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Le grand élan de la montagne

Par Memoiredeurope @echternach

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Je me retrouve petit enfant. Mes parents aimaient marcher. Ils aimaient aussi la montagne. Et en 1957 ils décident de m’emmener dans un petit hôtel. On disait à l’époque une pension de famille. L’hôtel de l’étoile à Maxilly près d’Evian était tenu par un couple d’un certain âge et accueillait une trentaine de vacanciers.

J’y ai connu mes premières copines. Elles faisaient de la balançoire leur jeu principal. Et moi je les aidais à se balancer. L’innocence, n’est-ce pas ? Enfin, je crois me souvenir que les questions ne l’étaient pas toujours.

Le dimanche, le propriétaire qui travaillait pour les espaces verts de la buvette d’Evian rentrait à bicyclette en portant les gâteaux que les vacanciers recevraient dans leur assiette au dessert. Mais beaucoup de tartelettes à la fraise ou à la framboise sont restées dans le fossé en raison de vent qui avait eu raison de l’équilibre instable de celui qui, remontant avec peine une pente raide, subissait l’effet euphorique que le vin, qui n’était pas seulement celui de la messe, procure aux bien heureux. Voir tous ces curistes boire de l’eau à longueur de temps le déprimait.

Je me souviens surtout de la copine dont le grand-père possédait une DS19. On comprendra pourquoi. C’était le must de l’époque. Une sorte de carrosse moderne dans lequel nous gagnions en glissant à une vitesse fantastique les cafés de Montreux, en longeant le Lac Léman, de rive nord à rive sud.

Il y avait en effet ceux qui roulaient en DS…et les autres. La société est encore ainsi. Et mes parents n’ont jamais voulu faire l’acquisition d’une voiture. Alors nous marchions beaucoup. La 2CV du curé de Maxilly s’arrêtait parfois pour nous embarquer quand nous descendions à pied à Evian. C’est vrai qu’il y avait encore des curés, et des 2CV…

Bon j’arrête là ma nostalgie, d’autant plus que l’hôtel de l’étoile a été démoli il y a quelques années. Mais l’école communale et la mairie sont toujours là. Et le lac intangible dans lequel les grandes draperies de pluie s’égouttaient vendredi dernier à mon arrivée me souhaite la bienvenue. Au moins lui !  

Le temps de jeter un coup d’œil à ce qui est toujours là et de reconstruire mentalement ce qui a disparu. Le temps de vérifier si le château de la famille de Blonay (ou de Tourronde) à Lugrin se souvient des Accords d’Evian. Et de vérifier également si je me souviens de Madame de Blonay – une descendante d’une famille vassale de Pierre II de Savoie, mais membre de la branche vaudoise convertie au protestantisme - regardant la rive française depuis la terrasse d’un appartement  lausannois et soupirant : « Dire que tout cela était à nous. »

Bon j’arrête là ai-je dit la nostalgie que Modiano met si bien en scène, avec ses témoins de la guerre qui ont connu cette situation étrange d’un lac entre-deux. Engagé par conviction et neutre par principe.

J’avais quelques heures dimanche. Alors je suis revenu sur les pas de mes parents. Je suis monté à Thollon et j’ai pris un œuf (c’est ainsi que l’on nomme cette espèce de télésiège fermé qui, il y a cinquante ans se balançait à l’air libre).

Pour être juste, c’est aussi les pas de mes enfants dans lesquels je me place…et leurs parcours à ski et à pied dans la neige.

Quelle merveille quand les premières gentianes jaunes apparaissent dans les alpages, au fur et à mesure que le télésiège s’élève, presque parallèle à la pente ! Le début du mois de juillet garde encore intactes quelques-unes des fleurs de printemps, tandis que les plus belles d’été s’épanouissent, prennent de la hauteur et créent une symphonie de plantain, de marguerites, de campanules, d’arnicas et de géraniums des Pyrénées, tandis que le serpolet affleure entre les rochers en donnant tout son parfum sous le soleil qui fait éclater la rosée. 

Peut-on rêver plus beaux chardons ? Encore tendres ! Et plus belles forêts miniatures d’Ombellifères, cascadant sur les pentes, en protégeant les hellébores, ces roses des neiges encore en fruits et en créant un premier plan au vertige offert par le lac qui s’étend, mille mètres plus bas ?

A s’évanouir de bonheur, dans une nature où le tintement échelonné des cloches de groupes de vaches disséminés occupe seul l’espace. Lancinant et rassurant. Rappelé par les courants légers, en masses sonores qui se mêlent.

Je suis seul. Enfin, je croiserai cinq ou six marcheurs. Des vrais ceux-là, avec des cannes, des chapeaux et des sacs à dos. Des chaussures de marche, aussi, ce qui n’est pas mon cas.Je ne suis qu’un promeneur du dimanche.

Dans quelques jours, les premiers groupes de VTT et d’amateurs de parapente vont arriver me dit la patronne du restaurant. Dans quelques jours…mais aujourd’hui la montagne est tout à moi.

J’en avais besoin. Sans doute pour parler, à mi-voix, à mes parents, dont l’ombre me fait signe sous les épicéas.


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LES COMMENTAIRES (1)

Par janbroers sebastien
posté le 17 octobre à 22:06
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