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Eric Besson fait des concessions sur le «délit de solidarité»

Publié le 18 juillet 2009 par Kak94

Ce vendredi, le ministre de l'Immigration a rassemblé 24 associations humanitaires venant en aide aux sans-papiers. La brûlante question du «délit de solidarité» était à l'ordre du jour.

DELPHINE LEGOUTÉ

Eric Besson, ministre de l'immigration, le 31 mai 2009.

Eric Besson, ministre de l'immigration, le 31 mai 2009. (Miguel Medina)

Eric Besson le dit et le répète: «Non, le délit de solidarité n'existe pas.» Ce vendredi, il a pourtant accepté d'en discuter avec les représentants de 24 associations humanitaires, parmi lesquelles la Cimade, Emmaüs ou encore Terre d'Asile. Démarche intéressante de la part du ministre de l'Immigration qui continue, malgré ses concessions, à nier à corps et à cri l'existence de ce délit.

La polémique concerne l'article L622-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers, en vertu duquel « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 Euros ». Selon Eric Besson, cet article s'adresse uniquement aux personnes participant activement aux filières d'immigration clandestine. Il ne vise donc nullement les militants associatifs ou les citoyens lambda qui voudraient aider un sans-papiers en situation de détresse.

Dans les textes, le ministre n'a pas tort. L'article L622-4 vient préciser le L622-1 et assure que «face à un danger actuel ou imminent», toute personne physique ou morale est en droit d'agir. Il faut, dans ce cas, que son acte soit «nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger». Autrement dit, un individu peut aider un sans-papiers en toute liberté ... si celui-ci est en danger de mort.

Des bénévoles régulièrement contrôlés

Dans les faits, la loi ne permet pas de protéger les citoyens venant en aide à des sans-papiers, dont les membres d'associations humanitaires. Selon le président d'Emmaüs, Christophe Deltombe, ces derniers «sont très régulièrement convoqués par la police» et vivent dans un climat de crainte. «En l'espace de deux mois, une quinzaine de responsables de structures Emmaüs ont subi des interrogatoires» précise-t-il.

Une situation pourtant niée par Eric Besson qui soutient qu'«aucun aidant n'a jamais été inquiété». La liste des «aidants» condamnés, publiée par le Groupe d'Information et de Soutien des Immigrés (Gisti), ne l'a pas fait revenir sur ses déclarations. Le cas de Salimou Fofana non plus, pourtant jugé le 17 juin pour «pour avoir, à Rodez, le 3 février, par aide directe ou indirecte, en l’espèce en hébergeant, nourrissant et conservant des documents personnels et administratifs, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation, ou le séjour irrégulier en France de Namingui Baya, étranger».

Les 3 propositions d'Eric Besson

Face à ces incohérences, et afin d'apaiser le sentiment de «pression policière», Eric Besson a finalement accepté de revenir sur les articles contestés. Ce vendredi midi, il a ainsi promis aux associations présentes de «compléter l'article 622-4 afin de protéger les actes humanitaires. Concrètement, les «travailleurs sociaux et médico-sociaux» devraient être exemptés de pousuite en cas d'aide aux sans-papiers dans le cadre de leur mission.

Le ministre de l'Immigration a également annoncé qu'il souhaitait «préparer une circulaire qui encadrera les conditions d'intervention des forces de l'ordre». Certains lieux, comme les écoles et les préfectures, sont en effet censés être exclus des contrôles de police et de gendarmerie. Cette circulaire devrait préciser et allonger la liste. Enfin, un «guide des bonnes pratiques» censé marquer la frontière entre aide humanitaire et aide à la filière clandestine devrait être élaboré et distribué aux bénévoles.

«C'est la reconnaissance du délit de solidarité»

Du côté des associations, le bilan est globalement positif. «Pour nous, cette réunion est la reconnaissance pure et simple de l'existence du délit de solidarité, s'est félicité le président d'Emmaüs France. Dès lors qu'il était possible d'engager des poursuites, et même si elles n'aboutissaient pas, cet article était une menace pour nos actions». L'article 622-4 n'est pourtant que la partie visible de l'iceberg et l'inquiétude persiste: «Le ministre n'a pas inclu le terme de "bénévole". Il n'a parlé que des travailleurs sociaux et médico sociaux, or nos structures vont bien au delà de ça et les salariés ne doivent pas être les seuls protégés».

Toujours très virulent dans sa lutte contre le «délit de solidarité», le Gisti a préféré décliner l'invitation du ministre. «Nous voulons l'abrogation pure et simple de l'article 622-1 et non une simple modification, a-t-il déclaré. De plus la circulaire ne nous intéresse pas car elle n'a pas valeur de loi». Pour tous les autres, trois groupes de travail devraient être organisés «le plus rapidement possible» afin de plancher sur les trois positions du ministre.

source :  http://www.liberation.fr/societe/0101580383-eric-besson-fait-des-concessions-sur-le-delit-de-solidarite



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