Magazine Société

Une étude du Centre patronal - 1ère partie : le secret bancaire suisse

Publié le 13 juillet 2009 par Francisrichard @francisrichard

Une étude du Centre patronal - 1ère partie : le secret bancaire suisse Le numéro 39 de la revue « Etudes et Enquêtes », publiée par le Centre Patronal (ici), vient de paraître. Il est intitulé « Secret bancaire et place financière : le combat de la Suisse » (ici).

Fort d'une centaine de pages ce numéro présente, comme son titre l'indique, d'une part le secret bancaire tel qu'il existait encore il y a peu, et son évolution prévisible, d'autre part comment se situe la place financière helvétique dans son environnement mondial, et, là encore, son évolution prévisible, compte tenu des derniers développements.

Dans son introduction, Florencio Artigot, qui est rédacteur responsable de la revue, rappelle que le fait que la Suisse figure sur la liste grise de l'OCDE est une véritable mascarade, quand on sait que les îles britanniques de Jersey et de Guernesey et que les îles Vierge américaines figurent, elles, sur la liste blanche et qu'il n'est pas question de seulement lister les Etats du Delaware, du Nevada et du Wyoming, ou encore la City londonienne, dont l'opacité en matière de flux financiers est bien connue :

Invoquer la moralité, l'éthique, la transparence et la volonté de mieux encadrer les flux financiers apparaît comme un artifice fumeux pour tenter de prendre des parts de marché dans la gestion des dépôts privés soumise à une concurrence acharnée.

En fait la Suisse aurait même dû figurer sur la liste noire de l'OCDE. Pour y échapper, perdant son sang-froid, le Conseil fédéral a déclaré le 13 mars dernier que la Suisse s'engageait à respecter dorénavant les standards de l'OCDE pour ce qui est de l'assistance administrative en matière fiscale...Cet engagement consistait à renoncer, sans contrepartie, à la distinction faite ici, et jusqu'alors, entre évasion fiscale et fraude fiscale (voir mon article Secret bancaire : la trahison des Conseillers fédéraux ).

Or, comme le rappelle opportunément la revue du Centre Patronal, pour préserver cette distinction, la Suisse avait négocié avec l'Union européenne un accord sur la fiscalité de l'épargne. Aux termes de cet accord du 26 octobre 2004 le secret bancaire était préservé, mais la Suisse concédait une contrepartie d'importance. Elle s'engageait à

Introduire une retenue d'impôt sur les revenus de l'épargne réalisés en Suisse par des particuliers ayant leur domicile fiscal dans l'Union européenne.

Cette retenue n'était pas symbolique :

Le taux applicable est de 20% actuellement (il était de 15% au 1er juillet 2005, a passé à 20% au 1er juillet 2008 et sera de 35% dès le 1er juillet 2011).

De plus, comme alternative à cette retenue d'impôt, il était possible d'opter pour une déclaration volontaire aux autorités fiscales de sa résidence fiscale.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. « Etudes et Enquêtes » a réuni dans un même tableau les quatre communiqués publiés par le Département fédéral des finances relatifs à cette retenue pour les années 2005(ici ), 2006 (ici ), 2007 (ici ) et 2008(ici ). Il en ressort que cette retenue s'est élevée à 159.4 millions de francs en 2005 (2ème semestre seulement), 536.7 en 2006, 653.2 en 2007 et 738.4 millions en 2008.

Dans le même temps il faut ajouter que le nombre de non-résidents qui optent pour la déclaration directe à leurs autorités fiscales augmente chaque année : 35'000 en 2005, 55'000 en 2006 et 63'000 en 2007.

Enfin, entre les Etats-Unis et la Suisse il existe depuis 1997 une convention, qui a fait l'objet d'un accord amiable d'interprétation en date du 23 janvier 2003. L'article 26 de cette convention de double imposition

Prévoit de larges possibilités d'échange de renseignements qui sont en réalité une dérogation aux règles usuelles qui prévoient (...) la double incrimination.

Qu'est-ce que le principe de double incrimination ?

Selon ce principe, la Suisse accorde l'assistance administrative en cas de fraude ou d'escroquerie fiscale uniquement pour un délit punissable et menacé d'une peine privative de liberté dans les deux Etats concernés.

La Suisse devrait, selon le Centre patronal, chercher à obtenir des compensations pour son abandon de la distinction entre fraude fiscale et évasion fiscale :
Les règles du jeu allant changer, l'accord doit lui aussi être adopté. La logique voudrait que l'on dénonce cet accord [sur la fiscalité de l'épargne] (...) Cette option ne semble pour l'heure pas être celle choisie par le Conseil fédéral, qui envisage plutôt la renégociation à la baisse du taux d'imposition : le taux pourrait être maintenu à 20% au lieu des 35% qui devraient s'appliquer dès 2011.
Il n'est pas sûr du tout que le Conseil fédéral puisse faire valoir ce point de vue maintenant qu'elle a cédé un peu trop facilement, d'autant qu'il s'agit d'une manne, comme on l'a vu, à laquelle les pays européens auront du mal à renoncer en raison de son importance.
D'aucuns proposent, comme mesure compensatoire à cet abandon, que la Suisse introduise d'autres mesures fiscales - tels que les trusts - dans son ordre juridique. D'autres  suggèrent qu'elle demande à bénéficier de la libre prestation de services dans l'Union européenne, notamment pour ses banques.

Quoi qu'il en soit, pour le Centre patronal :

La Suisse ne peut plus aujourd'hui affrmer que le secret bancaire n'est pas négociable.
[cet aveu montre à quel point la politique menée par les autorités helvétiques est dommageable pour le droit, la sphère privée et la morale]

Il n'en reste pas moins qu'il n'est pas question d'abandonner le secret bancaire d'une manière générale, ni d'adopter l'échange automatique d'informations.

Toujours selon le Centre patronal la Suisse devrait rappeler à ses partenaires que :

Premièrement un Etat souverain peut organiser sa fiscalité comme il l'entend. Deuxièmement, l'Europe n'a aucun intérêt  à faire fuir l'épargne de ses citoyens de même que les capitaux de ses sociétés vers des Etats tiers non européens.
Quelle est la raison principale de cette fuite ? L'imposition lourde :

Les Etats qualifiés de paradis fiscaux ou favorisant l'évasion fiscale se sont développés pour faire face à l'imposition trop lourde.

Reste que la Suisse a des alliés au sein de l'Union européenne, tels que l'Autriche et le Luxembourg, des alliés potentiels, tels que Chypre, Malte et les Pays-Bas, et qu'en matière de fiscalité c'est la règle de l'unanimité qui prévaut dans l'Union européenne.
Francis Richard
PS
Dans un prochain article j'aborderai la deuxième partie du numéro 39 d'"Etudes et enquêtes", consacrée à la place financière suisse.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francisrichard 12008 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine