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Merci “la crise”?

Publié le 16 juillet 2009 par Jcvie

Alors que le monde focalise son attention sur la crise économique, il est important de s’interroger sur ses véritables causes et de définir les vraies responsabilités. L’exercice  pourrait être riche d’enseignements, notamment afin d’endiguer la crise environnementale d’une bien plus grande ampleur et qui frappe déjà des centaines de millions d’individus de part le monde.

Il existe des parallèles intéressants entre ces deux crises. Dans les deux cas nous en sommes les uniques responsables et ce sont les plus démunis qui sont frappés alors qu’ils n’ont joué qu’un rôle mineur ou inexistant dans sa création. Dans les deux cas, nombreux sont ceux qui ont alerté très tôt l’opinion publique et le monde politique, pour être ignorés ou même ridiculisés. Malheureusement à chaque fois tout est fait pour reculer l’échéance des changements qui doivent être apportés, quitte à pousser le système existant jusqu’à son point de rupture.

Les crises suivent souvent un parcours établi. D’abord, une phase de pré-crise au cours de laquelle les problèmes commencent à se matérialiser. En général aucune mesure concrète n’est prise pendant cette période. Le système est alors irrémédiablement conduit vers une période de crise proprement dite au cours de laquelle s’installe un équilibre instable entre le déni et la reconnaissance de l’état de crise.
Chaque système est par nature résistant au changement et cherche à mettre en place des éléments visant à sous-estimer  ou à nier la crise, généralement à travers des messages faussement rassurants ou des accusations de catastrophisme. On observe ce phénomène pour la crise économique que certains prétendent passagère, comme pour les problèmes environnementaux qu’une minorité considère exagérés voire inexistants, à l’image de Claude Allègre les qualifiant de « pleurnicheries écologiques ». Cette phase de déni est généralement entretenue par des individus dont le rôle est de défendre le statu quo en s’appuyant sur une vision à très court terme.

La crise environnementale se matérialise par les changements climatiques, la pollution, mais également, on l’oublie un peu, le déclin des innombrables formes de vie sur terre. Elle est malheureusement bien plus grave car la nature ne peut être renflouée comme une banque ou une entreprise.

Si la nature était considérée comme une entreprise, elle serait de loin la plus grande multinationale de la planète. Elle génère des biens et les services aussi divers et essentiels que la production de nourriture, de médicaments, de matériaux ou d’oxygène…, le stockage du carbone, la pollinisation de nos champs et vergers, la stabilisation et la fertilisation des sols, la purification de l’eau. Elle est à la base d’une économie touristique croissante et, d’une façon générale, participe à notre bien être quotidien. Une vaste étude est en cours pour tenter d’en estimer le montant dont on sait déjà qu’il dépasse de très loin celui de l’économie mondiale.

Au cours de centaines de millions d’années, la nature a expérimenté en permanence, trouvé des solutions complexes et innovantes que nous découvrons peu à peu et utilisons à notre profit. Certains organismes ont prospéré, d’autres n’ont pas su s’adapter et ont périclité. Elle est arrivée à un équilibre extrêmement complexe en traversant de multiples crises. La nature continue d’inspirer nombre d’innovations que nous nous approprions fièrement. Elle continuera à apporter des solutions à nombre de nos problèmes, y compris la crise économique actuelle, pour peu qu’on se donne la peine de lui accorder l’importance et l’attention qu’elle mérite.

Loin de moi l’intention de réduire la nature à son aspect purement utilitaire. Néanmoins si on poursuit la comparaison, on constate qu’elle a prospéré sans subvention, qu’elle a mis en place le plus vaste programme de recherche et développement dont on puisse rêver. Elle n’a besoin d’aucune intervention pour se rétablir pour peu qu’on lui laisse l’opportunité de prospérer. Et, sans le moindre budget publicitaire, rêve ultime de beaucoup de dirigeants d’entreprise, elle compte aujourd’hui plus de 6 milliards de clients dont la survie dépend de ses produits. Le problème vient-il donc du fait que ce qu’elle produit est gratuit ou du moins considéré comme tel ? Doit-on mettre un prix sur la nature pour en reconnaître son importance ?

Aujourd’hui on perçoit des frémissements dans l’opinion, une prise de conscience qui a certes été encouragée par le Grenelle de l’environnement mais surtout par des décennies de travail d’individus et d’ONGs visionnaires. Il y a encore quinze ans, évoquer la protection de l’environnement vous faisait passer pour un illuminé, un misanthrope, un doux rêveur ou un empêcheur de tourner en rond. Aujourd’hui un film sur la planète attire plus de 9 millions de spectateurs en France et les élections européennes plébiscitent les écologistes. Les choses ont bien changé mais la prise de conscience tarde encore à se traduire en actions concrètes d’envergure. L’environnement est à la mode et devient même un atout politique que nos gouvernants pourraient utiliser davantage. Mais on ne touche encore que la surface des problèmes à résoudre. Certains sujets restent tabous, à l’image de la croissance économique ou l’augmentation de la population humaine, toujours présentées comme des nécessités. Tout est fait pour maintenir coûte que coûte le système actuel. Peut-être par manque d’alternative, mais bien davantage par manque d’imagination et d’ambition.

Les changements climatiques vont modifier très profondément et surtout très rapidement les écosystèmes qui assurent notre bien-être et notre survie en tant qu’espèce. Il faut donc un changement de cap très sérieux dans nos méthodes de productions et nos habitudes de consommation.
La crise économique et financière a un impact majeur sur nombre d’entre nous et il est donc délicat d’y voir des aspects positifs. Pourtant, l’augmentation récente du prix du pétrole a engendré une diminution de la consommation dont on ne peut que se réjouir, en espérant que cette baisse se poursuive. La crise du secteur automobile va peut-être enfin pousser les constructeurs à changer leurs pratiques pour développer des moyens de transport plus responsables. Mais plus important, la crise économique constitue une occasion unique de s’interroger sur l’ampleur du gaspillage de nos ressources ou sur ce qui contribue au bien-être de chacun. Il y a urgence à redéfinir notre rapport avec la consommation de biens matériels et, surtout, avec la nature.  Peut-être va-t-on redécouvrir l’évidence : ce qui est bon pour l’environnement l’est aussi pour notre propre bien-être et notre porte-monnaie.

La nature possède une certaine tolérance aux perturbations et une grande capacité de résilience. Il ne s’agit donc pas de cesser toutes nos activités mais seulement de s’affranchir de certaines habitudes et convenances sociales liées à la consommation de biens matériels. Il existe bien souvent une alternative qui n’engendre que peu de contraintes et devient rapidement un réflexe naturel. Il est important aujourd’hui de revendiquer avec fierté sa préoccupation pour l’environnement en affichant ainsi des valeurs de respect, solidarité et d’humanisme.


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