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Le retour de la démonstration

Publié le 14 juillet 2009 par Olivier Leguay

Il était une fois...

Au XVIIIème siècle, un homme fut le maître de la mise en scène de la "démonstration", il s'appelait l'Abbé Nollet, il rendit la physique visuelle en construisant des instruments permettant sa "démonstration", en fournissant des livres d'expérience et en publiant des cours très clairement rédigés. Le commerce des instruments et des expériences de Nollet se généralisa dans toute l'Europe et les labos de physique-chimie de nos lycées témoignent encore de cette tradition scolaire de la physique expérimentale, bien marquée malgré sa mathématisation qui n'a cessé de croître.

Le retour de la démonstration

Au XXIème siècle...

Il est encore un peu tôt pour le dire, mais je pense que le XXIème siècle aura son Nollet à lui. Certes il ne s'agit plus de physique mais de mathématiques, d'instruments mais d'ordinateurs, la diffusion ne se fait plus au travers des livres mais  les moteurs de recherches, le buzz, les codes préétablis.

Ce qui est étonnant c'est qu'il s'agit d'un simple retour de balancier. Alors qu'au XVIIIème la physique devenait de plus en plus mathématisée, elle fût rendue visible, afin que rien qui ne soit supposé comme vrai ne put être "montré". Presque comme par écho, au XXème siècle, les mathématiques n'eurent de cesse de devenir de plus en plus abstraites, enterrées, invisibles et de plus en plus lointaines de toute réalité concrète, l'ordinateur vit le jour et leur permit de se faire voir. L'homme qui, de mon point de vue, incarne le mieux la "démonstration" mathématique au sens de Nollet est Stephen Wolfram. Les plus réticents pourront certes crier à l'exploitation commerciale et à la démagogie de vouloir faire toucher du bout des doigts l'idée des hautes mathématiques par le peuple, mais une philosophie sous-jacente me parait présente, celle de ce que j'appelle "l'écologie de la transmission", mettant un écart de plus en plus faible entre les objets de savoirs parfois difficilement accessibles et les consommateurs-acteurs.

Alors Wolfram met les mathématiques en scène, créé un moteur de recherche où elles sont au coeur du système et les résultats visibles des recherches, il met en ligne 5000 animations couvrant un très vaste domaine, comme nous le verrons plus loin:

La scénarisation et la communication ne sont pas laissées au hasard, le blog permet de rendre les évolutions visibles, de faire de la pédagogie. Le monde de l'éducation ne peut rester de marbre devant une telle puissance "démonstrative" et la possibilité d'utiliser le logiciel dans sa classe pour 49 $, après avoir regardé cette vidéo.

La diffusion n'est plus dirigée vers la noblesse comme c'était le cas au XVIIIème mais vers ceux dont le niveau socio-culturel est suffisant pour d'une part posséder un ordinateur et d'autre part l'utiliser dans ce domaine pointu.

Demonstrations and counting

Ce qui est intéressant dans le Demonstrations Project de Wolfram, c'est l'éclectisme des sujets abordés ( je ne sais pas d'ailleurs si le mot éclectisme est suffisamment représentatif).  Rien ne résiste. Tout est loin d'être du même niveau et du même intérêt, mais on sent fortement l'idée que rien dans ce monde ne peut échapper aux griffes des mathématiques, ou plutôt à la modélisation mathématique. Les mathématiques sont universelles, elles n'ont pas de pays, ni d'âge. Le modèle côtoie le concept, le ludique est à coté du professionnel, le simple est au même niveau que le complexe, le scolaire et l'historique sont ensemble. Le continu, le discret, l'aléatoire et l'itératif se tiennent la main. Les exemples suivants sont juste là pour traduire l'idée que tout est mathématisable, montrable au travers des mathématiques, les mathématiques s'externalisent comme elles sont capables de digérer à l'aide du code ce qui pouvait leur sembler externe .

Les "démonstrations" suivantes sont animées et interactives. Elles peuvent donc se vivre comme expérience, ou comme spectacle. Les plus forts, les passionnés, ceux qui en feront leur métier pourront se lancer dans la compréhension des concepts si ceux-ci leur échappent ou/et dans la construction de codes de calcul.

4985 Mickael Jackson... il fallait le trouver, mais c'est populaire !

348 Les hexagrammes du Yi-king en 3D, ça aussi il fallait y penser !

293 Le Yin et le Yang

297 Section dorée ( bonjour la Grèce )

305 Le théorème de Thalès ( C'est pas le même que chez nous !)

312 La (laborieuse) numération grecque

330 La belle construction d'une enveloppe parabolique à l'aide de triangles isocèles

355 Les formes impossibles

368 L'illusion de Delboeuf

367 Opérations sur les fonctions ( tiens on revient un peu dans le monde de l'éducation)

378 Les sommes de Riemann

333 Multiplier en additionnant les logarithmes

4973 La géométrie des multiplicateurs de Lagrange - ben oui dans "mathématiques", le mot "mathématiques" occupe quand même une place non négligeable, car pour ceux qui ne sont pas dans la confidence, ce que le matheux appelle des  "vraies mathématiques", c'est la partie des mathématiques qui lui résite un peu ou beaucoup et dans le cas présent, je suis certain que le sujet des multiplicateurs de Lagrange doit faire pas mal l'unanimité!

Pour conclure

Je dirai que j'ai bien du mal à comprendre pourquoi la France qui s'est autrefois émue et a plébiscité l'élan de la physique démonstrative de l'abbé Nollet et de ses instruments, est aujourd'hui aussi réfractaire à voir les mathématiques  se révéler devant nos yeux au travers de logiciels. J'espère que cette position va s'infléchir, même si j'ai quelques doutes, je pense qu'assez rapidement les établissements scolaires devraient se doter de "vrais" laboratoires de mathématiques comme ils sont équipés en laboratoires de physique et de SVT depuis plus de 200 ans.


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