Un couple a fait l’objet, en 1993, d’un redressement fiscal pour n’avoir pas déclaré le montant exact de la plus-value réalisée lors de la vente de leur société. Un recours fut déposé à cette occasion devant un tribunal administratif afin de contester notamment la compétence du service qui avait initié le redressement (« la direction des vérifications nationales et internationales - DVNI - de la direction générale des impôts »). Cependant, un article de la loi de finances pour 1997 est intervenu afin de régulariser cette « incompétence territoriale ou matérielle » du service en cause. Dès lors, le redressement parvint à son terme et les recours formés jusque devant le Conseil d’Etat échouèrent.
Sans surprise, la Cour européenne des droits de l’homme a d’abord rejeté l’allégation de violation de l’article 6 (droit à un procès équitable) au sujet de la différence de délai d’appel entre les contribuables et l’administration fiscale. En effet, cet article « n’est pas applicable aux procédures fiscales » sauf si « le litige en cause [possède] une “coloration pénale” » (§ 30), ce qui n’est pas le cas en l’espèce faute de pénalités fiscales infligées aux requérants (§ 31). Sur le second grief, relatif à la violation du droit de propriété (Art. 1er du Protocole n° 1), la Cour estime cet article applicable dès lors que les requérants disposaient d’un « bien » au sens de la Convention. Ainsi, il est jugé que, compte tenu des précédents jurisprudentiels français, ils « bénéficiaient, avant l’intervention de la loi de finances pour 1997, d’un intérêt patrimonial qui constituait, sinon une créance à l’égard de leur adversaire, du moins une “espérance légitime”, de pouvoir obtenir le remboursement de la somme litigieuse » (§ 53). L’ingérence au sein du droit à la protection de la propriété trouve sa source dans la loi de 1997, qualifiable ici de “loi de validation“ (loi qui cherche à parer un risque d’annulation juridictionnelle d’un acte administratif et qui agit donc en ce sens rétroactivement sur une situation).
Or, la Cour considère classiquement cette technique comme contraire à la Convention si elle ne se justifie que par le « simple intérêt financier de l’Etat » et non par une « cause d’utilité publique » plus large (§ 60). En l’espèce, le gouvernement français ne parvient pas à établir le contraire car les juges européens considèrent que la loi « visait en réalité à préserver le seul intérêt financier de l’Etat en diminuant le nombre de procédures fiscales annulées par les juridictions administratives » (§ 62) et « n’était pas justifiée par l’intérêt général » (§ 64).
En définitive, la Cour considère donc que ladite disposition législative « fait peser une “charge anormale et exorbitante” sur les requérants et l’atteinte portée à leurs biens a revêtu un caractère disproportionné » (§ 68).
La France est donc condamnée pour violation de l’article 1er du Protocole n° 1.
Joubert c. France (Cour EDH, 5e Sect. 23 juillet 2009, req. n° 30345/05 )
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