Dès les premières lignes de ce roman, le lecteur se sent très proche de l’héroïne Julia Carlyle, universitaire dans une petite ville de Nouvelle-Angleterre, mère de quatre enfants, épouse de Lemaster, président d’université avec lequel elle forme un des couples les plus en vogue dans le milieu des africains-américains de l’endroit.
Ils sont riches, beaux, instruits, puissants,ils s’aiment et semblent entourés d’amis. Tout leur sourit, sauf peut-être Vanessa, leur fille adolescente qui doit se rendre régulièrement chez un psychiatre pour des actes de violence commis récemment.
Le récit s’ouvre avec la découverte d’un cadavre au bord de la route, un soir de tempête de neige alors que la voiture des Carlyle avance péniblement sur une petite route. Ils s’aperçoivent vite qu’il s’agit de Kellen Zant, l’ex amant de Julia connu avant son mariage etcélèbre pour ses découvertes scientifiques. Il a laissé des indices spécialement réservés à cette dernière qui se sent dès lors obligée de rechercher son meurtrier, bien que très isolée au départ. Cette enquête la mènera très loin, aussi bien dans leurs propres passés d’étudiants que dans les hautes sphères du pouvoir politique.
Comme dans tout bon thriller, on passe d’un rebondissement à l’autre sans ménagement, on finit par douter de tout le monde même de ceux que l’on croyait insoupçonnables, on découvre le milieu des riches et puissants africains –américains de la côte est avec leurs ambitions sociales et politiques, leurs habitudes et leurs réticences face aux Caucasiens que sont les Américains blancs.
Malgré certaines longueurs vers le milieu du récit, quandl’enquête semble s’enliser, on ne s’ennuie pas et j’ai dévoré ce livre en deux jours, bien sûr en m’y consacrant du matin au soir. La fin surprend : je ne m’y attendais pas mais ce que j’ai aussi beaucoup apprécié, c’est la touche de l’auteur, son style dont voici un aperçu. Il s’agit du premier paragraphe.
L’été à Tyler’s Landing:
« Les racontars s’acharnent sur les morts telles des mouches et nous suivons leur vol le nez discrètement levé. Bien que nous ne soyons pas cancaniers -surtout pas-, nous adorons écouter ceux qui le sont. C’est pourquoi si vous étiez passé à Tyler’s Landing dans les premières semaines suivant la conclusion longuement attendue de l’enquête, alors que les derniers envoyés spéciaux venaient de regagner leur rédaction, si vous vous étiez arrêté chez Cookie’s, dans Main Street, afin d’acheter un sachet de raisins secs enrobés de chocolat (la spécialité de ce digne établissement), vous auriez eu toutes les chances d’entendre la très potelée Vera Brightwood vous confier à qui la faute revenait, et à qui elle ne reviendrait jamais. »
La dame noire de Stephen Carter (Robert Laffont, 2007/2009,650 pages, traduit de l’anglais-Etats-Unis- par Bernard Cohen)