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La force de nos attentes

Publié le 31 juillet 2009 par Samiahurst @samiahurst

La force de nos attentes

J'adore cette illusion d'optique. Pas de dessin sophistiqué, rien qu'une photo. Et pourtant on dirait qu'Escher est passé par là. Comment ça marche? A la force de nos attentes. Nous sommes simplement habitués, sans doute cablés, même, depuis le temps, pour voir des personnes ... à l'endroit.
Là où ça devient fascinant, c'est que ça marche dans un tas d'autres domaines. Sur le plan éthique aussi, d'ailleurs. Et là nos attentes peuvent nous piéger.
Par exemple, elles peuvent 'fabriquer' de la pathologie. Si le travail que nous considérons comme 'normal' augmente, il y aura plus de handicapés: car qu'est-ce que le handicap, sinon l'incapacité (durable) à fonctionner comme nous l'attendons?
Elles 'fabriquent' aussi de la discrimination. C'est une des raisons, d'ailleurs, pour lesquelles il n'est pas si simple d'être juste. Malcom Gladwell explique ça très bien dans un bouquin qui a maintenant été traduit en français sous le titre un peu malheureux de 'La force de l'intuition: prendre la bonne décision en deux secondes'. C'est presque drôle, car ce titre joue bien sûr aussi sur nos attentes. Mais malgré son aspect un peu psycho de salon, c'est en fait un bouquin passionnant, très bien documenté, qui parle davantage des risques de la 'pensée instantanée' que de ses avantages, et qui vous laissera justement...songeur. Il y démonte à la fois les avantages et les inconvénients de nos conclusions immédiates, intuitives, qui parfois nous sauvent et parfois nous coulent.
Une des illustrations est l'histoire des orchestres européens, disons il y a quelques décennies. Ils étaient exclusivement masculins. Aucune discrimination là-dedans, expliquaient les jury de sélection. Le timbre des musiciennes est tout simplement différent, les décisions sont esthétiques. Sauf qu'un jour on se mit à auditionner derrière un écran. Et là, patatra, plus de différence de timbre. Avec les mêmes jurés, les mêmes goûts et les mêmes objectifs pour leurs orchestres. Mais leurs attentes étaient différentes en écoutant 'quelqu'un' qu'en écoutant un homme ou une femme. Les orchestres devinrent mixtes.
Vous vous sentez supérieur? Vous êtes un fervent égalitariste et êtes convaincu que vous n'associez aucun rôle particulier aux hommes et aux femmes, aucun jugement de valeur à l'appartenance ethnique, aux préférences sexuelles, ou autres âges de la vie? C'est très simple à vérifier. Il existe un test en ligne qui mesure l'effet de nos attentes implicites sur notre temps de réaction. Vérifiez, c'est ici.
Pour rappel, deux avertissements:

  • D'abord, on peut avoir un biais et décider de ne pas l'approuver. Aucune obligation, donc, de vous faire une raison d'accepter votre biais contre les personnes handicapées, par exemple, s'il s'avère que vous 'testez positif'. Vous pouvez paisiblement continuer de militer pour des droits égaux la conscience tranquille. Rejeter un biais n'est pas se trahir.
  • Mais par contre, on ne peut pas décider juste comme ça de ne pas avoir le biais.
On peut par contre le savoir, et prendre des précautions en conséquence contre notre propre jugement instantané. Déjouer les pièges de nos attentes, en quelques sortes.
Il y a même mieux. Car nous avons aussi des attentes morales. Gordon Brown a récemment donné à ce sujet une conférence sur ces images qui nous indignent, et parfois nous poussent collectivement à des actions qui améliorent le monde.
Et puis il y a la version où nous sommes capables de rire de nos propres intuitions. Dans cette vidéo, on arrive à faire chanter le public en choeur sur la simple force de nos attentes. Inquiétant ? Un peu. Ca marche vraiment très très bien et on se prend à demander à quoi d'autre ça peut diantre servir. Mais une fois qu'on a vu ça, peut-être qu'on se laisse moins facilement avoir ?

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