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« La théorie, la pratique et LA Vérité »

Publié le 16 juillet 2009 par Raoul Sabas

Le 16 juillet 2009

Objet :

« La théorie, la pratique et LA Vérité  »

Monsieur Manuel Valls

Député

Courriel :

[email protected]

Monsieur,

Dans le prolongement de votre réponse du 26 novembre dernier à mon courrier du 23 qui était accompagné de ma lettre du 18 septembre 2008 à Nicolas Sarkozy, je vous avais écrit ce qui suit, le 15 décembre, peu de temps après un communiqué annonçant votre intention de déposer une proposition de loi en faveur de l'euthanasie :


« En conclusion, soyez assuré que je souhaite très vivement la réussite totale et définitive de votre projet, et je vais même au-delà. En effet,  au vu de vos toutes dernières prises de position et intentions montrant que le  sectarisme n'est pas votre caractéristique première, je pense que les socialistes ne pourraient pas présenter un meilleur candidat à l'élection présidentielle de 2012, avec en outre l'atout de votre jeunesse - à condition, néanmoins, que votre action pédagogique soit suffisante, d'ici-là, pour contrecarrer la malveillance de vos concurrents et la malignité des médias, dont vous payez aujourd'hui le prix dans les baromètres hebdomadaires d'opinion ! »


Toutefois, comme vous n'aviez pas encore exprimé publiquement votre intention de poser votre candidature pour le prochain scrutin présidentiel, je n'avais pas jugé utile d'entrer plus avant dans vos propos pour les analyser à la lumière de LA Vérité, précisément. J'avais seulement pris bonne note de votre décision de déposer une proposition de loi en faveur de l'euthanasie active, ou plus pudiquement dit : « pour encadrer l'aide active à mourir », tant la subtilité du langage politicien entend ne jamais choquer l'opinion de quiconque, de peur de perdre un électeur potentiel pour la moindre broutille - d'où l'habituelle « langue de bois », justement reprochée par des citoyens s'accommodant fort bien, par ailleurs, du « tout et son contraire » des responsables politiques, mais beaucoup moins bien de LA Vérité.


Or, aujourd'hui, votre candidature à la prochaine élection présidentielle étant devenue  publique, je me dois d'examiner en profondeur l'essentiel des propos de votre lettre du 23 novembre dernier pour les confronter à l'exigence de Vérité, dont parlait précisément Albert Camus. Vous y écriviez notamment :


« Vous soulignez également, dans votre courrier, la nécessité pour le Parti socialiste de renoncer à « ses dogmes », « ses mensonges» et « sa croyance au miracle ». Je peux vous assurer que je partage, pour une bonne part, cette exigence.


Je pense en effet que le Parti socialiste doit s'astreindre, en permanence,  à l'obligation de vérité pour retrouver 1a confiance des Français. Érodée par trop de promesses non tenues et trop de propositions peu plausibles, notre crédibilité est aujourd'hui trop faible pour convaincre nos concitoyens de la justesse de nos luttes. Ce déficit de crédibilité est aggravé, reconnaissons le, par la déconsidération générale dont souffre l'engagement politique.

Nous vivons dans une époque marquée par un profond scepticisme. L'échec de toutes les tentatives prométhéennes a brouillé le sens de l'Histoire et abîmé l'idée même de Progrès L'obscurcissement de notre horizon laisse les hommes seuls dans un univers désenchanté. Nul n'attend plus - hormis quelques aveugles - qu'une avant-garde éclairée ne découvre le chemin du bonheur universel. La défiance envers l'action collective atteint une telle proportion qu'elle menace parfois les fondements de notre pacte social.

Pour surmonter ce désarroi et ranimer l'espérance, il n'est d'autre choix que ceux du courage et de la lucidité. Le P S doit désormais, en toute circonstance, être inspiré par une « éthique de la responsabilité ». Il ne peut plus garder pour seuls viatiques des certitudes idéologiques qui sont, en réalité, autant d'œillères. C'est en se confrontant à la réalité et non en cultivant des illusions qu'il retrouvera des marges pour l'action. Car, comme l'expliquait déjà Albert Camus, « aussi longtemps que [...] la vérité sera acceptée pour ce qu'elle est et telle qu'elle est, il y aura place pour l'espoir ».

Ce devoir de vérité suppose que le PS refuse - une fois pour toute - de subir la pression de l'extrême gauche. Trop souvent honteux de nous-mêmes, trop facilement complexés par la radicalité verbale, nous sommes taraudés par la mauvaise conscience et la crainte que le compromis dégénère en compromission. Et nous oublions ainsi que nous sommes à l'origine de toutes les principales conquêtes sociales ! Redevenons fiers de notre passé pour rester confiants en notre avenir ! De tout temps, les chimères de l'extrême gauche n'ont conduit qu'à des voies sans issue.

