Magazine

La purification éthique du sport

Publié le 14 juillet 2009 par Winston

Le sport est l’un des champs sociaux les plus difficiles à analyser tant il recoupe d’innombrables réalités. On cependant tirer quelques traits généraux.
Si des jeux, des compétitions et des activités « sportives » ont existé dans la plupart des civilisations, le sport tel que nous le connaissons aujourd’hui est un produite de la modernité et plus particulièrement de la société libérale et bourgeoise  qui se met en place au 19ème siècle. Il reflète les valeurs de cette société et de ceux qui la portent, à savoir la compétition et la recherche de la performance surtout en même temps qu’il inaugure toute une nouvelle sociabilité dont l’élite libérale est friande pour se distinguer du reste de la société, celle de clubs organisés, hiérarchisés et pérennes, un nouveau mode de « vivre ensemble » dirait-on aujourd’hui où l’on cultive l’égalité certes, mais la seule égalité possible, celle entre pairs.
On peut constater également que le sport va recycler en partie les valeurs aristocratiques de l’ancien régime comme le mérite, la recherche de l’honneur et de l’accomplissement de soi et également un code moral exigeant (au moins sur le papier), le fair-play. Dès son origine le sport est aussi accepté pour ce qu’il est, une métaphore de la guerre.
Largement démocratisé dès la fin de la Première guerre mondiale, le sport va acquérir une certaine autonomie ce qui ne va pas l’empêcher d’être  instrumentalisé par tous les systèmes totalitaires du 20ème siècle sans que l’on puisse pourtant vraiment affirmer que ces derniers en ont retiré de grands bénéfices. Les sports les plus populaires, je pense ici bien sûr au football vont être aussi les lieux où vont pouvoir s’exprimer les identités nationales, régionales et locales, au grand dam des progressistes en tous genres qui ont bien perçu le potentiel subversif du sport car ce dernier et ses publics ne sont jamais totalement contrôlables par les instances politiques ou idéologiques extérieures au sport lui-même, d’où cette haine et ce mépris tenace que vouent les bien-pensants au sport, aux sportifs et aux supporters.
Voilà où nous en sommes encore plus ou moins aujourd’hui, je dis plus ou moins car il le sport entre depuis quelques années dans un nouveau paradigme.
Les valeurs du sport que nous avons énoncées ci-dessus ont étaient celles de la bourgeoisie libérale du 19ème siècle. Ces valeurs, celles d’un libéralisme réaliste et les pieds sur terre, tolérable et vivable dirons-nous, ont été celles qui ont pu ou prou dominé les sociétés occidentales jusque dans le derniers tiers du 20ème siècle. Mais depuis quelques lustres ces valeurs sont en phase de liquidation accélérée par ce que nous appelons le mondialisme, c'est-à-dire tout le délire utopiste d’une fin de l’histoire enfin réalisée dans le kolkhoze fleuri ou le Disneyland  global d’un monde sans-frontières s’adonnant sans limites aux joies de l’égalité parfaite, du multiculturalisme et de l’indifférenciation sexuelle, bref de la fête permanente bien analysée par Philippe Muray.
Evidemment, dans ce joyeux petit monde parfait le sport fait tâche. L’imprévu y surgit, la violence y est consubstantielle bien que contrôlée, on y proclame sa fierté d’être Français, Suisse ou Togolais, il y a des bons et des moins bons coureurs et le football féminin n’intéresse personne. Tout cela est donc inacceptable pour un esprit ouvert et tolérant préoccupé de solidarité et luttes contre les inégalités. De par sa nature, le sport n’est pas suffisamment  citoyen et ouvert à l’autre. Il faut donc le transformer ou le domestiquer ou plutôt le mobiliser en faveur du mondialisme en en faisant un spectacle pour enfants aseptisé, ouvert au monde et tolérant, préoccupé de valeurs citoyennes et luttant pour toutes les bonnes causes à la mode bref, le purifier éthiquement.
Cette purification éthique se fait de manière insensible et sans plan préétabli mais avec la même multiplicité de mesures en tous genres qui pourrissent chaque jour un peu plus la vie du citoyen lambda.
De l’arrêt Bosman qui a permis sa libéralisation économique totale et par conséquent l’existence d’équipes dépouillées de toute identité locale à la récente décision de Michel Platini d’interrompre les matches où l’on entendrait des slogans racistes, le football, vu sa popularité, est à la pointe de ce mouvement et nous aurons la décence de ne pas parler de l’ « équipe de France ». Les grandes compétitions internationales de football ne doivent plus être qu’une fête inodore et indolore où l’on peut encore certes agiter des drapeaux nationaux, mais à condition qu’ils portent la marque d’un sponsor et l’humanitarisme le plus creux ne craint plus de s’afficher sur les maillots des joueurs, à l’image de ceux du Barça estampillés UNICEF.
La «  lutte contre le dopage », une de ces luttes hystériques et infinies contre des moulins à vent dont le moderne a le secret  telles que «  la lutte contre la pédophilie » ou la « lutte contre la fumée passive » est l’instrument clé de cette purification éthique. Comme les autres luttes modernes elle ne connaîtra jamais de fin. Peu importe que les coupables livrés en pâture aux médias soient des lampistes, des maladroits et surtout des boucs-émissaires car le but essentiel de la lutte contre le dopage est de priver le monde sportif de l’autonomie relative qu’il avait jusqu’ici pour le mettre sous le contrôle direct de la justice et donc de l’Etat.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Winston 19 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte