Ce texte se veut un message d'aide aux SEPiens ou autres qui ont peur de passer de la position verticale à la position assise... sur roulettes!
(Mon blog entier d'ailleurs se veut aussi un témoignage de ce qu'est la vie en fauteuil, dans le but de tordre le cou à certains préjugés, et de dissuader les réflexes de misérabilisme, de pitié
malvenue, de compassion-commisération écrasante.)
Traumatisme du passage de marchant à SEPien avec une canne, puis 2, et parfois fauteuil roulant provisoire, de confort, ou définitif. Symbolisme très fort de la station debout: mobilité, dynamisme, supériorité, force...
Symbolisme supposé de la station assise: immobilisme partiel, manque apparent de vitalité, impuissance, lenteur. (mais en réalité...) Sauf
si on se trouve dans le siège d'un PDG! Auquel cas ce sera l'inverse!
Anecdote vécue:
en centre de rééducation fonctionnelle où on
réapprend à vivre, mais en fauteuil, j'avais un ami, A., quarantenaire (très beau gosse!) qui s'était crashé à moto (voiture contre moto, délit de fuite; du coup je sympathise depuis avec un ex
motard sur OB) et se retrouvait avec une paraplégie haute (membres inférieurs paralysés jusqu'au milieu du dos). Il avait toujours été entouré des plus belles filles dans son club de moto. Le gars
à qui TOUT réussissait. Jusqu'à l'accident...
En centre, courageux, adorable, il a néanmoins pris conscience que ses amis ne lui rendaient pas visite, le fuyaient depuis sa paralysie. Il a musclé ses bras lors de séances de push ups et de
muscu endiablées et est sorti du centre quelques semaines après moi, pour emménager dans un appartement adapté et reprendre le cours de sa vie. Entretemps, j'avais repris mon boulot et me
familiarisais à la vie de handi dans la rue, les problèmes d'accès etc...
Lui, n'est pas sorti de chez lui. Pas d'emploi en vue. Il invitait ses proches, ses amis restants chez lui, mais ne sortait pas affronter le regard extérieur. Jusqu'au jour où, déprimé, il a eu
envie de retourner dans son bar préféré. Un cousin et un ami l'embarquent et vont boire avec lui. Et là, devant le comptoir, il s'est senti humilié, ridicule, petit, les femmes lui jetaient des
regards non d'admiration comme avant, mais de pitié ou de compassion.
Il en a déduit que c'était un problème de position, de verticalité, et a voulu emmener son fauteuil verticalisateur pour pouvoir boire debout (verticalisé) au bar et draguer à nouveau. Evidemment,
c'était inhabituel, pour ne pas dire risible pour certains, de le voir ainsi.
Cet évènement le traumatisera et fera qu'il ne sortira plus de chez lui.
Il m'appelle de temps en temps, en pleine nuit, quand il craque. Et il m'a demandé comment j'avais réussi à m'en sortir, à sortir!, à affronter le monde. D'abord, seule, sans parents pour m'aider,
je n'avais pas le choix, j'ai donc dû retravailler vite. Puis, j'ai appris depuis mon enfance à être autonome et à me redresser en cas d'épreuve de la vie. Enfin, je
ne me sentais nullement inférieure en étant assise. J'avais juste des débuts de torticolis à force de regarder de très grandes personnes quand elles me parlaient, mais à part ça... Et les
gens se mettent volontiers à mon niveau, s'accroupissent etc...
Et comme leur façon de parler est respectueuse, la position assise n'a jamais été un problème. Evidemment, on pleure de ne plus marcher, de ne plus se déhancher sur de belles chaussures, de ne plus
pouvoir faire voler jupe ou robe. Une part de sensualité se fait la malle, mais il suffit de la placer ailleurs: dans le regard par exemple!
Alors j'ai dit à mon ami A. que la verticalité qu'il cherchait tant à retrouver n'était pas un état physique, mais bel et bien d'esprit, qui est
présent si on a cultivé son amour-propre malgré le handicap. Que c'est cela qui allait faire que les femmes le regardent avec pitié ou avec envie, car il était toujours très séduisant. Or il
n'avait effectué aucun travail sur lui. Ce qui irradiait de lui était sa détresse.
J'avais, quant à moi, la chance d'avoir retrouvé une vie quasiment normale, alors la position importait peu, puisque dans mon esprit j'étais bien l'égale des autres.
J'ai retrouvé sur bien d'autres blogs handicapés le même vécu: ceux qui assument leur fauteuil, ceux qui ne l'assument pas dans toute une vie... Terrible...
On pourrait citer un autre exemple de personne qui n'assumait pas d'être "assise": le Président américain F.D. Roosevelt.
Effectivement, l'ex-président du "pays le plus puissant au monde", handicapé, n'assumait pas totalement ses séquelles de
polio et refusait de se montrer "infirme". Les clichés en fauteuil étaient prohibés. Il avait même mis au point un semblant de marche, avec ses fils qui le soutenaient, il s'appuyait sur
leurs bras, fortement, et donnait ainsi l'impression de marcher quasiment normalement.
En janvier 2001, à Washington (DC) était inaugurée la première statue de Roosevelt assis sur son fauteuil roulant.
Seuls 4 clichés sur 10.000 le montrent dans cette posture ! La photo est donc rare et précieuse!
Alors chers lecteurs, qu'en est-il? Eh bien, il est possible de vivre assis. Les valides sont assis parfois plus de 10 h/jour! (boulot, voiture, pc,
tv etc). La position assise n'a rien d'honteuse. Du moment que dans votre esprit, vous êtes convaincu d'être "au même niveau" que les bien portants. Le regard de l'Autre est accessoire. C'est bel
et bien de nous qu'il s'agit!
***Bon courage! Prenez soin de vous!***
*Article paru le 27 août 2007*