Toujours cette impression qu’on ne peut rien tenir, qu’on ne peut rien toucher, que tout s’en va, fuit, au fur et à mesure qu’on avance. Toujours ce sentiment, tel un ciel sans cesse changeant, de se déprendre. Que le bonheur est toujours avant ou après, mais jamais là, à aucun rendez-vous. Toujours absent. Quand on vieillit, comme moi, on vit de reliques, de religiosités qu’on conforte, d’anciens espoirs qu’on tente en vain d’oublier sur nos multiples vies. C’est la mort qui délivre, sans doute. Délivre un message, ici. Essayer de suicider l’autre, en soi, celui qui n’est jamais content de son sort, celui qui court toujours vers un anéantissant bonheur, sachant que cet autre, c’est nous-mêmes, celui qui prend les mauvaises décisions. Donc, on le voit bien, d’un sourire, que le suicide de l’autre n’est qu’une tentante erreur, une tentative, comme on dit. Echec de l’échec. Echec à vivre ; échec à mourir : des deux, on trace une vie, on œuvre à un chaos qui ne ressemble à rien. On ne peut pas tuer l’autre en soi, car c’est lui qui dit « je ».