a estimé à l’unanimité qu’elle était compétente pour donner un avis consultatif sur la question.
- La Cour a estimé qu’Israël a le droit, et même le devoir, de protéger la vie de ses citoyens, mais que les mesures prises en ce sens doivent être en conformité avec le droit international.
- La Cour a considéré que le Mur et son régime associé créaient un état de fait pouvant devenir permanent, auquel cas la construction du Mur équivaudrait à une annexion de facto, ce qui est interdit par le droit international.
- La Cour a mentionné le risque de modifications dans la composition démographique du Territoire palestinien occupé (TPO) par le renforcement des colonies illégales, ce qui viole également le droit international humanitaire.
- La Cour a répété que l'adoption par Israël, puissance occupante, de dispositions administratives et législatives qui changent ou déclarent le changement de statut de Jérusalem violent le droit international et ne sont donc pas valables.
- La Cour a décrété que les Réglementations de La Haye, la Quatrième Convention de Genève et le droit international relatif aux droits de l’homme étaient applicables dans le TPO.
- La Cour a déclaré qu’Israël devait immédiatement mettre un terme aux violations du droit international dont il est l’auteur ; cesser les travaux d’édification du Mur dans le TPO, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est ; démanteler l’ouvrage situé dans ce territoire ; abroger ou priver d’effet l’ensemble des actes législatifs et réglementaires qui s’y rapportent ; et réparer les dommages causés par la construction du Mur.
- La Cour a ajouté que tous les États sont dans l'obligation de ne pas reconnaître la situation illégale résultant de la construction du Mur et de ne pas apporter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction. En outre, les États concernés par la Quatrième Convention de Genève ont l'obligation de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette Convention.
- La Cour a noté que les Nations Unies, et notamment l’Assemblée générale et le Conseil de Sécurité, doivent réfléchir à des mesures supplémentaires pouvant mettre fin à la situation illégale qui résulte de la mise en place du Mur et de son régime associé.
Communiqué de presse Oxfam International
le 8 juillet 2009 / oxfamfrance.org/
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