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Descendre la rue, sans pelage, sans exquise bouchée de vie, se déshumaniser et devenir une bête grognante et déboulante de bave. La foule se perce sur mon passage, les petites gens se lancent sur le flanc et se font saigner en poussant de petits cris ridicules. C'est pas compréhensible d'être un animal, je suis pas compris.
Je suis dérivé à l'Est. J'attends sous une pierre que le soleil de jette en bas du monde. Quand il s'est commis, je rampe sur la vase de mon existence de monstre. Je remonte par le fleuve, jusqu'au Boulevard Taschereau, le plus gros boulevard du continent. Je me poste dans quelques containers odorants et j'attends que la chair passe.
C'est faussement délicieux. Je suis un animal, je prends même pas plaisir à te manger. Si je te mange la face, c'est parce que c'est mon instinct qui me pousse à le faire. J'ai pas DÉCIDÉ de le faire. Facque tu peux pas m'en vouloir si je t'avale les couilles pis tout le reste. Je suis le carnage tragique.
Pis je remonte jusqu'au Palais de Longueuil en fauchant ça et là les passants de la perdition en faisant bien attention de laisser beaucoup de sang sur le trottoir pour que ce soit gore comme je l'aime. J'aime aussi à laisser tomber les yeux négligemment un peu plus loin. Il y a rien comme l'horreur de marcher sur les yeux de quelqu'un d'autre.
Mon rêve, c'est de manger le Roi de Longueuil. Je prendrais beaucoup de temps. Je le dégusterais avec passion, même si ça m'apporte aucun plaisir de lui manger la face, tu le sais. Je le fais parce que c'est mon instinct de tueur qui tourne à plein régime. Mais je le ferais comme si j'aimais vraiment ça, pour que ce soit tellement gore que le monde en reviennent pas. Je m'arrangerais pour être vu, c'est sûr.
En attendant que trouve le moyen d'y rentrer, je vais faire ma ronde de bête sordide. Je vais hanter les jardins. Je vais me laver de mon sang dans les bassins.
C'est pas que j'aime ça. Je peux pas m'en empêcher. Chaque nuit je reviens sur la Place Longueuil, juste en face du Palais de l'Oeil Long. Je suis un réflexe de vie, je pense jamais. Je fais juste avancer tellement vite que je réalise à mesure que j'avance. Je sens rien. Mais je reviens tout le temps ici.
Il y chaque nuit la même sensation. Il y a quelqu'un qui me regarde. Quelqu'un qui me désire dans la nuit. Une fois, j'ai vu qui c'était.
Dans la plus haute tour du Palais, il y avait une femme. Une grande femme, comme une déjà morte, sans odeur, prête à se lancer en bas.
Elle venait à ma rencontre chaque nuit. Je pense même que c'est elle qui m'appelait. Je sens rien, mais elle, qui n'a pas d'odeur, elle m'obsède.
Je suis une bête obsédée.
Un jour, elle va descendre me voir. Je vais peut-être la manger. Je sais pas.
Elle va me dire quelque chose de terrible, que je comprendrai peut-être pas.
Je suis un peu à elle.
La Bloody qu'ils l'appellent.