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Comment peut-on être persan? (partie III)

Publié le 12 juillet 2009 par Veroniquer

livre_ouvert Suite et fin de ces trois volets d'anticipation, réflexion sur "l'après Hadopi 2", inspirés du procédé des Lettres persanes.

Aref, ami étranger de Pierre - père de famille français - lui répond après avoir écouté sa description des usages numériques dans son pays en 2020.

- Tu sais, nous avons eu les mêmes interrogations à la même époque! Certains étaient partisans de mesures d'urgence comme votre loi. Mais notre histoire et notre culture sont différentes. Et, nous avons emprunté d'autres chemins.

Nos gouvernants ont pris simultanément plusieurs décisions: ils ont eu l'intelligence de se servir d'Internet et du Web et d'aller chercher quelques uns de ceux qui connaissaient très bien ces techniques et ces usages pour les intégrer au processus. C'était courageux face à la pression de certains. Et cela leur a permis également de créer, disons, une passerelle de communication entre deux mondes (et, ceci dit au passage, de mieux communiquer).

Car, tout y entrait en tous sens: trop connu pour certains, trop inconnu pour d'autres, peur engendrée par la méconnaissance, réactions propagées à la vitesse du numérique, positions archaïques, interrogations restées sans réponses...

Ils ont mis en place deux grandes enquêtes sur les usages du Web, l'une confiée à une prestigieuse université et l'autre à une société spécialisée. Et, en parallèle, ils ont fait circuler quelques sondages ciblés.

Dans le même temps ils ont développé très rapidement des processus de formation et d'information grand public à ses "nouveaux usages": l'ère numérique succédait à l'ère industrielle, il fallait s'y adapter sans tarder. Les moyens financiers ont été portés là, plutôt qu'ailleurs. Il ne fallait pas laisser de côté les populations les plus jeunes - qui étaient des usagers mais sans la maturité nécessaire - et les populations les plus âgées - qui apprenaient à découvrir ces outils et augmentaient en nombre.

Ils ont également commencé rapidement à travailler sur les réformes nécessaires à l'économie : gestion des droits, rémunérations des auteurs et artistes, publicité, modes de financements de contenus spécifiques, synergies entre acteurs, etc. Il était urgent de réformer plutôt que d'essayer de boucher les fuites qui s'ouvraient sans cesse. Et puis, le mot "culture" demandait aussi à être pensé à nouveau. Non, que les bases en soient réellement différentes, mais d'autres formes apparaissaient, d'autres types de création. Il en est ainsi depuis que le monde est monde (mais l'on connaît mal l'histoire des idées sans doute).

Ils se sont souvenus qu'ils appartenaient à une histoire ou la démocratie tient une place centrale - toujours fragile - et, il y avait dans les usages induits par ces technologies, comme à chaque fois, le pire et le meilleur: une société numérique où la surveillance devenait la base d'une vaste paranoïa, ou, à l'inverse, une société ouverte et libre, qui favorisait les collaborations et les échanges et trouvait un modèle économique.

Certains politiques ont même eu dans l'idée que ceci préfigurait d'une certaine façon la société "de demain", lasse des grands mouvements de capitaux, de grands groupes, des grandes actions, qui commençait à construire une sorte d'artisanat moderne, morcelé, modeste, mais recomposé et capable d'essaimer à grande échelle (paradoxe s'il en est). Un changement de paradigme était en cours, il fallait l'analyser et le penser sous peine de voir les choses s'échapper en tous sens...

Aujourd'hui, chez nous, chacun est formé à ses usages, chacun a accès à ses outils dans des conditions raisonnables en terme de coût, notre société a changé. Il y a des dérives bien-sûr et des monopoles aussi, mais, globalement, nous nous sommes adaptés.

De chez moi - mon domicile - où j'enseigne ces usages aux enfants, je suis surpris de constater les changements sur ces générations. Ils semblent avoir développé des modes de pensée associatives et collaboratives pas inintéressants. Ils sont aussi beaucoup inscrits dans le plaisir, la distraction, mais mon enseignement prend en compte cette dimension, pour aussi favoriser d'autres usages et leur apprendre à décrypter cela.

Pierre, mon ami, je t'invite, tu le sais, à venir passer quelque temps dans mon pays, nous pourrons ainsi échanger et dialoguer et, qui sait, les choses bougeront peut-être....

Crédit Illustration - mariolina - copyright PhotoXpress


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