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L'Allemagne, l'Union européenne et nous

Publié le 15 juillet 2009 par Edgar @edgarpoe
Dans un billet beaucoup trop rapide mais qui avait le mérite de mettre en lumière le .eu des sites Internet des conseils régional d'Alsace et de lorraine, j'évoquais la place particulière de l'Allemagne dans l'Union européenne, et j'écrivais ceci :

"cette affaire d'union européenne est en réalité tout simplement une réconciliation franco-allemande qui a mal tourné.
La réconciliation n'a jamais vraiment eu lieu parce que l'Europe, et l'Europe n'aura pas lieu parce que la réconciliation n'a pas vraiment eu lieu."

C'était évidemment beaucoup trop rapide pour un sujet pourtant important, et les commentaires de lecteurs d'habitude plus approbateurs n'ont pas manqué - à raison.

Je crois pourtant que l'idée de départ reste vraie, mais méritait plus d'explications.

J'essaie ici d'en assembler quelques unes, sachant que je connais trop peu l'Allemagne contemporaine pour conclure.

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Tout d'abord, il est exact que la construction européenne a été imposée à la France (et à l'Allemagne) par les Etats-Unis. Les fonds du plan marshall n'auraient pas été versés dans la durée sans la CECA (cf. le passage "l'ami américain" de mes notes sur les Mémoires de Jean Monnet).

La Construction européenne n'est donc en rien le signe d'une "réconciliation", c'est un passage qui a été imposé à la France par les Etats-Unis et que l'Allemagne n'était pas en position de refuser après avoir passé quatre années à assassiner hommes, femmes et enfants à travers l'Europe.

La réconciliation franco-allemande, lorsqu'elle a eu lieu, s'est faite dans un cadre gaullien (création de l'Office Franco-Allemand pour la Jeunesse et Traité de l'Elysée, les deux en 1963). A contrario, un partisan de l'union européenne comme Sloterdijk, tient que le mieux que l'Allemagne et la France aient à s'offrir mutuellement est l'indifférence (lire sa Théorie des après-guerres).

D'où ma conclusion : l'Union européenne et la réconciliation france-allemande n'ont rien à voir.

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En revanche, la France et l'Allemagne ne tiennent pas à l'Union européenne pour les mêmes raisons, qu'il convient de comprendre si l'on veut déconstruire proprement l'Union européenne. Mieux vaut casser l'Union européenne comme on désamorce une mine plutôt que comme un fractionne un noyau d'uranium au départ d'une explosion nucléaire.

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Quelle est l'idée poursuivie par les Etats-Unis dans la promotion de l'Union européenne ? Il s'agit pour eux d'avoir un interlocuteur unique pour construire un marché ouvert, sans favoriser pour autant l'émergence d'un contrepouvoir. Comme le note en 1997 Zbigniew Brzezinski dans le Grand Echiquier  "l'Europe deviendrait, à terme, un des piliers vitaux d'une grande structure de sécurité et de coopération, placée sous l'égide américaine et s'étendant à toute l'Eurasie. [...] Si l'Europe s'élargissait, cela accroîtrait automatiquement l'influence directe des Etats-Unis.  [...] l'Europe de l'Ouest reste dans une large mesure un protectorat américain et ses Etats rappellent ce qu'étaient jadis les vassaux et les tributaires des anciens empires."

Douze années après, c'est mission accomplie : l'Union européenne à 27 est ingouvernable et militairement c'est un dominion américain.

Brzezinski explique très bien comment les USA jouent de la rivalité France/Allemagne pour neutraliser l'ensemble. Il est d'ailleurs assez facile pour eux de faire valoir à l'Allemagne qu'elle dépend de la protection américaine pour sa sécurité, alors que la France dispose de sa force de dissuasion.

Cette aymétrie France/Allemagne explique que les deux pays ne tiennent pas à l'Union européenne pour les mêmes raisons. Pour la France il s'agissait au départ de financer la reconstruction puis de faire "payer l'Allemagne" via la Politique Agricole Commune. Aujourd'hui l'Allemagne ne paie plus et l'Union europénne coûte à la France plus de neuf milliards d'euros nets par an.

La France n'a plus de raison réelle de faire tenir l'Europe, sauf à imaginer que l'Union puisse un jour devenir un contrepoids aux Etats-Unis, idée que caressent encore certains aveugles. Ces aveugles sont malheureusement renforcés par ceux qui se satisfont et se réjouissent même d'une Europe au service des Etats-Unis.

L'Allemagne, elle, n'a pas d'autre alternative pour peser sur les affaires du monde à travers l'ONU et pour bénéficier d'une garantie nucléaire.

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On peut donc trouver des facteurs d'adhésion à l'Union européenne propres à chacun des membres, qui évoluent dans le temps et expliquent leur degré d'engagement : si le poids de l'ONU s'affaiblit, l'intérêt d'un siège européen dans cet organisme  devient plus faible pour l'Allemagne ; si l'Union européenne est chaque jour plus ingouvernable, la France ne peut caresser l'espoir de la voir se transformer en une "France en plus grand" ; au fur et à mesure que la culpabilité de la deuxième guerre mondiale s'atténue, l'Allemagne et la France peuvent dire non aux Etats-Unis et refuser le projet américain pour l'Europe (via le non à la Turquie).

Bref, l'Union européenne est un phénomène complexe que l'on ne peut expliquer par la seule volonté américaine, même si cette impulsion a été décisive. Chacun des participants est entré dans le jeu européen pour des raisons qui lui sont propres, et qui ont évolué depuis les années 50. A l'inverse, aucune de ces raisons n'aurait été suffisante sans la pression américaine (c'est si vrai que quand Robert Schuman lit sa déclaration, il n'a pas informé le président du Conseil de l'époque, alors que Monnet en a établi le texte avec les Etats-Unis).

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Quand on aura compris que l'idée européenne est épuisée, que l'on cherchera comment déconstruire l'Union européenne, que garder dans ce projet et que refuser, il faudra tenir compte de tous ces niveaux d'intérêts. Et oui, pourquoi pas, proposer à l'Allemagne, en compensation de la fin du rêve d'un état européen, un siège au Conseil de sécurité de l'ONU. Histoire de prendre en compte le fait que la deuxième guerre mondiale est terminée, sans que l'Union européenne soit en rien une issue nécessaire à ce conflit qui nous traumatise encore - comme l'ont marqué presque inconsciemment les dépositaires des sites Alsace.eu et Lorraine.eu.


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