Le PS doit préférer les chemins plus humbles et plus féconds de « l'optimisme du possible ». Basé sur une exigence fondamentale d'honnêteté intellectuelle, l' « optimisme du possible » consiste à expliquer les contraintes qui pèsent sur l'action publique tout en dégageant des perspectives de changement. Il préfère miser sur l'intelligence que sur les passions collectives. C'est le pari que faisait - en son temps - Pierre Mendès-France. C'est ce pari  que nous voulons faire aujourd'hui : croire suffisamment en la démocratie pour voir dans la politique une pédagogie.

Je continuerai donc, inlassablement, de militer en faveur d'un profond renouvellement de notre parti. Il est indispensable qu'il devienne plus représentatif de la diversité de la société française en s'ouvrant à tous ces jeunes des milieux populaires qui ont voté massivement pour Ségolène Royal en 2007. Il est également essentiel qu'il mette en cohérence toutes les idées neuves défendues lors de la campagne présidentielle. Notre ambition est de redonner courage à la gauche en montrant que le choix de nouveaux moyens n'entame en rien notre objectif historique: garantir à chaque individu les conditions de son émancipation, quelque soit son origine sociale.

Pour conduire cette tâche à son terme, nous aurons besoin des compétences et des énergies de tous ceux qui veulent faire gagner la gauche.  »   [Fin de citation]

Ma première remarque est pour dire que j'abonde totalement dans votre sens pour ce qui est de l' « exigence de vérité », et d'autant plus qu'elle est renforcée par cet autre mot de Camus : « Une seule chose au monde me paraît plus grande que la justice : c'est sinon la vérité elle-même, du moins l'effort vers la vérité. Nous n'avons pas besoin d'espoir, nous avons seulement besoin de vérité. », ainsi qu'accessoirement par ce tout récent propos de Jack Lang : « La politique, la vraie, doit dire la vérité. » [France 2, 11 juillet 2009, émission « L'habit ne fait pas Lemoine »]

Pourtant, en dépit des bonnes intentions affichées, c'est peu de dire que le monde est loin de compte en matière de Vérité, et même à des années-lumière, tant avec l'idéologie en général, la théorie, qu'avec la politique en particulier, la pratique, comme permet d'en juger cet autre mot de Camus : « La souffrance et la révolte s'éteindront avec le dernier homme ». Ce propos, en effet, aurait dû amplement suffire à lui seul pour mettre fin, depuis bien longtemps et définitivement, à toutes les « croyances au miracle » du monde, dont la toute dernière est précisément illustrée par le slogan politicien du nouveau messie planétaire, Barack Obama en l'occurrence.

Son « Yes, we can » n'est en effet qu'une resucée de notre bonne vieille « méthode Coué » à la française, et il le demeurera pour autant de fois qu'il serra rabâché - sauf à vous-même ou à quiconque, évidemment de démontrer qu'il suffirait à Barack Obama de vouloir pour pouvoir, en attendant que le devenir du monde ne se charge d'établir le contraire durant le reste de son mandat, ainsi qu'il a commencé à le faire en Iran par exemple, et le fera également sur le continent africain, où la fin des potentats, entre autres fléaux, n'est pas pour demain ! Dire des vérités est une chose, dire LA Vérité en est une autre ! ! !

Ainsi, si je distingue clairement le sermon d'Obama, à l'adresse des potentats africains, du pitoyable « pardon » de Ségolène Royal à l'Afrique, mettant tous les torts à la charge de l'Occident en général, et de la France en particulier, le président américain, profitant de sa couleur de peau, a néanmoins pu dire aux Africains des vérités que le « politiquement correct » d'ici aurait publiquement interdites à jamais - vous avez dit « hypocrisie » ? !

Cependant, son slogan, « Yes, we can », même transformé en « Yes, you can », était tout sauf l'expression de LA Vérité, puisque le devenir du monde, comme déjà souligné maintes fois, ne dépend nullement de notre volonté soi-disant libre, mais de ce que Spinoza nomme la « nécessité ». Assurément, cette croyance superstitieuse en un illusoire « libre arbitre » joue un très grand rôle dans la société française, voire mondiale, d'aujourd'hui, ce qui suffit à établir la « débilité intellectuelle » de l'époque au vu des infinies contradictions entre les principes, la théorie,  et les réalisations, la pratique.

C'est particulièrement le cas en matière de liberté et d'égalité, dont on nous rebat sans cesse les oreilles en évoquant le catéchisme soi-disant universel contemporain, ou Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, dont l'inobservation est uniquement réellement universelle, tandis que son adoption fut le fait de seulement quarante-huit Etats sur les deux cents environ que compte aujourd'hui la planète. Toutefois, faute de parvenir jamais à la liberté et à l'égalité absolue, ou idéale, ce catéchisme est néanmoins très précieux pour les censeurs de l'époque. En effet, ils l'utilisent surtout pour faire culpabiliser les Autres, fut-ce au nom d'un passé révolu de plusieurs décennies, voire de plusieurs siècles, comme s'il y avait des individus et des groupes d'individus réellement « irréprochables ».

