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Laye MBaké et le boubou de... (Rediffusion)

Publié le 14 juillet 2009 par Bababe

Laye MBaké et le boubou de... (Rediffusion)

Diplômé d'une grande école, major de sa promotion, dans une branche où les entreprises vous cueillent à la sortie de l’école, Laye M’Backé, revenait de ses entretiens, laissant à chaque fois derrière lui un patron malheureux de ne l'avoir pas recruté.

Et chaque fois son ami Yéro de lui répéter: ''« Ton grand boubou eut-il la même valeur que celui de Youssou N'Dour, les employeurs ne le verront pas, fais comme nous, enfile un costume. »

"Si vous ne voulez pas vous débarrasser de votre boubou, nous ne pouvons pas vous engager''". Ce que Laye M’Backé refusa catégoriquement.

Ses copains tentèrent en vain de le raisonner. Seul Didier, son promotionnaire corse qui a gardé la fierté séculaire de son île, comprenait sa démarche et le soutenait. Plaidant que c'est sa tête qui travaillait, pas ses tenues. Laye M’backé s’obstina, les patrons aussi.

Et Badou, un de ses copains de lui dire : « Boy, Il faut prendre la vie avec philosophie. Celui qui ne supporte pas la fumée n'aura pas de charbon." Ce à quoi Laye M'baké répondit: ''"Toi tes patrons sont cons, pas les miens, et par ailleurs, la fumée commence à m'étouffer."

A la surprise de tous, Laye M’Baké décida de rentrer au pays.

Laye Mbaké et son épouse débarquèrent à Dakar le même jour que Coumbooye, une vacancière parmi d’autres. Dans le hall de l’aérogare, ils surprirent un policier longiligne aux traits parfaits, dans sa tenue impeccable, disant, mi agacé, mi  dédaigneux: "Il n'y a que cette compagnie misérable qui déverse autant de monde ! Et quel monde ! On dirait des voyageurs débarquant d'un Car Rapide !"

Si la réplique cinglante de Laye M’Baké aux propos méprisants du policier vola au dessus de la tête de Combooye qui n'y comprit pas grand chose, elle atteignit de plein fouet le policier. Gris de confusion, il fit un pas en arrière et marmonna des excuses, son képi semblant osciller sur sa tête.

Laye MBaké et le boubou de... (Rediffusion)

Pourtant nul parmi les passagers ne portait de paniers de mangues, ni ne sentait le poisson séché, toutes ces choses inévitables dans les Cars Rapides. Même si Coumbooye comprenait que les immigrés africains aux tenues longtemps passées de mode irritent plus d'un habitant du pays de la téranga, où l'élégance est toujours de mise. Et le grand nombre de voyageurs européens en bermuda et en culottes courtes ne devaient pas arranger les choses.

Le souffle de l’océan qu' humèrent les voyageurs en avait détendu plus d’un. Coumbooye remercia la grande étendue bleue (guèj en wolof) de son bel accueil iodé. C’est donc avec bonne humeur qu’elle s’excusa auprès du gardien de l’ordre de ne pas avoir voyagé avec une compagnie aérienne au dessus de ses moyens. Elle lui promit même de prendre Air France la prochaine fois.

A la différence de celle de Coumbooye, la réplique de Laye M’Baké au policier avait la puissance de celui qui est confronté à la réalité, celui d’un cerveau qui n'est pas en fuite. Un cerveau au retour, contrastant avec celui de Coumbooye qui a la légèreté de ceux qui se contentent du confort des autres et regardent les dommages de chez eux de très loin, sans être vraiment impliqués. Implication superficielle des gens de passage.

Laye M'bake et sa jeune épouse à la noirceur des princesses du Waloo d’antan, attirèrent l'attention de beaucoup. Elégante et raffinée, la jeune femme était comme un filao ployant au contact de l'harmattan. Contre son gré, elle fut le point de mire de l’aéroport grouillant de monde. On imaginait les Européens souhaitant en leur for intérieur qu'elle garde sa taille fine de rêve occidental. Les autochtones se la représentant déjà avec les rondeurs d’une diriyanké tout en lui conseillant la meilleure des crèmes pour la débarrasser de son teint de charbon de bois.

Coumbooye, comme pour conjurer le sort et préserver ce qui risque de devenir un patrimoine de l'humanité, en faisant ses adieux au jeune couple avec qui elle avait sympathisé dans l'avion durant tout le vol, se crut obligée de dire à la jeune femme : "tu es aussi une résistante du Waalo !"

Alors le jeune couple se tint par le regard et leur amour explosa dans leurs yeux.

Coumbooye confiante, resta convaincue que le filao ne changera pas. Il gardera sa couleur naturelle : le vert.

Safi Ba


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