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les Onze, Pierre Michon

Publié le 26 juillet 2009 par Lironjeremy
les Onze, Pierre Michon

Sans doute le livre le plus théâtral de Pierre Michon, avec ce bonimenteur, cet orateur qui tout le long vous interpelle « Monsieur » à la manière de celui qui connait l’histoire parce qu’il l’invente. Une sorte de magicien qui fait surgir des histoires - figure bouffonne de l’écrivain ? Théâtral parce que son sujet l’impose aussi, le Comité des Onze présentés en pied sur un tableau énorme comme leur appétit, comme leur désir vague plus ou moins fraternel, comme l’histoire même quand elle vous fait Dieu et salop en même temps.Ambigüité d’ailleurs de la commande, un tableau politique qui pourrait servir n’importe quel basculement de l’histoire. Un tableau improbable, un peu fou. Une grande image à double fond née dedans les replis, l’ombre, les intrigues. Pierre Michon, avec sa prodigieuse érudition et sa langue suave enveloppe et cisèle un grand songe qui mêle l’amour, le sang et la boue, qui dresse les hommes dans leur nudité, leurs passions déçues (tous à peu près sont des écrivains manqués), les tourments sordides, leur humanité en somme. Il transparait souvent à travers la figure du Limousin, prolétaire au dessus duquel s’échafaude le grand théâtre d’ombres plein d’emphase et de malice. Il est là en négatif, narrateur ou douzième homme. Et traine en filigrane cette idée baudelairienne de la boue changée en or. Michon pétri les mots, la langue pour en faire une tapisserie belle, un manteau. On se souvient de la préface aux Fleurs du mal : « le culte des images, ma grande, mon unique, ma primitive passion...» On retrouve la figure de la mère, le spectre du père comme dans son Rimbaud. L’art encore une fois est omniprésent, mélange de sacrifices et de magie, opération alchimique. Et l’Histoire peut-être comme unique sujet, celle qui fait les tableaux, qui se fait à travers des tableaux comme la vie se rêve. Bien sûr on y croit à ce tableau (ces tableaux) attesté par Michelet ; sinon qu’à vérifier tout n’est que fiction, mystification. Ce narrateur vous balade comme vous baladait le Clamence de Camus dans la Chute, il se joue de vous, vous embobine. Comme chez Borges s’insinue un vertige, un renversement de la réalité dans la fiction, ce vertige d’être au monde. Il y a chez Michon une mystique de l’apparition, un dévoilement des choses dans l’ébullition de la fiction, quelque chose du prestidigitateur.


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