Néanmoins, si le catéchisme prétendument universel s'avère particulièrement juteux pour toutes sortes de groupes communautaristes et d'associations moralisatrices à sens unique, par ailleurs pas plus irréprochables que ceux qu'ils condamnent - sans oublier les « politiques » qui ont aussi leurs spécialistes en leçons de morale -, il n'en témoigne pas moins de la « débilité intellectuelle » d'une époque, où la superstition moraliste juge et condamne moralement les Autres en s'appuyant uniquement sur des fictions ou des mensonges. Il en va ainsi, par exemple, de l'accusation très fructueuse d' « islamophobie », dont les censeurs ont toutefois peur de débattre sur le fond, car, au bout du compte, la religion, toutes les religions sans exception - monothéistes ou non -, devrait reconnaître ce qu'elle est réellement, à savoir une atteinte à LA Vérité éternelle absolue - sauf à quiconque, évidemment, à commencer par les soi-disant philosophes contemporains, de démontrer more geometrico une faille quelconque dans l'argumentation méthodique de la première partie de l'Éthique !

Or le « politiquement correct » ne parle pas de ce qui fâche, pas plus aujourd'hui qu'aux pires époques obscurantistes où les diseurs universels de LA Vérité en payaient le prix, de leur vie ou de leur bannissement,  et il préfère continuer à dissimuler LA Vérité comme en témoigne  la conspiration du silence des soi-disant « élites » d'aujourd'hui, dénoncées dans le document annexé, Mensonges et lâcheté des élites !

DUR, DUR, pourtant, en raison de la « nécessité » spinoziste, de faire coller la réalité du monde avec l'exigence de Vérité, puisque ceci demanderait de renoncer à vendre du rêve, de l'illusion, toutes ces belles promesses de liberté ou d'égalité absolue, ou idéale, étant toujours renvoyées à DEMAIN et seulement DEMAIN, à la saint Glinglin - sauf encore à vous-même ou à quiconque, évidemment, d'établir le contraire en m'indiquant le moyen de transposer l'Idéal dans le quotidien, autrement dit d'éradiquer, de manière universelle et définitive, les sempiternels maux de l'humanité, et d'instaurer, tout aussi définitivement et universellement : liberté idéale, égalité absolue, démocratie parfaite et paix éternelle. C'est tout autre chose que le strict respect du Droit, dans tous ses domaines, face à quoi les humains sont pourtant, et seront toujours, désarmés - sauf toujours à quiconque, évidemment, de démontrer le contraire ! Vous avez dit « monde parfait », « ordre juste », et autres fariboles ? !

Faute de jamais y parvenir, ainsi que les siècles et les millénaires à venir ne manqueront pas de le confirmer, le monde continuera donc à fonctionner - jusqu'à la fin des temps ! - sur des croyances superstitieuses, qui, comme il en va de tous les modes d'expression du penser superstitieux, reposent uniquement sur « l'absolutisation fictive du relatif ». Ce procédé intellectuellement malhonnête consiste à prendre, et à faire passer, pour absolu, pour réalité ou Vérité absolue, le contenu seulement « relatif » pensé dans et sur (à propos de) notre monde, à commencer par toutes les vérités relatives qui confortent des intérêts de toutes sortes, électoraux, financiers, etc.  - sauf, évidemment, à n'importe laquelle des prétendues « élites » dénoncées de démontrer le contraire, sans quoi elles continueront à colporter les mensonges et les « croyances au miracle » du monde, donc à tromper et à manipuler l'opinion !

Je me suis pourtant très souvent, et très longuement, expliqué sur LA Vérité éternelle et absolue pour montrer en quoi elle consiste - à savoir, notamment, son unicité et l'absence totale de contradictions et d'incohérence -, et pourquoi elle ne fait pas partie, et ne fera jamais partie, du monde de notre entendement pratique - celui qui nous sert à vivre et à nous orienter parmi les choses de notre univers - mais pas à philosopher !

Nous ne pouvons pas penser l'Absolu, et en conséquence dire LA Vérité absolue, avec notre appareillage sensoriel, et pas davantage avec notre penser des abstractions, ou ratio spinoziste, puisque TOUT est relatif dans notre monde, et RIEN n'est absolu, à commencer par ses soi-disant vérités forcément toujours relatives jusqu'à la fin des temps - y compris celles de la Science !

