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Les larmes de Paolo

Publié le 02 octobre 2007 par Philostrate
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   Paolo Bettini est un grand coureur. Il l'a encore prouvé dimanche en conservant le maillot arc-en-ciel de champion du monde cycliste à Stuttgart. Sur ce circuit, où durant la semaine précédant la course tout a été fait pour le rendre persona non grata, le champion italien a remporté bien plus qu'une victoire. Il a démontré par sa hargne et sa force morale que le peloton n'était pas qu'un troupeau de moutons destiné à être conduit à l'abattoir sans regimber.

   Les Etats-Unis ont eu après-guerre leur sénateur Mac Carthy, animateur d'une commission des affaires anti-américaines de triste mémoire. Le vélo a désormais ses inquisiteurs, prêts à tout pour jouer les Torquemada de la traque antidopage. La semaine dernière, Susanne Eisenmann, présidente du comité d'organisation des championnats du monde en Allemagne, s'est soudain imaginée en passionaria de la Reconquista. Avec ses ailes blanches dans le dos, elle fut la première à tomber sur le rable "d'il diavolo" Paolo Bettini, s'appuyant sur les propos d'un pseudo-repenti teuton chargeant opportunément l'Italien, pour demander à l'UCI d'interdire sans autre forme de procès au champion du monde de défendre son titre à Stuttgart.

   Sans contrôle positif, sans autre preuve que la parole d'un homme prêt à tout pour sauver sa carrière… : nos zélotes ne s'attachent pas à ce genre de détails. Pas de présomption d'innocence devant les tribunaux d'exception antidopage. On y juge à l'emporte-pièce, sur la sale gueule supposée du client. Outre-Rhin, le drame était évidemment mis en musique par la ZDF, qui avait déjà théâtralement mis en scène sa sortie du Tour de France et dont on se demande si le jour venu elle sera aussi incisive avec les gloires du Fussball, qui, on le sait depuis Beckenbauer ou Schumacher, ne tournent qu'à l'eau claire ! Bref, comme de coutume lorsqu'il s'agit de cyclisme, qui pour ne pas avoir l'apanage du dopage organisé ne lui doit pas moins l'essentiel de l'intérêt médiatique, l'affaire tournait à l'hystérie.

   Heureusement pour le droit, l'UCI ne cédait pas aux oukases de l'inquisitrice de Stuttgart. Pat Mac Quaid bottait en touche, non sans rappeler perfidement que Bettini s'était distingué en refusant de signer la totalité de sa "lettre d'engagement pour un nouveau cyclisme", ces dix commandements du coureur en sursis. "Je donnerai mon ADN pour prouver ma non-culpabilité", faute de pouvoir être présumé innocent…"Je vous laisse en gage mon numéro de carte bleue, l'adresse de l'école de mes enfants et mes bijoux de famille", si d'aventure je m'égarais sur les chemins de la perdition… "Je m'engage à porter un bracelet électronique et un signe distinctif sur mes vêtements", afin que, en toutes circonstances, la plèbe sache que le cyclisme est mon métier et que chacun puisse en connaissance de cause épier le moindre de mes faits et gestes. J'exagère un peu, mais on connaît plus d'un pédophile ou d'un terroriste en puissance qui ne bénéficient pas d'un tel traitement !

   Mais, en dépit de tout, Paolo a gagné et ses larmes à l'arrivée étaient autant de rage que d'émotion. Tant que sa culpabilité n'a pas été prouvée, il demeure un grand champion. De la trempe de ceux que même les campagnes de presse ou les lourds nuages noirs de la controverse n'arrivent pas à faire baisser la tête. Les coureurs cyclistes ont aussi le droit au bénéfice du doute. Du moins tant qu'ils n'ont pas des pieds de bouc, une queue fourchue et des cornes sur la tête…

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