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Myriam MONTOYA (Colombie)

Par Ananda

Myriam Montoya est née en 1963 à Bello (Colombie). Elle vit à Paris depuis 1994 où elle a publié les livres de poésie Fugas/Fugues (editions L’Harmattan, 1997), Desarraigos/Déracinements (editions Indigo, 1999), traduits par Claude Couffon, Huellas/Traces (editions L’Oreille du Loup, 2008) et Flor de rechazo/Fleur du refus (editions Ecrits des Forges et Phi, 2009) traduits par Stéphane Chaumet.

  En 2004 a paru une anthologie de son œuvre poétique, Vengo de la noche/Je viens de la nuit (éditions Ecrits des Forges et Castor Astral)

  Ses poèmes ont également paru dans plusieurs revues et anthologies collectives en France et à l’étranger.

  Parallèlement elle a traduit une anthologie de poésie africaine d’expression française Voces Africanas (éditions Verbum, Madrid, 2002) et des poètes francophones (Amina Saïd, Michel Thérien, Salah Al-Hamdani, Michel Deguy, Bernard Noël, Stéphane Chaumet…) ainsi que la poète iranienne Forough Farrokhzad.

  Elle a été invitée à plusieurs lectures et festivals internationaux dans différents pays.


Nous assistons

à une irréalité

où nous croyons palper

le visage d’un ancêtre

Les entrailles de ma mère

restituées chez ma fille et en moi

ou c’est ton sperme

cette force obscure et ancienne

qui m’incite à la rébellion

jusqu’à désirer les armes

par justice et par cruauté

Il existe un transmonde

où par moments j’habite

qui m’empêche le présent

j’embrasse la plaine

la paume d’une main

Dans la semence du verbe

je me retrouve


Acudimos

a una irrealidad

donde creemos palpar

el rostro de un ancestro

La entraña de mi madre

restituida en mi hija y en mí

o es tu esperma

esta fuerza oscura y antigua

que me empuja a ser rebelde

hasta desear las armas

por justicia y por crueldad

Hay un trasmundo

que por momentos habito

imposibilitándome el presente

beso la llanura

la palma de una mano

En la semilla del verbo

me recobro



_______________________________________________________________________
 

Malgré l’insondable distance

avec l’origine

l’éloignement perpétuel

de la mémoire

un rythme incessant

nous entraîne

imminence de l’espace

qui gravite dans les villes

son influx de temps

nous transfigure

De la paix à la guerre

de l’orgasme à la mort

du voyage à l’innocence

de la peur au sommeil

du désarroi à l’oubli

de la cruauté au silence

Matière

impulsion divine

décomposition organique

nous sommes


A pesar de la insondable

distancia

con el origen

del perpetuo alejamiento

de la memoria

un ritmo continuo nos

arrastra

inmediatez del espacio

gravitando en las ciudades

su influjo de tiempo

nos transfigura

de la paz a la guerra

del orgasmo a la muerte

del viaje a la inocencia

del miedo al sueño

del desarraigo al olvido

de la crueldad al silencio

Materia

impulso divino

orgánica descomposición

somos



_________________________________________________________________________
 

J’irai encore

dans des endroits cachés

qui m’ont appartenu

et que pour des raisons claires

j’ai abandonnés

Balbutier avec peu de mots

les ravages du déracinement

me fait pousser des ailes

et diminue l’oubli

Tronquée mon errance

tronçons de vie enterrés

visages et paysages perdus

Je suis survivante

parfois tortue millénaire

parfois oiseau de proie

Trucages et astuces

j’ai appris

sur des embarcadères et des quais

J’ai croisé des frontières

et semé de l’amour

dans les mauvais pas


Sé que aun

iré a parajes recónditos

que antes fueron míos

y por obvias razones

dejé de habitar

Con mínimas palabras balbucir

los estragos del desarraigo

me hace crecer alas

y menguar el olvido

Trunca es mi errancia

tramos de vida enterrados

rostros y paisajes perdidos

Soy sobreviviente

a veces tortuga milenaria

otras ave rapaz

Trucos y astucias

he aprendido

en embarcaderos y muelles

He cruzado fronteras

y sembrado amor

en los apuros


__________________________________________________________________________
 

Il y a des arbres qui boivent la nuit

au centre de leur feuillage

l’obscurité demeure en plein midi

certaines branches sous le soleil

sont inondation d’ombre

Au chardon la poussière

à l’olivier la lumière

au pin la hauteur

ailes

voiles

vagues

palmes

Pour accéder à la ville ineffable

il faut traverser les âges

la haine et la magnanimité

des hommes et des dieux

qui sur les ruines des ruines

édifient temples et forteresses

Les chemins sont la première

trace de volonté et de permanence

Traverser les temps sans écriture

comme un rêve en rudiment

et dans la découverte du vocable

l’essence de la mémoire

Chaos de murs et de fenêtres

la ville superposée

hérissée d’antennes

depuis ses toits

rassemble les ondes de l’immensité

et perdure dans ses racines

(Lattaquié – Alep)


 

 

 

Hay árboles que beben la noche

en el centro de sus frondas

mora la oscuridad en plena luz

ciertas ramas bajo el sol

son inundación de sombra

 

Al cardo el polvo

al olivar la luz

al pino la altura

 

alas

velas

olas

palmas

 

Para acceder a la ciudad inefable

es necesario cruzar las edades

el odio y la magnanimidad

de los hombres y de los dioses

que sobre la ruina de las ruinas

edifican templos y fortalezas

 

Son los caminos el trazo primero

de voluntad y de permanencia

 

Cruzar también los tiempos ágrafos

como un sueño en rudimento

y en el hallazgo del vocablo

la esencia de la memoria

 

Atiborrada de muros y de ventanas

erizada de antenas

la ciudad superpuesta

desde sus techos

acopia las ondas de la inmensidad

en sus raíces perdura

 

 

(Lattakia – Alepo)
Myriam MONTOYA

Poèmes extraits du recueil inédit "Boussole du jour / brújula del día" (version française de l’auteur).


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