 Et c'est pourquoi je dénonce aussi le scientisme contemporain, à savoir la science « absolutisant » ses hypothèses et ses théories seulement relatives,  qui a néanmoins réussi à faire croire à la planète entière que, dans un monde où TOUT est en perpétuel mouvement, et donc en incessante transformation, les humains seraient capables de « stabiliser » quoi que ce soit - et notamment d'établir un « climat sur mesure » pour l'éternité ! Mais nous en reparlerons, le jour où Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Borloo, Nathalie Kosciusko-Morizet, Nicolas Hulot et Daniel Cohn-Bendit, entre autres, auront démontré la fausseté de cette certitude, c'est-à dire DEMAIN, toujours DEMAIN et seulement DEMAIN - d'ici-là, le monde continuera, dans sa folie douce, à « croire au miracle », et donc à faire la risée de nos plus ou moins lointains descendants, qui pourront juger sur pièce que leur climat est toujours aussi changeant, et leurs choses en perpétuel mouvement !

Si je n'ai pas mentionné Claude Allègre, grand pourfendeur de cette foutaise, au point de déclarer également : « La vérité officielle scientifique, ça n'existe pas ! », c'est parce que j'attends toujours sa réfutation, scientifiquement argumentée, à ma lettre du 25 décembre 2008. Mais le monde ne s'en agite pas moins sur cette chimère scientiste, cette « concrète utopie », comme disait l'autre à propos de la solution au problème de la faim dans le monde - DEMAIN, toujours DEMAIN et seulement DEMAIN, d'autant plus avec l'arrivée annoncée de deux milliards et demi d'humains supplémentaires dans les cinquante années à venir !

L' « absolutisation du relatif » conduit également à une imposture manifeste, lorsque certains s'autorisent, encore aujourd'hui comme aux pires époques obscurantistes, à juger et à condamner moralement les Autres au nom d'un Bien et d'un Mal prétendument, fictivement, mensongèrement, absolus, en décrétant, unilatéralement, ce qu'il est absolument bien ou mal, moralement parlant, de penser et de dire, mais sans jamais se soucier de LA Vérité, c'est-à-dire sans chercher à savoir ce qui est absolument vrai ou faux, philosophiquement parlant Et ainsi des contrevérités peuvent-elles perdurer, au fil des millénaires, comme il en va de la fable des bons et des mauvais sur laquelle continue de fonctionner la société humaine universelle, alors qu'elle fut pourtant dénoncée sans ambiguïté, voici bientôt deux mille ans, par l'un des grands diseurs universels de LA Vérité absolue, même si la foule superstitieuse a perverti sa Parole pour en faire le fondateur d'une religion qu'il n'a pas voulu créer - mais, c'est un autre débat contre la superstition religieuse !

Je maintiens néanmoins que rien n'est absolu dans notre monde, du moins jusqu'à démonstration contraire ; et donc par quel miracle le catéchisme prétendument planétaire serait-il l'expression de LA Vérité absolue davantage que n'importe quel autre mode d'emploi moral religieux ou idéologique ?. En conséquence, le monde continue à mentir en fonctionnant sur des bases superstitieuses, notamment idéologiques et moralistes, mais vous aurez sûrement mesuré, à la lumière de ce qui précède et sauf argumentation contraire intellectuellement et philosophiquement étayée, que l'idéologie et la politique, entre autre, ne pourront jamais dire la vérité, LA Vérité absolue, au-delà même des innombrables mensonges partisans et des infinies contradictions de la réalité quotidienne.

Vous l'avez  tellement mesuré, d'ailleurs, que le premier paragraphe de votre lettre du 23 novembre dernier témoigne de votre lucidité et de votre courage intellectuel pour reconnaître l'inanité des dogmes et des « croyances au miracle ». Hélas, le plus dur reste à faire, c'est-à-dire convaincre l'opinion, et surtout ceux de votre camp, voire de vos intellectuels, tout aussi crédules que le premier individu lambda, en dépit leur réputation philosophique - usurpée plus qu'avérée !

Et ce n'est pas le tout récent ultimatum de Martine Aubry vous demandant fermement de suivre la ligne de la direction ou de quitter le Parti socialiste qui fait avancer LA Vérité ! En effet, je tiens à votre disposition ma lettre du 4 octobre 2002, que je lui avais adressé suite à son article, «  Retrouver la gauche », paru dans le n°1997 du nouvel Observateur. Plus de dix ans après, la gauche en général, et le Parti socialiste en particulier, est toujours à parler de refonder, de reconstruire, etc., tandis que sœur Anne attend toujours, et ne voit rien venir en matière de projet unificateur. Jusqu'à preuve du contraire, deux années après l'élection présidentielle, heureusement qu'il y a Sarkozy pour aider la gauche à se retrouver  - alors, LA Vérité, vous pensez, chacun la sienne !


A SUIVRE... 


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