Cette semaine de fête nationale a été une illustration parfaite de l'état de délabrement démocratique de la monocratie française: l'occasion pour notre monarque élu de flatter nos armées et d'offrir un concert à son bon peuple. L'occasion aussi pour certains médias de faire un peu de "lèche-majesté".
Chômeurs aussi le dimanche ?
Mercredi 15 juillet, la loi sur le travail dominical a été adoptée par l'Assemblée Nationale dans l'après midi. Quelques 68 récalcitrants de l'UMP et du Nouveau Centre ont refusé de voter en faveur du texte. D'aucuns le qualifient d'usine à gaz. La loi, qui reste à être validée par le Sénat puis, sans doute, par le Conseil Constitutionnel, prévoit donc deux catégories de zones : les communes touristiques, dans lesquelles tous les commerces pourront ouvrir le dimanche, ans contrepartie légale pour les salariés. Et les "PUCES", des "périmètres d'usage de consommation exceptionnel", dans lesquels les salariés devront être volontaires ET rémunérés à double tarif par rapport à un jour de semaine. Deux poids, deux mesures. A Périgueux, certains ont la gueule de bois. Xavier Darcos, alors maire, avait obtenu en 2007 le statut de commune touristique. Aujourd'hui, la ville découvre les dégats. Le président d'une association de commerçants dénonce l'imposture : "Ouvrir les grandes surfaces le dimanche, ce serait transformer le commerce du centre-ville en musée."
Avant ce vote, les députés avaient pris soin de préserver leur week-end de 4 jours, à l'occasion du 14 juillet. Le spectacle en valait la chandelle. Cette loi n'est qu'une diversion, certes pénible, un simple symbole que le Monarque souhaite jeter en pâture à l'opinion pour prouver son engagement en faveur du travail.
La presse-godillot
Fête nationale oblige, l'über-président a eu droit aux faveurs des médias cette semaine. On se serait cru sous l'ORTF ou dans une ex-république soviétique: lundi soir, France 5 diffusait un portrait documentaire servile. Ses deux journalistes-godillots, Christian Malard et Bernard Vaillot ont accumulé les témoignages flatteurs à l'égard du Monarque (à l'exception d'un éditorialiste du Herald Tribune interrogé une poignée de secondes), occulté les sujets qui fâchent (comme l'insécurité, l'immigration ou le "travailler plus"), carressé l'ego du monarque en lui souhaitant un second mandat. Les questions sont complaisantes à souhait: "D'où vous vient cette énergie permanente ?" Nicolas II ne craint plus la critique. Elle a disparu. Quand ces deux (laquais) auteurs abordent le Pakistan, à propos de la prolifération nucléaire, pas une question dérangeante sur cette histoire de commissions occultes supposées perçues par le camp Balladurien pour la campagne présidentielle de 1995. Quand ils rappellent la présence de Sarkozy aux obsèques de Bongo, ils oublient les sifflets de la foule. Triste symbole, pour un entretien d'à peine trente minutes avec Sarkozy, et de surcroît enregistré, Christian Malard avait une oreillette bien apparente. Craignait-il d'oublier les consignes ? Même le Figaro s'est offusqué d'une telle complaisance !
Le lendemain, TF1 servait également le couvert: Jean-Claude Narcy visitait l'Elysée en compagnie de Carla Bruni-Sarkozy. Retransmise en direct par les chaînes d'information, la Garden Party fut "sobre". Après les fastes de l'année précédente, à peine 5000 convives, dont 250 journalistes, ont été invités. Un journaliste de BFM-TV eut l'outre-cuidance de souligner que les buffets étaient quand même "très bien garnis." Dans la soirée, Nicolas Sarkozy a eu les honneurs de France 2. A nouveau, on ne dérange pas le monarque. Il parle armée et fierté nationale, devant Michel Drucker dans le cadre de l'émission "Voyage au cœur de l'armée de Terre". La saga continue.
Nicolas II, chef des armées
Mardi, les hélicoptères français ont survolé les Champs-Elysées au son de la «Chevauchée des Walkyries» de Richard Wagner, un clin d'oeil au film "Apocalypse Now". Avec l'Afghanistan, Nicolas Sarkozy a-t-il trouvé son Vietnam ? Un peu plus tard, en direct de l'Elysée, Nicolas Sarkozy prend l'air sérieux pour expliquer d'une phrase qu'"Il y aura moins d'hommes mais mieux armés." La Grande Muette avait dû accepter une réduction de 54 000 postes d'ici 2012, et une réforme de la carte militaire avec la création de 70 bases militaires inter-armées. Et le chef d'état-major de l'Armée de terre avait dû démissionner après les accusations d'amateurisme proférées par Sarkozy suite au drame de Carcassonne (où un soldat du 3e régiment parachutiste d'infanterie de marine avait blessé par erreur 17 civils lors d'une démonstration). Aujourd'hui, le temps est à l'apaisement. "Les Français doivent savoir qu'ils sont en sécurité parce que nous avons une des meilleures armées du monde" rappelle Nicolas Sarkozy.
