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Manuel Valls, la fin des utopies

Publié le 29 juillet 2009 par Vogelsong @Vogelsong

Nouveau trublion du parti socialiste, M. Valls veut tout réinventer. En rupture de ban avec la direction de sa formation, il trouve refuge dans les médias où ses idées “modernes” font écho. Le félon défraie la chronique lors d’un pugilat épistolaire avec M. Aubry. Trop à droite dit-on. Sur des sujets cruciaux comme les institutions, l’économie, les valeurs, il entend porter un positionnement particulier et novateur. En y regardant de plus près, il n’y a peut-être pas grand-chose d’inédit.

Utopia
Quand il faut choisir entre l’homme et le projet, M. Valls ne s’embarrasse guère de circonvolutions. Il a compris que pour parvenir au faîte du pouvoir il faut un Homme qui porte un projet. Il donne quelque peu le change en faisant référence à la dynamique parti-militants-sympathisants et en dégageant une hypothétique synergie (démocratie participative). Mais il a compris les règles implacables des institutions. Dans cette optique, il fait acte de candidature aux primaires à gauche pour la présidence de la République de 2012. Les procédures institutionnelles modifiées par L. Jospin sont taillées sur mesure pour la droite. En l’occurrence l’émergence d’un chef derrière qui les cohortes muettes feront bloc dans un seul but, gagner. C’est inscrit “génétiquement” dans le profil politique des conservateurs. Les faits électoraux, ces dix dernières années, sont éloquents. La gauche va de minuscules succès en déroutes historiques. La machine à gagner de l’UMP malgré l’anachronisme de sa doxa fait merveille.
Dans ce registre M. Valls joue les pragmatiques en s’adaptant au système de l’adversaire. De là à le vaincre, sur son propre terrain, avec ses propres armes, est une autre histoire. À moins d’en faire partie ?

F. Fillon se gargarisait d’avoir gagné sur le terrain idéologique. Il se félicitait de l’état de l’opinion sur les 35 heures, perçues comme une régression. Ce même préposé à la conduite de la politique du gouvernement raille, comme bon nombre de ses alliés, le “surmoi marxiste” de la gauche de gouvernement. De son côté, M. Valls veut en finir avec la perpétuelle prise d’otage du parti socialiste par la gauche radicale. La libération viendra de la rupture avec ses alliés historiques, qui mettra à bas le stérilisant “surmoi marxiste”. Le maire d’Évry semble oublier que cela fait trente ans que le PS noue des “liens fort avec l’entreprise” et “ceux qui créent de la richesse”. Il a tellement tissé de liens qu’il en a finalement oublié les ouvriers, employés et même les fonctionnaires. Pourtant, le renégat socialiste appelle aujourd’hui de ses vœux un virage déjà pris depuis trois décennies. La radicalité au sein du PS est au mieux une posture au pire un épouvantail que l’on se plait à agiter. Lors des primaires pour les présidentielles, lequel des trois candidats (L. Fabius, D. Strauss-Khan, S. Royal) était peu ou prou (même marginalement) marxisant ? M. Aubry, maire de Lille et premier secrétaire, ralliée corps et âme à l’Europe de J. Delors et des lobbys libéraux a-t-elle un “surmoi marxiste” ? Ce “gimmick” inlassablement resservi donne tout loisir aux pédagogues “marchéïsant” d’activer ce commode repoussoir. Au XXIe les solutions marxistes ne concernent plus personne (ou presque). S’affranchir des solutions planificatrices et “déstructurantes” pour les individus ne doit pas occulter la puissante grille d’analyses sociales et économiques qui fournit cette théorie. M. Valls sert le discours improbable de la grande unité d’intérêts et de vues entre les salariés et les entrepreneurs. La réalité lui donne quotidiennement tort. Mais le perçoit-il ?

Qualifié de maillon faible par les stratèges politiques de la majorité, M. Valls a refusé le pont d’or que lui proposait le président. Le débauchage s’apparente à une stratégie de désorganisation du débat démocratique dont la seule fin est de garder le pouvoir. Symétriquement l’antisarkozysme mécanique est contre-productif, et ne permet pas une démocratie apaisée. Il considère que l’élection d’un homme d’État tel que N. Sarkozy est un phénomène normal de la démocratie en France. Dans ce schéma, ne tolère pas les remontrances qui peuvent lui être faites sur sa présupposée “sarkophilie”. Niant même férocement. Pourtant, la pratique, l’homme, l’état du pays, l’horizon donné à celui-ci devraient susciter chez M. Valls plus qu’une critique programmatique des folies budgétaires de la loi TEPA.
Une opposition raisonnée dans une démocratie apaisée ne s’organise pas autour d’un régime phagocytant. Dont la seule stratégie est la conservation du pouvoir par destruction et implosion de ses adversaires. En acceptant un rôle modéré d’opposant, on porte le flanc à une dissymétrie des pouvoirs et des contre-pouvoirs. Ne pas jouer le jeu des “garden-partys”, des flatteries, des satisfecit ponctuels consiste à marquer clairement son éloignement de l’ensemble d’une politique et de son projet globalisant. M. Valls n’est manifestement pas dans ce processus.

Reprendre le terrain perdu à la droite sur les valeurs de travail, de nation et de sécurité est un objectif louable. La direction du parti socialiste aurait dû y plancher depuis des lustres. Récupérer ces domaines en singeant les conservateurs (même à moitié) est sans issue. Comme les marxistes il tire des constats justes, mais applique des solutions caduques (bien que moins dramatiques). La quasi-totalité de ses propositions n’engendrerait aucune protestation des versatiles du gouvernement UMP. La sincérité en moins.
La pédagogie de la rigueur fait ses preuves depuis trente ans. Le miracle blairiste atteint ses limites en période de crise. Les virages rigoureux de la gauche française ont fortement (voire définitivement) installé le discrédit. Les sociaux-démocrates complexés en Europe sont en totale débâcle.
Il y a une route à ne pas suivre. M. Valls en a l’itinéraire.


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