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Crise financière: le bilan accablant de l'UE

Publié le 21 juillet 2009 par Anakyne

Après les banques allemandes, les banques britanniques. La direction de la Concurrence de la Commission européenne poursuit sa croisade pour rétablir, selon les critères bruxellois, une saine compétition entre les établissements bancaires qui ont reçu des aides d'Etat.

En Allemagne, la Commerzbank et WestLB ont été contraintes de réduire de 50% la taille de leur bilan. Neelie Kroes, la commissaire à la Concurrence, veut désormais remettre de l'ordre au Royaume-Uni. Elle a prévenu le gouvernement britannique lors d'une conférence à Londres au début du mois de juillet que la Commission allait demander à des banques de vendre certaines activités en contrepartie des aides d'Etat massives dont elles ont bénéficié.

Neelie Kroes n'a pas cité d'établissement mais tous les regards se sont tournés en priorité vers Lloyds Banking Group et Royal Bank of Scotland (RBS) détenues respectivement à 43% et à 70% par l'Etat. Pour les mettre à l'abri d'une faillite certaine, le gouvernement a injecté 40 milliards de livres (47 milliards d'euros) de fonds publics dans les deux établissements.

La Commission ne sait toujours pas gérer la crise

Une chose est sûre en cette époque incertaine, Neelie Kroes ne faiblira pas sur ses exigences. Mais on est en droit de se demander si, en Europe, la priorité absolue est d'éviter les distorsions de concurrence dans le secteur financier alors que dans de nombreux pays de l'Union européenne les systèmes bancaires évoluent encore dans un amas de ruines.

Ne serait-il pas plus sage d'attendre que les banques européennes se soient fortifiées avant de leur imposer des cessions d'actifs? Et surtout n'est-ce pas s'attaquer aux problèmes à régler dans le désordre alors que l'urgence est de définir un nouveau cadre de régulation financière capable d'éviter les débordements qui ont conduit à une crise systémique?

Les initiatives à contretemps de Neelie Kroes à l'égard des banques illustrent s'il en était encore besoin à quel point la Commission européenne n'a pas su gérer la crise financière et tarde à en tirer les conséquences. De quoi donner à réfléchir aux nouveaux commissaires qui seront nommés par le président de la Commission européenne une fois qu'il aura été élu par le Parlement européen au mois de septembre. Si José Manuel Barroso se succède à lui-même à la tête de la Commission, mieux vaut espérer qu'il dispose d'une feuille de route précise qui l'oblige à jouer un rôle efficace sur la scène financière. Or à ce jour le bilan de l'exécutif bruxellois est moins que satisfaisant.

Comme tous les gouvernements, la Commission n'a rien vu venir de la crise financière, mais elle a contribué à son avènement. Depuis sa nomination au poste de Commissaire au Marché intérieur en 2004, l'irlandais Charlie McCreevy ne jure que par la dérégulation, tout comme son prédécesseur néerlandais Frits Bolkenstein. Il n'y a pas encore si longtemps, McCreevy estimait que les hedge funds tout comme les fonds de capital-investissement, très utiles aux marchés financiers, n'avaient pas besoin d'être réglementés. Il a été contraint depuis de réviser son jugement sur les hedge funds, mais en traînant les pieds.

Une Commission trop relax

D'une manière générale, le développement de tous les produits toxiques qui ont failli faire sauter le système bancaire mondial n'a jamais inquiété la Commission. Il ne fallait pas porter atteinte à la libre circulation des capitaux. En août 2007, lorsque la crise a fait sortir de leur torpeur estivale les gouverneurs de banques centrales, les gouvernements et les dirigeants de banque, la Commission européenne et ses représentants ont brillé par leur absence de réaction et de propositions pour sortir de l'impasse.

Il a fallu attendre l'automne 2008, après un an de crise et la faillite de la banque d'investissement américaine Lehman Brothers pour que José Manuel Barroso demande à l'ancien gouverneur de la Banque de France, Jacques de Larosière, de lui remettre des propositions pour améliorer la régulation des activités financières. Le rapport a été remis en février dernier et depuis les 27 pays membres de l'UE ont adopté les recommandations de Jacques de Larosière. Reste à les mettre en musique.

Mais beaucoup de dossiers majeurs ne sont pas encore bouclés: le projet de directive sur les hedge funds suscite beaucoup de critiques, les propositions de réglementation et d'organisation du marché des produits dérivés s'inspirent du schéma américain, les nouvelles normes de besoins des banques en fonds propres, les tests de résistance des banques européennes à la crise, la réforme des règles comptables qui ont accru les effets de la crise...

Lagarde contre Bruxelles

La Commission de Bruxelles avance à un tel pas de sénateur que certains représentants des gouvernements européens n'hésitent pas à monter au créneau pour demander à la Commission de faire diligence. En France, la ministre de l'Economie Christine Lagarde est de ceux-là. Lors du forum Paris Europlace au début du mois de juillet, Christine Lagarde a enfoncé le clou dans une intervention retransmise par vidéo. Elle a martelé que l'Europe devait se lancer dans des réformes législatives ambitieuses pour renforcer la sécurité des épargnants, des investisseurs et du système financier. Elle s'est déclarée peu satisfaite du projet de régulation des hedge funds qui permet à des fonds domiciliés dans des paradis fiscaux d'être enregistrés en Europe. Elle a par la même occasion estimé que la directive sur les marchés d'instruments financiers (MIF) dont l'application doit faire l'objet d'un premier bilan l'année prochaine soit révisée car elle a laissé se développer des plates-formes de transactions de titres financiers opaques.

Les dossiers à régler sur le plan financier ne manquent donc pas à la Commission européenne. Si elle se fixait comme objectif de définir un cadre réglementaire contraignant et transparent pour la sphère financière, d'harmoniser les plans de sauvetages des banques et d'attendre le retour à meilleure fortune des banques avant de les contraindre à appliquer les règles de la concurrence bruxelloise, la Commission européenne ferait un grand pas en avant. Le temps presse.

Dominique Mariette


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