L'armée est effectivement soutenue. Bientôt, elle n'aura vraiment rien à craindre pour ses secrets, qui sont souvent également ceux des classes dirigeantes du moment. Les nouvelles dispositions de la loi de programmation militaire 2009-2014 sur le secret défense, examinées cette semaine au Sénat, lui garantissent une belle protection: les magistrats trop curieux devront demander l'autorisation au Parquet pour perquisitionner tout lieu sensible "abritant un secret de la Défense Nationale". Ainsi, concernant l'affaire du "Karachigate", Hervé Morin a promis aux juges d'instruction d'ouvrir l'accès aux archives de la Défense ... en septembre prochain. D'après Rue89, les cabinets ministériels sont pris d'une soudaine frénésie de rangement. Surpris ?
Les fastes du Monarque
On ne saura que plus tard, bien plus tard, combien a vraiment coûté l'obscène concert de Johnny Halliday aux pieds de la Tour Eiffel mardi 14 juillet. La presse fait état de quelques 1,9 millions d'euros, sans compter les 600 000 euros de rénovation des pelouses. Le contribuable est là pour payer ce concert "gratuit" offert à 700 000 franciliens. Question argent, l'Elysée n'est pas très regardant. La Cour des Comptes vient de livrer son premier rapport sur les dépenses du monarque. Rendons à César ce qui est à Nicolas. C'est la première fois qu'un tel exercice est rendu possible. Les conclusions de l'analyse de l'exercice 2008 ne sont pas fameuses: frais de voyages excessifs, absence d'appel d'offres, frais d'études inutiles, etc... Citons quelques exemples : Nicolas Sarkozy et ses proches nous ont expliqué combien le Monarque prenait soin de se déplacer en vols réguliers pour ses voyages privés, comme ce week-end à New York. Ces déplacements sont fréquents. Sarkozy, rappelons-le, prend beaucoup de vacances aux quatre coins du globe. Mais la Cour des Comptes nous confirme enfin ce que nous savions déjà: à chaque fois, le président est suivi par une équipe de sécurité dont le transport parallèle annule complètement le bénéfice d'un vol civil. Samedi dernier, Nicolas Sarkozy a à nouveau (ab)usé d'un jet présidentiel pour faire un saut à Royan. Deux heures sur place pour un dîner familial, un aller et retour aux frais de la République. Jeudi soir, il s'envolait pour New York, un voyage privé pour Carla qui participe à un concert en l'honneur de Nelson Mandela samedi soir. L'Elysée n'est pas non plus très regardante sur les procédures d'appel d'offre. Rares sont ses fournisseurs mis en concurrence. Même pour un évènement ponctuel comme la Garden Party du 14 juillet 2008, les services de la Présidence ont réussi le tour de force de retenir le prestataire historique... qui était aussi le plus cher !
La vraie révélation de ce rapport est ailleurs: un heureux cabinet d'étude, dont l'identité n'est pas révélée par le rapport, s'est vu octroyé, sans appel d'offre, une prestation de conseil de 1,5 millions d'euros. Sa convention signée avec l'Elysée tient en une page, et la mission est très succinctement rédigée: il "sera chargé de juger de l'opportunité, dans le temps et dans les thèmes, des sondages ou études d'opinion dont il confiera l'execution aux instituts spécialisés de son choix, sur la base d'une facturation ponctuelle incluant la rémunération par (ledit cabinet) de ses sous-traitants techniques." (cf. page 11 du rapport). En 2008, quelques 392 000 euros ont ete facturés pour des sondages finalement librement consultables dans la presse et réalisé par l'institut OpinionWay. Et d'autres études ont également fait l'objet de publications partielles dans la presse. En résumé, on apprend donc simplement que l'Elysée, de façon anonyme, (1) finance et (2) manipule des sondages relayés ensuite par les médias (Figaro, LCI, etc). OpinionWay, directement visé par les accusations de la Cour des Comptes, nie tout financement de l'Elysée. La société des rédacteurs du Figaro se rebelle, et réclame à son patron de sénateur UMP de "mettre immédiatement un terme" à la publication dans le quotidien de sondages Opinion Way. Marianne2 suggère une hypothèse sur l'identité du sulfureux conseiller de l'ombre: Patrick Buisson, ex-directeur de la chaîne Histoire, reconnu par Nicolas Sarkozy comme l'un de ses proches conseillers d'opinion il y a deux ans déjà. La monocratie est en marche !
La réalité est donc moins rose pour qui s'y intéresse vraiment. Certains lèchent, sans vergogne. D'autres lèsent, sans souci.
Ami sarkozyste, où es-tu ?
Nicolas, lui, est parti avec Carla. A New York, pour un long week-end de 4 jours. Il paraît qu'il travaille.&alt;=rss