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Consommateurs-blogueurs, le point sur vos droits et devoirs

Publié le 08 juillet 2009 par Mguillois

TripAdvisorTetiere

Plus de 20 000 000 de critiques d'hôtels et de restaurants postées par des internautes-voyageurs chez TripAdvisor. Chaque mois, 38 000 000 d'internautes consultent les recommandations des membres de Ciao avant d'acheter. En France, vozavi.com affiche fièrement au compteur 12 474 439 avis de consommateurs collectés aux 4 coins de la blogosphère. Passons sur les vidéos publiées sur YouTube ainsi que les groupes Facebook.
La tendance qui pousse aujourd'hui (et tout particulièrement en temps de crise) les consommateurs à s'échanger sur Internet leurs bons plans, leurs bonnes et leurs moins bonnes expériences d'achat a un très bel avenir. A plus forte raison si elle réussit à se structurer en respectant les quelques règles d'usage que lui impose le cadre légal de la liberté d'expression. Or là, il reste encore beaucoup à faire…

En guise de garde-fou, j'ai posé quelques questions simples et précises à un avocat spécialisé pour faire le point sur les droits et devoirs des consommateurs tentés par la libre expression numérique.

Mickaël

VozaviTetiere


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Quelles libertés et quels droits pour le consommateur-blogueur ?

GuideJuridikInternet
Par Gautier Kaufman, avocat à la Cour, spécialiste en Droit de la Propriété Intellectuelle. Auteur de "Noms de domaine sur Internet" et co-auteur du "Guide juridique de l'Internet et du commerce électronique" (Editions Vuibert).

La blogosphère investit de plus en plus la critique consumériste, autrefois domaine réservé des associations et des revues spécialisées.

Qu’ils soient vengeurs ou dithyrambiques les « posts », « notes » et autres « twits » de la web ménagère ou de l’acheteur « on line » ne sont pourtant pas hors la loi. Mieux vaut donc avoir le réflexe de s’interroger avant diffusion (vérifier notamment si le message est dommageable, équilibré et objectif) qu’après réception d’une lettre recommandée du département contentieux d’un industriel... Et mettons de côté d’emblée l’argument habituel sans aucune portée juridique : « d’autres l’ont fait, c’est donc possible ! »

Gardons aussi à l’esprit qu’au delà de la règle, le bon sens et une appréciation mesurée du risque sont essentiels. Evitons donc tout à la fois le déni du droit (« sur le web tout est autorisé ! ») que le juridisme (« ne rien faire sans appeler mes avocats ! »)

Voici donc quelques réponses aux questions que pourraient (ou devraient) se poser l’internaute égaré dans les rayons du droit...


Avocat
01 | Peut-on donner un point de vue critique sur un produit en effectuant et en publiant son propre test sur « YouTube » ?

Un consommateur est parfaitement libre d’effectuer un test de produit et de le publier sur un site internet, et notamment sur « YouTube ». Il lui appartient simplement d’éviter un éventuel dénigrement ou des allégations mensongères sur les fonctionnalités du produit. Il est recommandé d’émettre, le cas échéant des critiques objectives et justifiables et naturellement de respecter les conditions d’utilisations de l’appareil en cause afin que les éventuelles critiques ou insatisfactions soient fondées sur des éléments vérifiables.

02 | Peut-on reproduire un logo, un dépliant publicitaire ou un courrier émanant d’un service client ?

La communication d’une lettre peut constituer la violation du secret des correspondances, quand bien même celle-ci serait circulaire et présenterait un caractère commercial. Si des réserves juridiques s’imposent, en pratique on imagine mal une société introduire des poursuites pour de tels agissements mineurs, sauf à ce qu’ils émanent d’un concurrent mal intentionné. Par ailleurs, l’usage de la marque d’un tiers dans un but d’information est autorisé. Seul est interdit l’usage dans la vie des affaires à titre de marque pour désigner des produits identiques ou similaires. Attention, si l’exception de parodie joue pour le droit d’auteur, une telle exception est exclue pour les marques. Les détournements de logos et autres parodies de marques sont donc à manier avec précaution.

03 | Peut-on publier une photo ou d’une vidéo prise de l’extérieur ou dans un point de vente ?

La publication d’une photo prise au sein d’un point de vente est […/…]

interdite à défaut d’en avoir obtenu l’autorisation préalable du gérant. En effet, même si son accès est libre, un magasin est juridiquement considéré comme un lieu privé. En pratique, s’il s’agit d’une vitrine, celle-ci ne sera pas nécessairement reconnaissable, et le danger écarté.

04 | Peut-on enregistrer une conversation avec un vendeur ou un téléopérateur à leur insu et la diffuser ?

L’enregistrement des propos d’une personne à son insu n’est pas autorisé car déloyal. La diffusion de la voix d’une personne comme son image implique son accord préalable. La collecte de telles informations porte en effet atteinte à « l’image sonore de la personne » selon l’expression jurisprudentielle, mais également au secret des communications.

05 | Peut-on reproduire des propos écrits ou oraux tenus par une tierce personne appartenant à la société ?

Comme il est possible de faire état d’une expérience d’achat, il est possible de relater le dialogue avec les vendeurs ou les personnes de la société. Il est préférable de rendre anonyme le récit, sans donner de nom « Mr GUYLOI » ou le prénom « Mike » du vendeur ou du service après-vente. Mieux vaut éviter d’être à l’origine du licenciement d’un vendeur, fut-il discourtois.

06 | Peut-on émettre une critique sur son blog en citant les conditions générales de ventes ?

En l’état, il apparaît normal de pouvoir citer un bref extrait des conditions générales de ventes d’un prestataire. La citation doit émaner d’un consommateur final et non d’un concurrent qui souhaite procéder à une publicité comparative, laquelle devrait apparaître comme telle. La citation doit être brève et préciser la source. En revanche, il est d’usage de solliciter un accord pour émettre un lien hypertexte vers un contrat dans sa totalité. Il faut savoir que certains contentieux émergent par des sociétés qui reprochent à leurs concurrents d’avoir reproduits leurs CGV, à la virgule près. Certaines décisions ont jugé qu’il s’agissait d’actes de concurrence déloyale et d’autres considèrent que ce document juridique n’est pas original et donc pas protégeable par un droit d’auteur (Affaires à suivre donc).

07 | Peut-on créer un groupe Facebook "pour" ou "contre" une marque et inviter les membres à y exprimer leur ressentiment ?

Se réunir pour dénigrer, quelle drôle d’idée... Ce genre d’activité n’est possible que pour dire du mal de ses amis ! :) Plus sérieusement, la stigmatisation directe d’un opérateur économique et l’appel au boycott sont souvent sanctionnés par les Tribunaux. Fédérer des personnes sur des problématiques qui concernent au premier chef des entreprises est moins direct, peut-être moins mobilisateur mais plus conforme au droit. Attention cependant à la publicité indirecte pour l’alcool (« communauté des buveurs de pastis ») ou de tabac (« communauté des fumeurs de havanes cubains ») ou les médicaments qui sont très réglementés.

[Contacter Gautier Kaufman]


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