

En 1865, Édouard Laboulaye pense le premier à offrir une statue aux Etats-Unis pour fêter le centenaire de l’indépendance, le 4 juillet 1876. Le projet réunit deux idées : affirmer la République en France, après la déliquescence du second empire et la menace du retour à la Monarchie. Aux Etats-Unis, ressouder l’union nationale ébranlée par la guerre de Sécession, l’immigration, l’urbanisation et l’industrialisation. Laboulaye en parle à son ami Bartholdi, qui s’enthousiasme aussitôt. Et quand il s’entiche de ce projet, ce n’est pas pour jouer : «Je lutterai pour la liberté, j'en appellerai aux peuples libres. Je tâcherai de glorifier la république là-bas, en attendant que je la retrouve un jour chez nous».



J’en arrive à la statue elle-même. D’abord, qui a servi de modèle ? On est encore réduit aux conjectures, Bartholdi ayant été muet comme un fossile de carpe sur le sujet :

- Jeanne-Emilie Baheux de Puysieux. Il s’est marié en décembre 1876 avec cette modiste qui s’est rajeunie de 13 ans pour lui plaire et s’est inventée une généalogie aristocratique. Charlotte ne la porte pas dans son cœur.
- Isabella Eugenie Boyer (ci-contre), née à Paris en 1841, épouse de l'inventeur milliardaire de la machine à coudre, Isaac Singer (ça vaut un camembert au trivial pursuit),
- une jeune fille juchée sur une barricade et tenant une torche, au lendemain du coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte. En 1830, Delacroix a réalisé une “Liberté guidant le peuple”, nettement plus érotique. Personnellement, je préfère…
- Une prostituée, idée assez saugrenue, quand on connaît le peu d’intérêt de Bartholdi pour la chose.


Le temps de reprendre mon souffle, j’avais une vue parfaite pour détailler ma nouvelle conquête. Son nez parfait de 1,48m. Mais il aurait fallu que j’aie les doigts du colosse de Rhodes pour le caresser doucement. Sa bouche de 91 centimètres qu’il faut effleurer tendrement, si on a la chance de posséder des lèvres à l’avenant. Ou une bonne serpillère, si on veut faire un baiser mouillé. Sans moi : j’ai le vertige. Ses mains de 5 mètres qui vous massent le dos avec tendresse. J’aurai péri étouffé. Son bras droit de 12,8 mètres qui en enlacent une bonne cinquantaine comme moi. Je suis jaloux comme un tigre. Sa torche, pour allumer le désir. Et ses yeux, ses yeux de biche séparés de seulement 76 cm ! D’en bas, je ne les vois pas : je suis myope comme une taupe.

Illustrations : Wikipedia, Harper, National Park Service/USA, Napoleon Sarony