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La sensation de luxe : qualité essentielle des produits de marques de prestige

Publié le 17 juillet 2009 par Gerardhaas

lingerie2En 2000, DIOR a conclu avec la société SIL un contrat de licence de marque pour la fabrication et la distribution de produits de prestige de corsetterie sous la marque Christian Dior, dont Dior est titulaire.

Une clause de ce contrat prévoyait expressément que « afin de préserver la notoriété et le prestige de la marque, le licencié s’engage à ne pas vendre à des grossistes, collectivités, soldeurs, sociétés de vente par correspondance, par le système du porte à porte ou de vente en appartement sauf accord préalable écrit du concédant, et devra prendre toute disposition pour faire respecter cette règle par ses distributeurs ou détaillants ».

En 2002, devant faire face à des difficultés économiques, SIL a demandé à DIOR l’autorisation de commercialiser les produits de corsetterie en dehors de son réseau de distribution sélective. Malgré le refus de DIOR, SIL a vendu les produits marqués Christian Dior à un soldeur.

DIOR a donc assigné SIL et le soldeur en contrefaçon de marque, mais fut déboutée de son action par le TGI de Bobigny puis par la Cour d’appel de Paris qui considèrent que la violation de la clause susvisée n’engageait que la seule responsabilité contractuelle de SIL. En revanche, la Cour d’appel de Paris a considéré que les ventes effectuées par SIL au soldeur n’avaient pas emporté l’épuisement des droits de marque de Dior.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de Cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser des questions préjudicielles à la Cour.

En substance, la première question consiste à savoir si une clause d’un contrat de licence interdisant au licencié pour des raisons de prestige de la marque, de vendre à des soldeurs des produits revêtus de la marque objet du contrat relève de l’article 8§2 de la Directive communautaire 89/104/CEE.

Pour mémoire l’article 8 de la dite Directive est ainsi rédigé :

« 1. La marque peut faire l’objet de licences pour toute ou partie des produits et services pour lesquels elle est enregistrée et pour tout ou partie du territoire d’un Etat membre. (…)

2. Le titulaire de la marque peut invoquer les droits conférés par cette marque à l’encontre d’un licencié qui enfreint l’une des clauses du contrat de licence, en ce qui concerne sa durée, la forme couverte par l’enregistrement sous laquelle la marque peut être utilisée, la nature des produits et services pour lesquels la licence est octroyée, le territoire sur lequel la marque peut être apposée ou la qualité des produits fabriqués ou des services fournis par le licencié « .

La liste des clauses figurant à l’article 8§2 susmentionné étant limitative, il convient de déterminer si la clause visant à interdire au licencié, pour des raisons de prestige de la marque, de vendre à des soldeurs des produits revêtus de la marque objet du contrat relève des clauses relatives à « la qualité des produits fabriqués ou des services fournis par le licencié ».

La CJCE répond par l’affirmative, considérant que la qualité des produits de prestige « résulte non pas uniquement de leurs caractéristiques matérielles, mais également de l’allure et de l’image qui leur confèrent une sensation de luxe ».

Dès lors la sensation de luxe qui émane de ces produits haut de gamme constitue un élément essentiel qui permet aux consommateurs de les distinguer d’autres produits semblables.

En conséquence, l’atteinte portée à cette sensation de luxe est susceptible d’affecter la qualité même de ces produits. En l’espèce, si elle ne tranche pas le litige (car ce n’est pas son rôle), la CJCE tend à considérer que la vente par le licencié de produits de luxe à des soldeurs ne faisant pas partie du réseau de distribution sélective mis en place par Dior, alors que ce réseau a notamment pour vocation de préserver et de valoriser la qualité des produits, affecte ladite sensation de luxe et par là même la qualité des produits.

C’est pourquoi, la violation d’une telle clause est susceptible d’engager la responsabilité du licencié non seulement sur le terrain contractuel, mais également sur le terrain de la contrefaçon de marque.

Concernant la question de l’épuisement des droits, la CJCE rappelle que si la vente des produits est intervenue en violation d’une clause telle que prévue à l’article 8§2 de la Directive, celle-ci est réputée faite sans le consentement du titulaire de la marque qui conserve ainsi son droit d’interdire la commercialisation des produits sous cette marque. La Cour précise que, même si l’on considère que le titulaire de la marque a donné son consentement, il n’y aura pas épuisement des droits dès lors que ce dernier démontrera que la commercialisation ultérieure des produits par la soldeur porte atteinte à la renommée de sa marque.

Cet arrêt renforce les droits des titulaires de marques de luxe qui se voient dotés d’une nouvelle jurisprudence de poids pour défendre activement leurs actifs incorporels contre les atteintes de toutes sortes dont elles sont quotidiennement victimes, notamment sur le Web…

Que les consommateurs moyens se le disent : le luxe doit rester pour eux une image (presque) hors de portée…


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