Un article récent du Devoir portant sur le livre de Marylène Patou-Mathis (Mangeurs de viande) affirme que la consommation de viande notamment lors de la préhistoire a été non seulement nécessaire à notre équilibre en tant qu’humain. L’auteure va même jusqu’à nous présenter la viande comme un retour inévitable au fondement de l’humanité. Et tant pis pour les 500 millions de végétariens du monde qui, suivant cette logique implacable ne font donc pas partie de l’humanité!
Il faut distinguer trois choses. Il faut reconnaître que la viande a peut-être joué un rôle essentiel dans la préhistoire en étant une source de protéine parfois non-disponible d’une autre manière. Et, dans ce contexte, le travail de Marylène Patou-Mathis est intéressant d’un point de vue académique. Cependant, il faut aussi reconnaître qu’extrapoler la situation de la préhistoire à notre contexte actuel n’est pas sans problème épistémologique, éthique et politique comme le souligne notamment et d’une manière brillante Valérie Giroux dans sa réponse. La consommation absolue de viande sur la planète et la consommation per capita est en augmentation. Il est donc simplement faux (irresponsable) de vouloir encourager encore plus la consommation de viande!… Le végétarianisme est encore loin d’être la norme et encore moins une menace aux mangeurs de viande!… Tirer sur un homme de paille (végétariens) comme le fait Marylène Patou-Mathis est plutôt révélateur d’une angoisse de fin de siècle. Imaginez que des scientifiques de la préhistoire découvrent que le viol était monnaie courante durant cette période et que le viol aurait eu une fonction sociale « positive » quelconque au développement de l’humanité. Qui oserait aujourd’hui extrapoler ce fait à notre situation actuelle en disant qu’il faut encourage le viol comme étant une pratique exprimant notre humanité! Imaginez le scandale!
Mais, aussi d’un point de vue environnemental, il faut reconnaître que les défis écologiques planétaires sont tellement sévères qu’il faut réviser rapidement tous les aspects de notre vie, nos modèles économiques non-durables incluant nos façons de nous nourrir. La surconsommation de viande encourage un trafic mondial des protéines en transformant à perte les protéines végétales en protéines animales, en encourageant la déforestation en Amérique latine pour nourrir le bétail en Europe, tout en contribuant d’une manière significative les émissions des gaz à effet de serre comme le confirme le rapport de Greenpeace Cool Farming.
L’alimentation animale est responsable de 37 % de tous les GES du secteur agricole mondial. En diminuant notre consommation de viande, une seule personne réduit de 1,5 tonne par année ses émissions personnelles de gaz à effet de serre.
Rappelons que le bétail destiné à la consommation humaine nécessite d’incroyables quantités de grains pour être engraissé et sans parler du pétrole. Selon la Worldwatch Institute, il serait possible de nourrir presque 5 fois la population planétaire avec la quantité totale de soya et de grains servant à nourrir le bétail annuellement aux États-Unis. Le lien entre les pénuries de nourriture dans le monde et la consommation de viande apparaît comme plus qu’évident, tout comme celui entre les changements climatiques et les troupeaux élevages. Pour loger tout ce bétail, on est forcé de détruire la forêt. Déjà, 30 % de la surface terrestre est occupée par ces pâturages et les terres arables sur lesquels ont fait pousser les céréales servant à nourrir ces animaux. Une partie de ces terres pourraient être remplacées par des champs de soya, de lentilles, etc., et servir à nourrir directement la population.
Selon madame Patou-Mathis, la viande serait à la source de l’apparition des structures sociétales basées sur la coopération. Les sociétés traditionnelles sont effectivement caractérisées par une division du travail au sein du processus social. Cependant, la viande est loin d’être le seul moteur de cette socialisation de l’Homme (de l’humain peut-être!). C’est aussi selon la logique de division du travail qu’a fonctionné le système agraire. Système qui est par ailleurs tout aussi contestable. Nos méthodes sont encore une fois destructrices. Par contre, nos pratiques agricoles modifiées, l’agriculture pourrait contribuer à la lutte aux changements climatiques. Pour en savoir plus sur la façon dont l’agriculture peut contribuer à la lutte aux changements climatiques, consultez le rapport de Greenpeace Cool Farming.