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Le string

Par Chroniqueur
Le stringPetites négligences féminines qui font tout notre bonheur. Comme ce string abandonné sur le sol de la chambre à coucher. Minuscule morceau d'étoffe apparemment inoffensif: c'est si peu de choses, une bagatelle. Et pourtant! Cette petite ficelle noue fort le désir. Lingerie joueuse qui se devine et se dérobe, qui se fait remarquer précisément parce qu'elle s'efface et fond presque complètement sur le corps tout en lui restant étranger. Petit V. victorieux qui signe sa victoire et dessine l'épure d'un oiseau dans le ciel: c'est un appel à l'envol. Je suis conquis.
Sur le parquet, ce string manque de corps mais il me suffit de le prendre dans mes mains pour le combler d'une présence. Petite ancre du soir oubliée au matin. Je suis amarré au soyeux de l'étoffe. C'est un noeud coulant ce truc, un lasso pour nous ficeler! Mais de quel pouvoir est chargée cette amulette de dentelle? Le verbe auquel se rattache ce morceau de séduction ne laisse aucune ambiguïté quelle que soit la langue dans laquelle on le prononce: "stringere", "serrer", "strânge", "estrènyer". On est étreint par tant d'ingénieuse parcimonie. Le soutien-gorge peut porter haut, très haut, même, et contraindre la forme à se faire bondissante. Mais jamais il ne peut se permettre une telle économie de moyen. D'ailleurs, si on épluche le peu de prise que nous laisse le mot - une syllabe - si on le pèle jusqu'à la corde on entend vibrer en son centre le mot fort: "strong".
Mais ce n'est pas tout, car il est boa ce mot-là, c'est un goulet d'étranglement constricteur, contraignant, étreignant! C'est la détresse d'un amant tenu en joue par tout le cousinage d'un vocable qui s'organise autour d'une seule idée: "serrer", "resserrer". Aucune chance d'échapper à cette prestigieuse famille - et "prestige" en fait partie, lui aussi. Le stress l'étreint - "stress", "string", encore deux parents proches, pas besoin de se coucher sur un divan pour cerner le malaise. Rien ne vous ôtera cette obsession de la tête.
Fichtre, je n'ai jamais vu une toile d'araignée aussi élaborée tenir avec aussi peu de fil. Ca me met stringo sensu sens dessus dessous ou dessus dessous. On est loin de la culotte petit bateau qui, même si elle peut être tricheuse - mais alors, c'est encore un string qui ment -, laissait une place plus ample pour la découverte: on n'évoluait pas sur une corde raide. D'ailleurs, peut-on encore parler d'un sous-vêtement dans la mesure où il esquisse en quelques traits les contours d'un désir, c'est un coup de génie aux origines de l'érotisme, brésil brûlant, nippe primale. J'imagine Lucy aguichant australopithecus à la sortie de la grotte au moyen de quelques lianes impudiques perdues au milieu d'une toison intégrale. Le string est rétro-vestimentaire: c'est le corps qui le vêt. Un max' de nudité pour un minimum de textile. C'est une arme du pouvoir ce lilliputien tricorne: n'assume pas le port du string qui veut.
La morsure de ce simple appareil sur mon imagination est profonde. Le string-constricteur s'enroule autour de mes sens, me strangule. Avant d'être complètement étréci, je le range délicatement dans le tiroir aux ensorcellements (et aux encorbellements) que je referme aussitôt car je sais qu'il y a là de quoi me faire chavirer!
Image: Aubade.

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