Magazine Humeur

La nostalgie, camarade…

Publié le 12 août 2009 par Innommables

A chaque époque son adolescence boutonneuse, et à chaque ado boutonneux ses souvenirs.

J’avoue que le fait d’avoir dépassé la trentaine (et donc d’entrer de plain pied dans la catégorie "vieille conne réac’ totalement recyclable ayant dépassé la date limite de fraîcheur") m’avait déjà bien plombé le moral il y a quelques années.

Ne ris pas.
C’est authentique.

Je suis de cette génération complètement has-been qui a fantasmé à mort sur les jambes (et le postérieur rebondi à souhait et fermement appétissant) de Jennifer Beals dans Flashdance, ricané et postillonné du pop-corn à moitié mâchouillé devant Gremlins, rêvé d’intégrer une bande de crétins décérébrés aussi cool que celle des Goonies, chialé pathétiquement à la fin d’E.T et fait pipi-culotte pendant Les griffes de la nuit.

Tu me diras que cette liste non exhaustive est révélatrice d’un goût cinématographique déplorable et passible de la décapitation immédiate (voire de l’éviscération pure et simple) tant elle comporte d’édifiants navets à peine plus évolués (scénaristiquement et visuellement parlant) que le pire des épisodes de Spectreman, de Candy ou de Bouba l’ourson pédophile.

A quoi je rétorquerai, avec l’aplomb qui me caractérise (sans parler de ma mauvaise foi proverbiale), que personnellement, je ne trouve pas les teenage movies actuels beaucoup plus évolués, entre les histoires de tartes (au poil) américaines qui parlent de débiles mentaux fourrant leurs vermicelles à peine pubères dans des pâtisseries industrielles, les grimaces pathétiques de Paris Hilton dans quelques films d’horreur du niveau d’un Merci Bernard à la sauce texane, et les comédies hautement intellectuelles aux titres aussi recherchés que "Eh mec, elle est où ma caisse?", "T’es super grave", "40 ans et toujours puceau" ou encore "10 bonnes raisons de te larguer" (à côté, les bidasseries franchouillardes comme "Arrête de ramer, t’es sur le sable" ont l’air de films d’auteurs germano-danois inspirés par Ingmar Bergmann).

Mais passons, veux-tu.

Comme je le disais au début de ce billet, à chaque époque son adolescence boutonneuse, et à chaque ado boutonneux ses souvenirs.

Permets-moi donc d’évoquer brièvement les miens, qui sont remontés à la surface tels des étrons mollement propulsés vers le haut par une canalisation défaillante (quelque chose me chifonne, au sujet de cette métaphore, mais du diable si je parviens à définir ce qui me met mal à l’aise…) depuis que j’ai incidemment appris la mort de John Hugues.

John Hugues, ami lecteur, n’était peut-être qu’un obscur réalisateur et scénariste yankee élevé au boeuf aux hormones et aux céréales transgéniques, mais n’oublie pas qu’il a lancé les carrières de Sean Penn, Steve Carell, Macaulay Culkin, Matthew Broderick, Jon Cryer, Charlie Sheen, Molly Ringwald, John Cusack, Emilio Estevez, Andrew McCarthy, Anthony Michael Hall ou Ally Sheedy (comment ça, ces noms ne te disent rien? Mais t’as quel âge, bon sang?)

John Hugues, c’est La folle journée de Ferris Bueller, Pretty in pink, Breakfast Club, She’s having a baby...

Des films que ma nièce qualifierait sans aucun doute de "trucs mous du gland et totally dépassés, tu vois, genre?", puisque ma nièce ne conçoit pas un teen movie sans joyeuse partouze sur un campus, ni murge collective et conviviale se terminant par une régurgitation générale (si possible sur les mocassins impeccablement cirés d’un prof d’histoire totally dépassé).

- C’était quoi, Tatie, ce film pourrave que tu me parlais, genre?
- Dont tu me parlais, genre…
- Ouais, le film pourrave que dont tu me parlais, quoi!
- Ca s’appelait Breakfast Club, ça a influençé toute une génération et profondément modifié la pop culture des années suivantes.
- Y’avait d’la gerbe?
- Nan.
- Y’avait d’la bite?
- Nan.
- Y’avait du poil?
- Nan plus.
- C’est qu’est-ce que j’disais. Pourrave de chez pourrave.

(Soupir)

Tu t’en tamponnes le coquillard?
Tu as bien raison.

Quant à moi, étrangement, je ressens le genre de pincement au coeur qu’on se surprend à éprouver quand, à l’instar de Proust, on se met à tremper sa madeleine dans un verre de Banga en écoutant les Cure chanter "In between days"  tandis qu’Yves Mourousi présente le journal télé et qu’on attend avec impatience la fin du Tiercé de Léon Zitrone pour pouvoir (enfin) se vautrer devant un épisode de Zora la Rousse en se disant que les parents (ces gros nazes qui ne pigeront jamais rien à rien) dormiront à poings fermés cette nuit, quand on se glissera au salon pour mater discrètement la rediffusion de Hellraiser sur Canal Plus).

  

 


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