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Messieurs Rocard, Allègre, Strauss Kahn et Lang, prenez en de la graine ! Réponse à Jean Louis Borloo par Dominique Voynet, sénatrice de Seine-Saint-Denis, maire de Montreuil

Publié le 03 août 2009 par Gchocteau

Lettre à Jean-Louis Borloo

Par DOMINIQUE VOYNET sénatrice de Seine-Saint-Denis, maire de Montreuil.

Monsieur le Ministre

J'ai pris connaissance, avec l'attention qu'il mérite, du courrier par lequel vous m'invitez à rejoindre un groupe de travail chargé de réfléchir à des propositions visant à inscrire les enjeux du développement durable au cœur des priorités de l'emprunt national, annoncé par le président de la République le 22 juin. Je partage évidemment votre ambition de voir la France engager sérieusement la mutation écologique, et me réjouis également que vous souhaitiez voir le Parlement associé à ce travail.

Il s'agit, monsieur le Ministre, d'éviter que les mesures à vocation écologique ne soient noyées dans le flux des décisions prises sous la pression des lobbies, ou des habitudes. Et aussi de réunir les conditions d'un passage à l'acte effectif, au-delà des effets d'annonce, en mettant en cohérence les outils législatifs, réglementaires et… budgétaires ! Il s'agit enfin de mobiliser de façon coordonnée administrations et collectivités. Nous ne réussirons la mutation écologique, j'en suis depuis longtemps convaincue, qu'à la condition d'une mobilisation très large de toute la société. Cela implique, pour les responsables politiques que nous sommes, de savoir dépasser les clivages séparant la majorité de l'opposition, lorsque cela est nécessaire.

C'est dans cet état d'esprit que j'ai formulé un jugement positif sur la démarche du Grenelle de l'environnement, et qu'à de nombreuses reprises, j'ai avancé des propositions visant à opérer concrètement cette mutation, dans les domaines des transports publics, de la qualité du bâti, de la sobriété énergétique des logements, de la production agricole… J'ai adopté la même démarche lors des discussions sur le plan de relance ou lors de l'examen du projet de loi de mobilisation pour le logement, en défendant des amendements visant à renforcer les dispositions présentées par le gouvernement.

Je suis contrainte d'observer que, le plus souvent, nos propositions ont été rejetées par votre majorité, qui les a parfois très violemment combattues. Au-delà des engagements solennels, nous avons pu mesurer combien une avancée sur tel point pouvait se payer de lourds reculs sur un autre. Et plus d'une fois, sur ces sujets et sur d'autres, nous avons relevé la légèreté avec laquelle le président de la République et le gouvernement considéraient le Parlement.

Aussi suis-je étonnée de votre demande. Car, au fond, et sans mettre en doute votre sincérité, je devine que vous le savez, il n'est nul besoin de mettre en place un nouveau groupe de travail : les propositions existent déjà, défendues inlassablement lors du Grenelle, développées dans des centaines d'amendements et de nombreuses propositions de loi. Jusqu'alors, ni la majorité parlementaire ni le gouvernement n'ont jugé utile de les examiner sérieusement.

Je ne me résous pas à ce que la création de commissions nationales devienne la réponse obligée aux dysfonctionnements observés au Parlement. Je perçois le bénéfice particulier escompté par le gouvernement à chacune de ces missions, commissions et groupes de travail, mais je n'y vois pas les moyens de conforter l'intérêt général. Vous l'aurez compris, monsieur le Ministre, je me vois dans l'obligation de décliner votre invitation.


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