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Tour d'Islande (4)

Publié le 05 août 2009 par Vivreenislande @vivreenislande
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Nous sommes repartis. Nous grimpons vers le nord-est. Les filles sont ravies d’avoir passé la nuit au chaud. Tellement contentes que nous fixons maintenant notre feuille de route selon 3 critères :

- beauté supposée des sites à découvrir
- possibilité de monter à cheval
- et proximité d’une auberge de jeunesse.
Voilà le tiercé gagnant. Dans le désordre.
Tels les intrépides voyageurs d'un film de cape et d'épée, nous nous dirigeons donc vers Ytra Lón, rassurés sur le fait que chevaux et auberge nous attendent et convaincus que là-bas aussi nous serons subjugués par les lieux.
C'est toutefois en spectateurs que nous souhaitons profiter des paysages qui vont défiler pendant le trajet. Confortablement installés dans notre carrosse, nous attendons patiemment que démarre la projection de ce curieux long métrage sans dialogue.
Autant les Trolls de la région des fjords de l’Est avaient-ils rivalisé d’ingéniosité pour nous subjuguer, alternant scène après scène, virage après virage, décors époustouflants et compositions lumineuses disparates, autant la route entre Seyðisfjörður et Ytra Lón est-elle désespérément monotone. Voire soporifique. De Ridley Scott à Rohmer.
Pause publicitaire ? Comme celle qu'imposent les exploitants des salles de cinéma Islandais avant la suite du film ? Ou bien démonstration que tous les décors peuvent être présents en Islande ? Y compris les plus fades.
L’émerveillement naît le plus souvent des contrastes, des ruptures inattendues. Le piteux manège dans lequel nous prenons place maintenant permet aux amateurs de sensations fortes que nous sommes devenus, d’apprécier à leur juste valeur le grand huit qui a précédé et de désirer ardemment les émotions à venir.

Nous sommes un peu déçus.
Nous arrivons dans la charmante bourgade de Þórshöfn. Moins de 400 âmes vivent ici toute l'année. Un quadi sacerdoce.
Il crachine. Le ciel bleu s'est fait porté pâle. Il a le teint grisâtre d'un lundi pourri.
Je m'arrête quelques instants pour prendre la température des lieux. C'est l'effervescence ; une automobile vient de passer.
Nous déjeunons au restaurant Eyrin. En l’absence d’autre site de distraction identifié (la station-service mise à part), je présume que l'endroit sert probablement aussi de salle de jeu, de salle de cinéma et de salle des fêtes pour les longues, longues soirée d’hiver arctique.
Sur lesite web de présentation du village (une seule page), l'auteur prévient :
"(Þórshöfn) is probably the best place in Iceland to experience what it is like to live in an isolated village almost 60 miles from the next village".
Ici, c'est soit l'humour, soit les antidépresseurs.
Ytra Lón n'est qu'à quelques kilomètres de Þórshöfn. Nous sommes curieux de découvrir ce qui nous attend. Pour bien comprendre ce dont il s'agit, disons qu'Ytra Lón est un peu à Þórshöfn, ce que St Briac sur Mer est à Marseille.
Le coin n'est mentionné sur les cartes d'Islande que parce qu'on peut y dormir.

Tour d'Islande (4)
A postériori je me suis d’ailleurs demandé si la famille installée ici n’avait pas ouvert cette auberge de jeunesse uniquement pour y croiser des êtres humains. Voire pour s’assurer qu’il en existait encore. Pas du tout. L'homme m'a confirmé que ce choix avait été murement réfléchit et qu'aucun d'eux ne le regrettait. Admirable.
Sur le site des auberges de jeunesse dans le monde, une page est dédiée à Ytra Lón. Les personnes en charge de promouvoir la région ont l’art de manier la litote. J'ai relevé les termes qui jalonnent discrètement le descriptif de ce trou paumé, tels des avertissements subliminaux. « Son environnement paisible », « pour les amoureux de la nature », « de nombreuses fermes abandonnées », « l’un des coins les plus isolés d’Islande » ; une façon élégante de vous prévenir : à Ytra Lón, il n’y a rien. Et quand je dis rien, j'exagère.
Tour d'Islande (4)
Ytra Lón pourrait faire de Berck Plage la référence des paradis sur terre. Nous avons peu circulé autour de l’auberge. Mon avis n’est donc pas d’une objectivité transcendante. Et je ne doute pas que certains puissent s’extasier devant le dénuement de cette région parmi les « plus isolées d’Islande ». Que l’observation des piafs ou les balades à pied dans la lande puissent enthousiasmer quelques ornithologues randonneurs. Mais nous ne sommes pas de ceux-là.
Fort heureusement :
- nous ne passons qu'une seule nuit à Ytra Lón
- les filles ont pu monter à cheval
- et nos hôtes nous ont chaleureusement accueilli.
Tour d'Islande (4)Tour d'Islande (4)
Comme à Vik ou à Seyðisfjörður, un couple français d’une trentaine d’années et leurs deux jeunes enfants occupent déjà les lieux à notre arrivée.
Sans doute espéraient-ils profiter plus longtemps de ce moment de grande solitude, car leur bonjour forcé semble en dire long sur leur plaisir de nous voir débarquer. Cela dit, nous ne manifestons pas un plus grand enthousiasme.
Lui prépare ce qui s'apparente à un potage, elle s’évertue à parler au plus jeune du ton mièvre et doucereux de ces adultes qui persistent à considérer leur progéniture comme des demeurés. Dès qu'elle s'adresse à l'un des marmots, la jeune mère précède chacun des mots employés du même adjectif qualificatif. « Il est pour qui le petit biscuit ? », « qui c'est qui va manger sa petite soupe ? », etc. Chaque chose environnante est évoquée dans un souci de minimisation évident et systématique, probablement autant motivé par l'espoir que la mixture insipide sera ingurgitée que dû à la taille présumée du cerveau de cette dame.
Nous quittons gaiement la morte plaine le lendemain matin, pour nous rendre à Mývatn. L'auberge de jeunesse d'Akureyri étant bondée, nous devrons à nouveau camper.
Je prie pour qu'il fasse beau.

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