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Un bailleur trop malin

Publié le 14 septembre 2007 par Christophe Buffet

Si par principe le congé donné par le locataire bénéficiant d'un bail commercial doit être donné par acte d'huissier et non par lettre recommandée avec accusé de réception, à peine de nullité, il est jugé, notamment par cette décision, que le bailleur qui n'a pas immédiatement soulevé cette nullité et qui par malice réclame au locataire le paiement des loyers en invoquant la continuation du bail commet une faute qui le rend responsable à l'égard du locataire, auquel il est condamné à payer le montant des loyers.

On notera que ce raisonnement ne vaut que pour le bailleur professionnel de l'immobilier.

« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 septembre 2001), que la société Binks international France, aux droits de laquelle vient la société ITW Belgium, preneur à bail de locaux à usage commercial appartenant à la société Euro manager's, a donné congé à celle-ci par lettre recommandée avec avis de réception du 26 mars 1997 pour le 31 décembre 1997, conformément aux stipulations du bail ; que ce congé a été renouvelé par lettre recommandée avec avis de réception du 10 avril 1997 ; que la société Euro manager's a assigné la locataire en nullité du congé et en paiement de loyers ; que celle-ci a reconventionnellement demandé des dommages-intérêts équivalents au montant des loyers qui lui étaient réclamés ;

Attendu que la société Euro manager's fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande reconventionnelle de la société ITW Belgium, alors, selon le moyen :

1 / que, dès lors que le preneur s'était abstenu de donner congé par acte extrajudiciaire, le bailleur était en droit de se prévaloir de la nullité d'ordre public du congé, et de contraindre le locataire à exécuter son obligation si bien qu'en jugeant que la société Euro manager's avait commis une faute en s'abstenant en avril 1997 d'attirer l'attention de la locataire sur l'irrégularité du congé par lettre recommandée, alors que celle-ci, si ce fait lui avait été signalé, disposait encore de deux mois pour faire délivrer un congé par acte extrajudiciaire, la cour d'appel n'a pas légalement caractérisé l'abus de droit et a violé l'article 1382 du Code civil ;

2 / qu'en se bornant à déduire la connaissance par la bailleresse, qui n'avait pas participé à la rédaction du bail, de l'irrégularité au jour de la réception du congé de sa seule prétendue qualité de professionnel de l'immobilier, la cour d'appel a présumé la faute, en fait, en violation de la loi, peser sur les bailleurs professionnels une obligation de conseil à l'égard de leurs locataires, violant l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Euro manager's était une professionnelle de l'immobilier et que, même si elle n'était pas la rédactrice de l'acte, elle ne pouvait sérieusement prétendre ne s'être avisée de l'irrégularité du congé que six mois après sa réception alors que, par son activité, elle avait nécessairement connaissance de la législation en la matière, et ayant retenu qu'en s'abstenant, en avril 1997, d'attirer l'attention de la locataire sur l'irrégularité du congé donné par lettre recommandée alors que, si ce fait lui avait été signalé, la locataire disposait encore d'un délai de deux mois pour faire délivrer un congé par acte extrajudiciaire, la cour d'appel a pu en déduire que la société Euro manager's avait commis une faute ayant causé à la société locataire un préjudice qu'elle a souverainement évalué au montant des loyers dont cette société s'était trouvée redevable du fait de la continuation du bail ».

(Cour de Cassation 5 novembre 2003)


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